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Philosophie juive - Wikipédia

Philosophie juive

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La philosophie juive est une entité controversée au sein de la pensée juive, traitant de sujets philosophiques généraux et de questions existenstielles, comme le sens de la vie, la place de l'homme par rapport à lui-même, autrui et Dieu, la nature de Dieu, mais aussi de préoccupations spécifiquement juives, comme le sens des mitzvot, ce qui tient de la croyance ou de la certitude, la nature des temps messianiques, etc.

La philosophie et le judaïsme ne présentent pas d'interdépendance. Le judaïsme fut d'abord conçu non comme un système de pensée, mais comme un mode de vie à appliquer. Les controverses savantes des Talmuds n'avaient d'autre but que d'établir et enseigner la pratique des prescriptions toraniques ou rabbiniques, sans penser qu'elles puissent être 'philosophées' ou même discutées autrement que pour en affiner les méthodes discutées, ou les appliquer à une situation nouvelle. Il est significatif que ni le Tanakh, ni le Talmud ne possèdent de terme pour philosophie -- un mot grec signifiant "amour de la sagesse" -- ni pour judaïsme -- un terme latin pour désigner les habitants de la Judée, alors que ceux-ci se désignaient comme le peuple d'Israël et non les "adhérents de la doctrine de Juda".

La philosophie juive débuta comme une tentative de syncrétisme qui, bien qu'ayant peu influé le monde juif, contribua à la propagation de ses idées dans le monde grec puis romain. C'est notamment ainsi que YHWH Elohim devint Kurios Theos, le "Seigneur Dieu".
Au Moyen Âge, elle fut adoptée sans réserve par les uns, conspuée sans retenue par les autres. Le grand Sage Moïse Maïmonide réussit à l'imposer comme une forme de rationalisation du judaïsme lui-même qui, sans se substituer aux Talmuds, tendait à perpétuer la recherche ininterrompue du sens que ceux-ci préconisaient.
Elle devint ensuite comparable à certains enseignements du Talmud, en ce qu'elle défendait la validité du judaïsme contre des systèmes fondés non plus la foi, comme le christianisme primitif, mais sur la raison.

Avec l'expulsion des Juifs d'Espagne, et surtout la constitution de la classe des Marranes, rejetés tant du christianisme que du judaïsme, philosophie et judaïsme semblèrent divorcer, la première éclosant dans sa modernité en conspuant le second. Cependant, la philosophie juive tend à renaître au sein des classes orthodoxes, voire ultra-orthodoxes.

Sommaire

[modifier] Controverses autour de la philosophie juive

Ainsi que le notaient les penseurs juifs de l'école française du vingtième siècle (Jacob Gordin, Emmanuel Levinas, André Neher, Léon Askénazi…), le phénomène religieux et le phénomène philosophique apparurent plus ou moins en concordance. Les "doctrines mosaïques" ne furent pas pensées en terme de religion avant Ezra, tout comme on s'accorde généralement à reconnaître le début de la philosophie à l'époque de Socrate, sans remettre en question la valeur de philosophes antérieurs comme Démocrite.

Ainsi que l'a indiqué Emmanuel Levinas, judaïsme et philosophie partagent certaines valeurs profondes :

  • tous deux prônent l'instruction comme valeur majeure dans l'éducation. L'ignorant ne saurait être pieux, et vice versa.
  • tous deux rejettent le "numineux", le sacré qui possède l'homme, et le prive de sa liberté d'être, de son indépendance.
  • tous deux, en rejetant les dieux mythiques, tendent à l'athéisme. Toutefois, le judaïsme le dépasse et l'englobe (toujours selon Emmanuel Levinas).

Il n'est d'ailleurs pas étonnant que les hérétiques Juifs soient pour la plupart nommés Apikoros, à rapprocher d'épicurien. Comment ne pas être tenté par cette philosophie qui prône, comme le judaïsme, le rejet d'une vie dévridée et le plaisir de l'etude ? Cependant, l'étude pour le judaïsme n'est pas une fin en soi; la mort n'est pas l'aboutissement de tout; Dieu n'est pas indifférent.

Judaïsme et philosophie divergent aussi, et en profondeur, dans le rapport de l'homme au monde, et de l'homme à l'homme. Il n'est pas innocent que le mot "comprendre" (cum prehendere, ou "saisir") ne comporte pas la même notion que son contrepied hébraïque lehavin (construit sur la racine bein, "entre"; faire la part des choses entre").
Au contraire de la philosophie, apport de la civilisation grecque, premier système de pensée à se démarquer des croyances, triomphe de la raison sur le mythe, annonçant les progrès de l'humanité, qui ne se font souvent pas sans un certain mépris pour les prédécesseurs, proposant une législation raisonnée, le judaïsme, fruit par excellence de la révélation, a proposé au monde la Torah, législation révélée proposant un système d'éthique et de morale, mais aussi de pratiques susceptibles d'être discutées pour en connaître la "bonne" interprétation.

Le problème n'est donc pas uniquement intellectuel ou, à la rigueur affectif : il comporte une forte connotation politique. On se souvient de la République de Platon, on se souvient des règles édictées par Moïse. Ces deux systèmes de pensée proposent deux formes de gouvernement.

Les milieux rabbiniques traditionnels se sont toujours méfiés de la philosophie et n'ont eu de cesse de condamner son emploi. Paradoxalement, les principaux représentants de la philosophie juive en furent, jusqu'aux temps modernes, issus. C'est que la philosophie menaçait le judaïsme, que ce soit la philosophie grecque, la philosophie karaïte ou la philosophie musulmane. Cependant, certains de ces Sages qui, initialement, voulurent lutter sur le plan de leurs adversaires et démontrer que la pensée juive était tout autant basée sur la tradition que la raison, se prirent au jeu, et leurs disciples, souvent de moindre envergure que leurs maîtres, furent tentés de subtiliser la pensée philosophique à la pensée juive, à sa façon de poser les questions et de chercher les réponses. Ce faisant, ils menaçaient de mettre en danger certains principes fondamentaux du judaïsme comme la création du monde, l'existence d'une justice divine, etc. Finalement, le Rav Nahman de Breslav en vint à dire que

philosopher,pour un penseur juif, c'est poser les questions que se posent les Juifs, et y répondre comme les Gentils, traiter de sujets sur le divin avec des moyens humains, sans les limites que s'impose la pensée juive « traditionnelle »

Si la philosophie a toujours été un problème pour le judaïsme, et que la réciproque ne semble pas vraie à première vue, des penseurs ont démontré, à l'exemple de Leo Strauss, en quoi des classiques, comme le Kuzari ou le Guide des Egarés, n'étaient pas de la philosophie. Quant aux œuvres "modernes", Emmanuel Levinas disait : « je ne place pas ma réflexion sous l'autorité de la Bible, je la place sous l'autorité de la phénoménologie », mais sa réflexion n'a pas cessé de se fonder sur la tradition juive (dont il ne se prétendit jamais maître).

[modifier] Controverses autour de la philosophie juive : les différentes approches

D'un point de vue général, la fusion, ou le syncrétisme, de deux systèmes de pensée se fait rarement sans confrontation.

Or, il ne s'agit pas de concilier deux philosophies, mais religion et philosophie, ce qui se heurte à des contradictions fondamentales, notamment :

  • Raison versus foi
    • le philosophe se veut libre de préjugés lorsqu'il aborde une question, y compris quant à la voie qu'ils devra emprunter ou les conditions qu'ils devra suivre.
    • le croyant, ou le fidèle, est précisément tenu à des principes de foi auxquels il lui faut adhérer sous peine d'apostasie.
  • Raison versus tradition
    • beaucoup d'approches philosophiques sont, à l'instar des mathématiques, un langage qui se veut universel pour décrire une réalité qui, bien souvent, est une réalité propre au philosophe. Le but du philosophe est de trouver la voie. Il n'hésitera donc pas à se démarquer de ses prédécesseurs.
    • le judaïsme croit en une vérité révélée, universelle, intemporelle et immuable. De plus, et ceci est particulièrement vrai dans le judaïsme rabbinique, il s'en tient à une tradition, c'est-à-dire à une chaîne de transmission depuis Moïse dont dépend la valeur de l'enseignement transmis. La contredire est impensable. Il s'agit donc de "coller" à ses prédécesseurs, plus proches du moment de la révélation.
      • Ainsi, à l'inverse de Démocrite, Platon ou Aristote, dont chaque nom représente un échelon tant dans l'histoire de la pensée que dans la poursuite de la raison, lorsqu'un Sage est nommément cité, c'est que son opinion, bien que d'une grande valeur intellectuelle, n'a le plus souvent pas été suivie. Le Talmud consigne simplement qu'untel Sage « dit » ceci. Inversement, lorsqu'il a rapporté un enseignement au nom de ses maîtres, untel Sage « a dit », et l'enseignement est irréfutable (à moins de trouver un avis contraire chez des Sages antérieurs).

Comment dans ce cas peut-on parler de conciliation entre Judaïsme et philosophie ?

  • On ne peut pas, semble répondre le maître hassidique Rabbi Nahman de Braslav, qui estime que toute vue philosophique est fausse et hérétique.
  • On ne peut pas, semble répondre Baruch Spinoza, qui considère la "religion" comme inférieure à la philosphie, et ne peut donc considérer la philosphie juive traditionnelle comme un échec.

Néanmoins, cette synthèse est possible pour d'autres :

  • La philosophie pourrait par exemple être utilisée afin de founir des arguments et preuves en faveur des principes de base d'une religion. Cette voie ne fut pas propre au judaïsme, elle fut empruntée par les penseurs de la Chrétienté et de l'Islam. Toutefois, cette approche n'est pas considérée comme de la "vraie" philosophie par les "vrais" philosophes.
  • On peut aussi partir du postulat typiquement philosophique, et considérer qu'aucune croyance religieuse n'est vraie (du moins pour les besoins du raisonnement) jusqu'à preuve du contraire, par une analyse philosophique indépendante. Cette voie, qui fut empruntée par Mordekhaï Kaplan, le fondateur du judaïsme reconstructionniste, est néanmoins désapprouvée par la plupart des "vrais" adhérents aux principes d'une religion.
  • On peut aussi appliquer les méthodes analytiques de la philosophie à sa religion, afin de renforcer les bases de sa foi. Ce fut le point de vue des philosophes du judaïsme, comme Saadia Gaon, Gersonide ou Abraham ibn Daoud.
  • Un autre point de contact entre judaïsme et philosophie pourrait être trouvé dans les "70 visages de la Torah" : chacun interprète l'enseignement selon sa sensibilité propre. Si l'on accepte que la philosophie du judaïsme n'est qu'une voie interprétative possible, et ne doit effacer la part de mysticisme inhérentes aux croyances révélées, le dialogue peut devenir d'une extraordinaire fécondité.

La question n'a pas été résolue à ce jour, et ce n'est pas la prétention de cet article, qui ne souhaite qu'exposer les différents philosophes au cours de l'histoire.

On peut néanmoins faire remarquer que :

  • pour ceux des philosophes qui veulent exclure du Judaïsme son essence révélée, le verdict est sans appel : ils peuvent être les plus grands philosophes aux yeux des nations, les vainqueurs de la religion (Hegel, à propos de Spinoza), du point de vue du Judaïsme, ils se sont égarés.
  • pour ceux des Juifs qui ne soumettent jamais leurs croyances à la question, le risque est grand d'intégrer de nouvelles coutumes sans fondement religieux. Ces Juifs, bien qu'honorés pour leur piété, leur érudition, voire leur sagesse, sont souvent perçus comme obscurantistes, voire intégristes ou fanatiques par la population en général, et les Juifs eux-mêmes.

[modifier] Penseur juif ou Juif qui pense ?

Cette interrogation, formulée à propos d'Emmanuel Levinas, pourrait être posée à propos de toutes les figures de la philosophie juive.
D'une façon générale, la grande question que se posèrent les philosophes Juifs de tous temps, et les penseurs Juifs en général, fut : "Qu'est-ce qu'un Juif ? Comment se vit le judaïsme ? Comment vivre en relation avec Dieu et les hommes?"
Toutefois, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une graduation, il y eut une évolution de la pensée par rapport au judaïsme dans le temps.

[modifier] Penser le Judaïsme

  • Quelle est la nature de Dieu ? Comment savons-nous qu’Il existe ?
  • Quelle est la nature de la Révélation ? Comment savons-nous que Dieu révèle Sa volonté aux hommes ?
  • Parmi nos traditions, lesquelles sont-elles à prendre au sens littéral, lesquelles sont-elles à prendre au figuré ?
    • la prophétie et les miracles se sont-ils tenus dans "notre" monde, tel que nous le connaissons, "où les miracle ne se voient pas tous les jours" et en ce cas, la prophétie est allégorique, mais qu'explique-t-elle ? ou bien, l'ère de la prophétie a-t-elle vu des actes purement miraculeux, d'autant moins appréhensibles par l'intellect qu'ils ne se sont pas reproduits depuis, et la prophétie serait-elle donc à accepter littéralement?
  • Quels sont les principes de base de notre foi, auxquels devraient croire tous ses adhérents (inclus les non-pratiquants) ?
  • Comment concilier les données philosophiques (ou scientifiques) avec notre foi ?

En ce sens, la philosophie juive est une forme de pensée juive, comme l'exégèse, la poésie ou la mystique, héritière du Talmud. On peut même dire que c'est une forme juive de la pensée universelle, qui chez les Grecs, aboutirait à la philosophie. Il n'est donc pas étonnant que les philosophes Juifs en empruntent la méthode et le langage, en d'autres mots la forme, puisque celle-ci est souvent la plus poussée de l'humanité. En revanche, la tradition se sent en danger lorsque certains parmi ces philosophes puisent non seulement dans sa forme mais aussi dans son fond.

Les philosophes du Judaïsme sont des maîtres reconnus en leur tradition, bien qu’ils puissent être fortement contestés, à l’exemple de Gersonide ou Moïse Narboni. Ils en maîtrisent les fondements, sont souvent rabbins, mais tentent, outre leur rôle de juge en matière de Loi juive et/ou d’enseignants, d’adopter, ou au moins adapter, les procédés, à défaut des vues, philosophiques aux questions traditionnelles juives, en vue de renforcer la foi.

Abraham ibn Daud Halevi encourage l’étude de la philosophie, car elle éveille l’esprit tant dans le profane que dans le religieux. Ces maîtres ès judaïsme et pensée sont souvent beaucoup plus connus pour leurs travaux philosophiques que ‘religieux’, avec des exceptions notables, comme Maïmonide, géant dans les deux domaines, Nahmanide et ibn Ezra, dont la philosophie se fond dans l’œuvre religieuse.

Le but de ces maîtres de philosophie et de Judaïsme est d'en faciliter la pratique, en expurgeant de la foi les aspects qu'ils jugents "irrationnels", en apportant une réponse, ou une ébauche de réponse, philosophique à des questions comme la nature divine, les miracles ou la prophétie.

[modifier] Penser la pensée du Judaïsme

Les questions deviennent alors :

  • la foi est elle compatible avec la raison ?
  • quelle est leur place ?

Ces questions agitèrent la philosophie juive au Moyen Âge, particulièrement après Maïmonide

[modifier] Pensée et Judaïsme

Il s'agit de penser le rapport du philosophe au Judaïsme, leurs apports mutuels ou au contraire leurs insolubles différences. C'est à ce niveau que se situent Spinoza, Mendelssohn et bon nombre de philosophes Juifs modernes, comme André Neher ou Emmanuel Levinas.

[modifier] Penser son Judaïsme

La réflexion ne concerne plus à proprement parler le Judaïsme, mais la Judéité, l'identité juive, qui ne se pose plus en termes religieux mais existentialistes, culturels, politiques.

  • Qu'est-ce que le Judaïsme ? Comment influe-t-il la vision du monde des Juifs ?
  • Comment un Juif voit-il le monde, l'histoire, y compris celle de la philosophie ? Et comment le monde voit-il le Judaïsme et les Juifs ?

Il s'agit par exemple des regrets d'un Heinrich Heine vieillissant, au sujet de sa conversion au protestantisme, des discussions de Franz Rosenzweig ou de Martin Buber, confrontant leur identité juive aux grands courants existentialistes du siècle, des réflexions sur l'antisémitisme de Hannah Arendt, qui n'entre jamais dans des considérations théologiques, voire idéologiques,de Hans Jonas posant de multiples questions d'ordre philosophique ou théologique qui se feront jour après le traumatisme de la Shoah, de Benny Lévy, dont les concepts parlent moins du Juif dans sa stature spirituelle que sans sa dimension historico-politique, ou civique.

Comme il ne s'agit pas ici de confronter deux formes de pensée mais de développer la phénoménologie, l'existentialisme, etc. dans la dimension d'un épiphénomène, la judéité, cette identité particulière qui caractérise les Juifs, qu'ils y consentent ou non, indépendamment de leur adhérence à la foi développée par le peuple juif, la synthèse est beaucoup plus facile, tout en suscitant de nouveaux horizons intellectuels.

[modifier] Philosophes d'ascendance juive

Les "philosophes généraux" qui n'ont de caractère Juif que leur ascendance, comme Karl Marx, Edmund Husserl ou Henri Bergson, ne font pas de philosophie juive.

[modifier] Philosophie juive antique

[modifier] Antécédents historiques, talmudiques et midrashiques

Lorsque Alexandre conquiert l’Asie et défait la Perse, la province de Yehoud, sous domination perse mais jouissant du droit d’autodétermination, devient la province de Judée, sous domination grecque mais jouissant du droit d’autodétermination, et cela sans coup férir.

Alexandre estime hautement les valeurs des Judéens. Le Talmud rapporte qu'il avait particulièrement d'estime pour Siméon le Juste. Il est au centre de nombreux récits (pour un exemple, cliquez ici), où le respect se teinte d’une verve ironique contre son ambition.
Les Juifs découvrent la vie hautement organisée des Grecs, leurs arts, leurs accomplissements, tandis que les Grecs s'émerveillent devant ce peuple qui, par la vertu de sa loi, est arrivé à un régime politique finalement assez proche du leur, menés par un Moïse qu'ils qualifient des termes les plus grandioses. Tels sont initialement les rapports entre ces deux peuples qui apporteront chacun leur écot à l'humanité : un respect mutuel, beaucoup d’estime mais pas de mélanges.

Cependant, Alexandre introduit également la philosophie (dont il semble douteux que les Juifs n'aient eu aucune connaissance antérieure). La philosophie, qui a démonté le Panthéon Grec, s'attaque à YHWH, le Dieu des Juifs. Comment un Dieu transcendant, irreprésentable et unique pourrait-il ordonner à un peuple une loi? Cependant, ils se rendront rapidement compte que les Juifs n'apprécient pas qu'on s'en prenne à la Torah.

L'opposition entre rabbins et philosophes est fondée sur des conceptions antagonistes du monde.

  • Le judaïsme considère le monde comme créé, qu'il y a une vie après la mort et qu'il existe un jugement divin
  • Pour la philosophie grecque le monde a toujours existé, et dans l'éventualité où existe une vie après la mort, une forme d'âme collective composée d'esprits des grands penseurs, aucune justice divine ici-bas ou dans un au-delà n'existe.

Le Talmud est empli de récits de disputations entre Sages des nations et Sages Juifs. Ceux-ci connaissent les idées de leurs homologues (il suffit de parcourir le Talmud ou le Midrash pour s'en convaincre), reconnaissent leur valeur intellectuelle, mais n'y accordent aucune créance, et ne se gênent pas pour les contester.

  • Midrash Bereshit Rabba sur le verset 1 :26 de la Genèse ("mâle et femelle Il les créa") : "l’homme fut créé 'à double face'" (c'est-à-dire hermaphrodite).
  • Le but de cette exégèse est avant tout de contester la conception grecque de l'hermaphrodisme comme une forme de perfection. Si tel était le cas, nous expliquent les Sages, pourquoi l’Adam hermaphrodite ne fut-il satisfait que lorsque Dieu en tira un côté (et non une côte, voir commentaire de Rachi ad loc.) pour en faire une femme ?

Certains historiens critiques du judaïsme pensent que c'est au contact des Hellènes, et en réponse à leur philosophie, que le judaïsme, primitivement monolâtre (ou hénothéiste), devint farouchement monothéiste. Cette opinion est, comme beaucoup d'autres, sujette à controverse.

Lorsque le monde s’ouvre aux Juifs, on assiste à une formidable expansion du judaïsme dans le monde, ainsi que de la philosophie dans le judaïsme. Les considérations sur la métempsycose, par exemple, si importantes dans le Judaïsme, puisque le Messie ressucitera les morts, ne prennent leur ampleur qu'à cette époque.

  • Rabbi Juda HaNassi déplore que ceux des habitants de la Terre d'Israël qui ne parlent pas l'Hébreu ne parlent pas non plus le Grec.
  • Enseignement talmudique :"Ne crois pas la foi des nations, crois la sagesse des nations"
  • Le Grec est la seule langue dans laquelle la Bible peut être traduite, car le peuple qui la pratique recherche la sagesse, a accompli de véritables prodiges dans les domaines politiques et sociaux.

Cependant, de l'autre côté, les Grecs sont dépeints comme païens, polythéistes, jouisseurs, pratiquent ou acceptent l'homosexualité, " abomination à l’Eternel" aux yeux de la loi juive (voir judaïsme et homosexualité).

  • Du sage hérétique Elisha ben Abouya, on dit qu'il étudiait toujours avec une mélodie grecque sur les lèvres.
  • Une légende apocryphe probablement née au dixième siècle EC voudrait qu'Alexandre, disciple d'Aristote, lui ait rapporté de Jérusalem les écrits du Roi Salomon. Cette légende servira de fondement à certains philosophes, comme Joseph ibn Caspi, pour se consacrer à la philosophie.
    • "Comment puis-je connaître Dieu, et savoir qu'Il est Un, à moins de savoir ce que signifie savoir, et ce qui constitue l'unité? Pourquoi cela devrait-il être abandonné aux philosophes des Nations? Pourquoi Aristote devrait-il garder en sa seule possession les trésors qu'il a volés à Salomon ?”
  • Une autre légende va jusqu'à dire qu'Aristote se serait converti au Judaïsme et aurait enjoint un disciple à renier ses enseignements.
  • Les philosophes sont connus dans le Talmud, sous le nom d'Apikorsim (pluriel d'apikoros), mot dérivé du terme grec qui désigne les épicuriens. Actuellement, ce mot désigne un incroyant, un hérétique, voie un renégat.

Deux tendances se dessinent : ceux qui s’en vont dans le monde, par groupes entiers, fondant de nombreuses communautés dont celle d’Alexandrie ; les Juifs restés en Judée, qui ne tarderont pas à se rebeller contre les Grecs, dont la philosophie est le vivant symbole. L'institution des 8 jours de Hanoucca commémore moins une victoire militaire que la victoire de la foi sur le matérialisme grec.

Sans doute, la meilleure formulation du problème est celle donnée par André Néher dans le tome I de l'histoire de la philosophie (article "philosophie biblique et juive") : la question grecque est par excellence celle du savoir alors que la juive est celle de la responsabilité. Ces deux points de vue marquent jusqu'à nos jours la philosophie juive et son regard.

[modifier] La philosophie juive hellénistique

La philosophie Juive commença dans la Diaspora, au deuxième siècle avant l'ère commune (ou peut-être plus tôt, certains estimant que la traduction grecque de la Septante comportait déjà des influences philosophiques) et se poursuivit jusqu'au premier siècle EC. Née de la rencontre du Judaïsme avec le Stoïcisme et Platon, elle voulait donner une interprétation philosophique du Judaïsme. Ce faisant, elle tente de montrer que le Judaïsme est une forme de philosophie, qui conçoit Dieu de façon spirituelle (à l'inverse des divinisations d'occurrences matérielles, qui ont donné le polythéisme) et l'éthique de façon rationnelle.

Ils considèrent toutefois le Judaïsme comme supérieur à la philosophie.

[modifier] Aristobule de Panéas, le premier philosophe du Judaïsme

Si Philon est le seul dont le travail nous soit parvenu, le premier fut Aristobule de Panéas, dont certains fragments du commentaire qu'il fit de la Bible ont été conservés par les Pères de l'Église.

Aristobule estimait que les philosophes et poètes tiraient leurs enseignements de la sagesse de Moïse. Certaines de ses idées ont pénétré l'exégèse ultérieure : notamment, "la main de Dieu" ne peut être pris au sens littéral, il s'agit d'une expression désignant son pouvoir (à comparer avec Avraham ibn Ezra : il existe un sens littéral et un sens non-littéral, mais il ne s'agit pas d'un sens allégorique); la Sagesse (c'est-à-dire la Torah) apréfiguré et préexisté aux cieux et à la terre (de là l'exégèse de certains du mot "bereshit", non pas "au commencement", mais "au moyen du Commencement", c'est-à-dire de la Torah); la Sagesse a d'abord existé comme attribut divin, ensuite comme création (par émanation) de Dieu, et ensuite comme immanente au monde; l'interprétation symbolique du Shabbat et du chiffre 7.

[modifier] Philon d'Alexandrie (-20 EC- 40 EC)

Représentant typique du judaïsme hellénisé d'Alexandrie, Philon ne parle probablement pas l’Hébreu. Il rêve de concilier religion et philosophie, révélation et raison : la philosophie est le moyen de défendre et de justifier les vérités révélées du Judaïsme. Celles-ci sont pour lui fixées et déterminées, et la philosophie permet d'en approcher (à l'exception, bien sûr des idées irréconciliables avec le judaïsme, comme les doctrines aristotéliciennes sur l'éternité du monde).

La Bible est pour lui un ouvrage de législation religieuse parsemé de leçons d'éthique, Moïse un précurseur de Solon ou Lycurgue, les commandements bibliques inculquent à l'homme les fondements du stoïcisme, et accordent son rythme aux rythmes cosmiques et universels. Le Shabbat vise à abolir toute barrière sociale, la casheroute à enseigner la modération et la frugalité.

Philon étant adepte de la philosophie stoïcienne, à une époque où tant les Juifs de Babylone que d'Israël manifestaient une méfiance de plus en plus marquée envers celle-ci, son œuvre qui avait comme but d'universaliser le judaïsme, n'en trouva jamais aussi peu que dans le judaïsme.

[modifier] Sa philosophie

[modifier] Philosophie juive au Moyen Âge

De façon schématique, ainsi que le disait le Pr Askénazi, "le premier philosophe parle lorsque le dernier prophète (Malachie) se tait". Ce n'est évidemment pas tout à fait exact d'un point de vue historique : des philosophes ont précédé Socrate, et la tradition elle-même rapporte que Jérémie disputa avec l'un d'eux lors de son exil en Égypte.

Le message est néanmoins clair : la philosophie ne prit son essor que lorsque la révélation se tut.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, deux réactions avaient eu lieu : alors que les Juifs restés en Judée se rebellaient contre l'hellénisation, d'autres s'installaient en terre grecque, à Alexandrie, et produisaient des penseurs qui, à l'exemple de Philon, n'hésitaient pas à confronter les deux langages. Cependant, la philosophie de Philon peina à s'exporter.

Il fallut l'expansion du monde de l'Islam pour que la philosophie revienne frapper en force aux portes du monde Juif. Elle avait désormais un tout autre visage :

  • d'un côté, les Mutazilites s'en faisaient un outil afin d'étudier rationnellement les Textes. Le succès des Karaïtes à convaincre de leur vérité puise ses racines dans cette approche philosophique de l'exégèse scripturaire, et les tenants de la tradition furent impuissante à les contrer, jusqu'à ce qu'un Sage formé à la même école (bien qu'ayant conservé sa liberté de pensée) les affronte sur leur propre terrain.
  • de l'autre côté, le néoplatonisme, bien qu'originellement hénothéiste et païen, avait été adapté puis adopté : l'émanationnisme, la perfection infinie de l'Un, la montée de l'âme etc. sont des thèmes très proches des croyances religieuses, permettant de s'essayer à la fois à la spéculation rationnelle et à la spéculation mystique. Néanmoins, ce Dieu auquel on parvient est un Dieu impersonnel, froid, maître des puissances (Elohim) certes, mais où Est Celui qui avait fait tant de miracles pour Israël, qui avait parlé à tant de prophètes?

L'un des penseurs les plus marquants du Judaïsme, Juda Halevi, se leva alors pour combattre la philosophie, s'appuyant sur un illustre prédécesseur, le philosophe persan Al-Ghazali. Cependant, Juda Halevi ne cessa "de se mouvoir dans l'univers mental de ses adversaires" pour les contrer, alors que son contemporain, Abraham ben Dawd Halevi, nourri aux lectures d'Al-Farabi et Avicenne, convaincu de ce que Judaïsme et philosophie participent de la même pensée, tentait d'introduire ses contemporains aux idées Aristote.

L'aristotélisme trouva son représentant dans le géant de la philosophie juive, Moïse Maïmonide. Il changea littéralement le champ de vision du Judaïsme. Il n'y eut pratiquement personne qui n'y ait réagi, en adhérant à ses vues, en les critiquant, en les rejetant, voire en développant un courant ésotérique jusque là peu connu.

[modifier] L'ère du Kalam

[modifier] Philosophie Karaïte

Née au sein d'une mouvance de dissension perse, rejetant tant l'autorité législative que la valeur exégétique du Talmud, la secte des Karaïtes adopte sa propre forme de philosophie, une version juive du Kalâm islamique, empruntée aux Mutazilites, qu'ils suivent plus fidèlement que les juifs rabbanites (cf. infra).

Les Mutazilites se font les champions de l'Unité et de la Justice divine. Or, deux problèmes se posent :

  • Le Coran affirme l'unité d'Allah, mais Lui décrit de nombreux attributs. Or, comment peut-on être capable de colère et de miséricorde, pour ne citer que cela? Il s'agit de prouver qu'on peut lui citer de nombreux attributs
  • Allah est omnipotent et omniscient, ce qui pourrait porter à penser qu'Il dirige tout, y compris les actes des hommes. Mais en ce cas, pourquoi punir le pécheur ? Ils répondent à cette question en citant, à leur insu, le Talmud : "Tout est entre les mains de Dieu, sauf la crainte de Dieu".

La philosophie des Mutazilites est conçue pour résoudre les problèmes de l'analyse scripturaire, qui caractérise précisément les Karaïtes, ces Juifs qui, ayant fait sécession du Talmud, reportent leur adoration toute entière sur la Torah. Il ne s'agit donc pas d'une philosophie systématisée, tout argument philosophique est bon pour expliquer l'Ecriture, qu'il provienne de Platon, d'Aristote ou d'Epicure.

Plus tard, Aaron ben Elya de Nicomède, un philosophe du quatorzième siècle, sera profondément influencé par la pensée aristotélicienne, surtout maïmonidienne.

[modifier] Saadia Gaon (892-942)

Auteur de Emounot veDeot (Choses crues et choses sues, originellement Kitab al-Amanat wal-l'tikadat, le "Livre sur les Articles de Foi et les Doctrines du Dogme"), première présentation systématique de la doctrine judaïque ainsi que de ses éléments philosophiques,Saadia Gaon, l'une des premières grandes figures du Judaïsme à faire profession de philosophie, s'inspire du raionnalisme Mutazilite, en particulier de l'école d'Al-Jubbaï. Toutefois, malgré la rationalité de la foi juive, la raison ne peut absolument pas contredire la tradition, auquel cas cette dernière a préséance sur elle.

C'est notablement le cas dans les domaines où seule la spéculation semble pouvoir mener à la bonne compréhension des choses : le monde a-t-il été créé ou est-il éternel? L'âme humaine est-elle ou non immortelle ?

Le Emounot veDeot suit la systématique des théologiens du Kalam :

  1. Problèmes métaphysiques que pose la création du monde,
  2. Unité de Dieu,
  3. Théorie de la Révélation,
  4. La justice divine, en termes d'obéissance ou désobéissance,
  5. Le mérite et le démérite
  6. L'âme et la mort
  7. La résurrection des morts (qui, selon l'auteur fait partie de
  8. la rédemption aux temps messianiques.)
  9. Récompenses et punitions dans le monde à venir.

[modifier] Le triomphe du Néoplatonisme

[modifier] Bahya ibn Paquda (1ère moitié du onzième siècle)

Bahya ibn Paquda, que les Juifs connaissent sous le nom de Rabbenou Behaye, écrivit en 1040 le premier ouvrage d'éthique juive, intitulé Al Hidayah ila Faraid al-hulub, "Guide aux devoirs du cœur", et traduit en Hébreu par Juda ben Saül ibn Tibbon un peu plus d'un siècle plus tard sous le titre Hovot ha-Levavot, les Devoirs du Cœur.

Bien qu'il cite fréquemment Saadia Gaon, il n'appartenait pas au courant des Motazilites, mais au mysticisme néo-platonicien, comme son jeune collègue Salomon ibn Gabirol,suivant la méthode d'encyclopédistes musulmans connus sous le nom des "Frères de la Pureté". Présentant une forte inclination au mysticisme contemplatif et à l'ascétisme, Bahya ibn Paquda élimina tout de même de ce système les éléments qui lui semblaient en contradiction avec le monothéisme ou la Loi Juive. Il voulait présenter un système religieux abordable, mais pur, et en complet accord avec la raison.

[modifier] Salomon ibn Gabirol (1021-1070)

Ce poète fameux est l'auteur du Fons Vitae (traduction latine de "Mekor Hayim"), œuvre de philosophie néo-platonicienne et de Tikkoun Middot HaNefesh ("Correction des Attributs de l'Ame"), œuvre d'éthique.

La philosophie d'ibn Gabirol est néo-platonicienne dans son essence même, et on y chercherait en vain une "touche de Judaïsme". Platon est le seul philosophe nommément cité. Tout comme lui, ibn Gabirol spécule sur un Etre Intermédiaire entre Dieu et le monde, entre la forme et la matière, le monde sensible et le monde des idées.

Pour Philon, ce lien entre idées (substances incorporelles) et matières (formes sensibles sans idéation possible) est le Logos.

Pour ibn Gabirol, il s'agit de la volonté divine. Cette conception n'est pas sans analogie avec les idées plus récentes de Schopenhauer et Wundt.

Notons que les Kabbalistes croient eux aussi à un dévoilement progressif de Dieu dans le monde, via les dix sephirot. Cependant, ce système de pensée est on ne peut plus éloigné de celui d'ibn Gabirol (même si Isaac l'Aveugle a eu les mêmes "lectures" et influences que son aîné)

Si cette œuvre inspire, tant dans le fond que dans la forme, le très néo-platonicien Abraham ibn Ezra, Abraham ibn Dawd Ha-Levi, en revanche, loue également le poète, mais critique vertement le philosophe, allant jusqu'à rédiger dans son livre, écrit en Arabe, mais connu sous son titre hébraïque de "Emouna Rama", une attaque en règle de toutes ses assertions, qu'il finit par démonter, en lui reprochant, entre autres, d'avoir philosophé sans avoir tenu compte du moindre point de vue religieux.

De fait, même si l'on peut trouver de vagues similitudes entre "Mekor Haïm" et son plus grand poème "Keter Malkhout", on est avant tout frappé par les différences de Weltanschauung : le Dieu impersonnel, aristotélicien, mécanistique du philosophe, fait place au Dieu Miséricordieux, qui aime, et Se soucie de la moindre de ses créatures, qui infléchit le cours du monde et de l'histoire en fonction de Ses desseins, en agissant directement sur la fabrique même de la réalité. C'est le Dieu qui dit d'une chose "Sois" et elle est.

Comme Philon, qui avait introduit la philosophie grecque en Orient, ibn Gabirol assimile la pensée gréco-arabe, et la répand en Occident.

L'œuvre d'ibn Gabirol n'aura pas davantage d'influence sur ses contemporains Juifs que son prédécesseur en son temps.

En revanche, tout comme le message de Philon (assez déformé au passage) avait influencé les Pères de l'Église, ibn Gabrirol marqua profondément les Scolastiques chrétiens, y compris Albertus Magnus et son élève, Thomas d'Aquin. C'est ironiquement par leur biais que le philosophe, dont le nom aura été déformé en Avicebron, sera connu d'Abravanel, Juda Abravanel, Moïse Almosnino, et Joseph Delmedigo.

Son empreinte marqua si fortement la pensée chrétienne que ce ne fut qu'en 1846 que le grand orientaliste Salomon Munk redécouvrit qu'Avicebron n'était pas un philosophe chrétien mais Juif.

[modifier] Isaac Israeli (855-955)

Premier représentant du Néoplatonisme dans le Judaïsme, son centre d'action fut Kairouan. Il fut contemporain de la période du Kalam Influencé par al-Kindi, il composa le Kitab al-Hudud (Sefer ha-Gevulim; "Livre des Définitions"), Kitab al-Jawahir ("Livre des Substances"), Sefer ha-Ru'ah ve-ha-Nefesh ("Livre de l'Esprit et de l'Âme"), Sha'ar ha-Yesodot ("Chapitre sur les Eléments"), et Kitab al-Ustuquat ("Livre sur les Eléments"), dont les traductions latines influencèrent la pensée scolastique chrétienne. Il n'eut pas autant de succès dans la pensée juive : Maïmonide de lui qu'il "n'était pas philosophe, seulement médecin", et ibn Ezra lui-même le critiqua au côté des savants des nations.

Ses idées sont globalement celles du Néoplatonisme, si ce n'est que Dieu créa le monde par amour au moyen de sa Puissance et de sa Volonté, qui lui sont inhérentes et ne sont pas des hypostases.

Il établit la distinction entre la philosophie, quête de la sagesse, et la sagesse elle-même, qui est le but ultime à atteindre. En revanche, il ne voit pas de différence marquée entre le philosophe et le prophète : tous deux se préoccupent de l'ascencion de l'âme et de guider l'humanité vers la vérité et la justice.

[modifier] Abraham bar Hiyya Hanassi (première moitié du douzième siècle)

Ce Sage fut avant tout connu comme mathématicien et diffusa l'équation du second degré en Occident, en des temps troublés où le savoir voyageait peu.

Néanmoins, il est également auteur de Higayon haNefesh HaAtsouva (Logique de l'âme triste) et Meguilat HaMegualè (Le Rouleau du Révélateur), premiers ouvrages philosophiques rédigés en Hébreu, bien que la théologie, l'eschatologie et l'éthique y soient plus abordés que la philosophie proprement dite.

Sa pensée emprunte à Aristote autant qu'à Plotin. Ainsi, il souscrit à la doctrine émanationniste, mais intercale un monde de lumière et un monde de domination entre Dieu et les substances spirituelles. Ses conceptions de forme et matière sont, quant à elles, aristotéliciennes, car ces principes ne peuvent exister que dans le monde corporéel et non dans celui des substances simples.

[modifier] Moïse ibn Ezra (10551135)

Moïse ibn Ezra fut un poète et critique, mais sa poésie fourmillait de références à ibn Gabirol et des philosophes grecs antiques (mais il faisait souvent des erreurs dans ses références) comme Pythagore, Empédocle, Socrate, et Aristote.

Ses thèses étaient empreintes de néoplatonisme :

  • l'homme est un microscosme, reflet du macrocosme
  • Dieu est Un au-delà de toutes les unités et Inconnaissable en lui-même
  • la connaissance de soi conduit à la connaissance du Créateur;

[modifier] Abraham ibn Ezra (10891164)

Abraham ibn Ezra fut l'un des plus grands Sages Juifs du Moyen Âge, excellant dans tous les domaines, de la poésie aux mathématiques en passant par l'exégèse, la médecine et l'astronomie. Il n'a pas vraiment composé d'œuvres philosophiques, ses idées étant dispersées dans son commentaire. Néoplatonicien par excellence, il considère que :

  • seul le monde inférieur fut créé, le monde supérieur et les anges étant coéternels à Dieu
  • Dieu a tout fait et Est tout, mais n'a pas de forme ni matière
  • l'âme humaine provient d'une substance spirituelle, l'Âme du monde, et peut, si elle en est capable, devenir immortelle en se réintégrant à cette Âme universelle
  • Dieu ne connaît que les espèces, pas les individus
  • la providence divine, qui elle aussi ne s'adresse qu'aux espèces, est médiée par les corps célestes, mais les individus ayant développé leur âme et leur intellect peuvent prévoir les influences néfastes causées par les sphères célestes, et en conséquence les éviter.

Spinoza l'a fait connaître comme un de ses modèles, et il fait effectivement le premier montre de critique vis-à-vis des textes bibliques, estimant, sur base strictement textuelle, que la Torah n'a pu être rédigée par Moïse seulement.
Il n'est toutefois pas le libre penseur qu'on a voulu imaginer et, bien que frôlant lui-même l'accusation d'hérésie à plusieurs reprises, s'insurgea contre ceux qui lui semblaient porter atteinte aux fondements de la tradition et des rites (comme l'interprétation du Rashbam sur Shabbat)

[modifier] Critique de la philosophie

[modifier] Yehuda Halevi (1085-1140), l'Al-Ghazali Juif

Il suffit de lire la poésie de Yehuda Halevi pour apprécier son amour du peuple Juif, et son exaltation devant sa destinée. Or ce peuple est soumis à des systèmes de pensée hautement influents et séduisants, le Christianisme, l'Islam, le Karaïsme, et surtout la philosophie, à l'époque principalement représentée par le courant néoplatonicien.

Juda Halevi, qui en possède lui-même une connaissance élevée, déplore leurs attraits, et compose, sur le modèle des dialogues du philosophe Al-Ghazali dans La destruction des philosophes (Tahafut al-Falasifa), le Kuzari où il pourfend la philosophie, et la "religion rationnelle" à laquelle elle propose d'arriver.

Juda Halevi s'exprime sans équivoque : il n'y a pas d'identité entre vérité démontrée et vérité révélée, celle-ci ne se laisse ni examiner, ni soumettre à la spéculation, seul Dieu donne accès à quelques élus au domaine du divin (al 'amr al-ilahi).

Si ce livre eut un grand impact sur les Juifs, qui redécouvrirent effectivement leurs sources, il ne leur fit pas oublier la philosophie, et on pouvait remarquer que Yehuda Halevi lui-même contrait les assertions de la philosophie par des arguments eux-mêmes philosophiques...

[modifier] Sa philosophie

[modifier] L'avènement de la pensée aristotélicienne

[modifier] Abraham ibn Dawd Halevi (1110-1180)

Philosophe et historien, il est surtout connu pour son Sefer haQabala, historique retraçant la transmission de la Torah depuis Moïse, à partir des sources talmudiques. Néanmoins, il est aussi l'auteur de al-Aqida al-Rafi'a (plus connu sous le nom de sa traduction hébraïque,Emouna Rama), ouvrage philosophique fortement influencé par Avicenne et critique envers ibn Gabirol, écrit pour un ami à qui il explique la notion de libre-arbitre, destiné uniquement "à l'intention de ceux qui doutent". Il veut y démontrer que rien dans le Judaïsme ne s'oppose à la raison, et que le conflit entre foi et raison n'est qu'apparent, puisque les deux sont identiques dans leur essence.

  • Dans son 1er traité, il commence par expliquer les notions aristotéliciennes de physique, métaphysique et psychologie.Il cite ensuite des versets qui, selon lui, font allusion à ces notions.
  • Dans son second traité, il les utilise pour expliquer certains sujets: l'existence de Dieu, son Unité, Ses attributs, Ses actions (y compris la Création), la prophétie et l'interprétation allégorique de termes comparant Dieu à Ses créatures (autrement dit, les expressions anthropomorphistes)
  • Son troisième traité fait part de considérations éthiques

Afin de produire une preuve de l'existence de Dieu, ibn Dawd utilise

Si, comme Aristote, il pense que tout changement ou accident suppose une matière sous-jacente, il se démarque de lui en professant que Dieu a créé une première matière, en conséquence de quoi le monde ne peut être éternel.

Par ailleurs, s'il cite par ailleurs la doctrine de l'émanation pour expliquer la création du monde, il précise que l'émanation ne provient pas d'une nécessité mais est au contraire la manifestation de la libre-arbitre de Dieu.

Sa doctrine psychologique est plus proche d'Avicenne que d'Aristote : il croit comme le premier que l'intellect humain est une substance individualisée, non rattachée au corps. C'est donc comme un tout que cette substance acquiert l'immortalité, et non pas le seul "intellect acquis". L'Intellect Agent, la plus basse des intelligences célestes, est ce qui permet le renouvellement de l'esprit humaine, ainsi que l'accession à la prophétie (une thèse farouchement combattue par Juda Halevi. Cependant, Abraham ibn Dawd le rejoint lorsqu'il affirme que la prophétie est limitée au peuple Juif, et dans les limites de la Terre d'Israël.

Enfin, ibn Dawd estime qu'afin de préserver le libre-arbitre de l'homme, il faut admettre à celui-ci que la connaissance de Dieu est limitée.

De lecture malaisée, ce livre fut très vite surclassé par le "Guide des Egarés" de Maïmonide, paru peu après. Abraham ibn Dawd n'en est pas moins le premier Juif aristotélicien, et son œuvre compte parmi les ouvrages classiques de la philosophie juive du Moyen Âge.

[modifier] Maïmonide (1135-1204)

Rabbenou Moshe ben Maimon pour les Juifs, Moyses Maïmonide pour les Chrétiens,Mussa bin Maimun ibn Abdallah al-Kurtubi al-Israili pour les Musulmans, fut l'"Aigle de la Synagogue", qui écrivit le Commentaire sur la Mishna et le Mishné Torah, le "Prince des Médecins" (on peut encore voir son portrait gravé à la Faculté de Médecine de Paris) et surtout un des plus grands érudits que connut le Judaïsme. Auteur du Guide des Egarés, son influence sur la philosophie est si grande qu'on parle, à l'instar d'un Socrate, de philosophie pré- et post-maïmonidienne. L'un des rares Juifs à avoir marqué tant les Juifs que les Gentils, son influence se ressent jusqu'à Spinoza et encore de nos jours.

Maïmonide, selon le mot de Maurice-Ruben Hayoun, parlait en Arabe, priait en Hébreu et pensait en Grec.

Formé au Talmud par son père, lecteur féru d'Aristote et d'Hippocrate (ainsi que des grands philosophes arabes de son temps), Maïmonide conciliait les premiers avec les seconds.

Placant Aristote juste en-dessous des prophètes, il était convaincu, comme les Scholastiques, qu'il ne pouvait y avoir de contradiction entre la Torah, vraie puisque révélée, et les trouvailles humaines, certaines puisque démontrées, à l'exception toutefois des points où Aristote contredisait la Torah, notamment au sujet de l'éternité du monde, ou de la distance de Dieu vis-à-vis de l'humanité.

Il précéda, et influença sûrement, en cela les Scolastiques. Cependant, il était influencé par les commentateurs néo-platoniciens, bien qu'il n'en partage pas nécessairement les idées, et par ses propres idées, qui émanaient indubitablement d'une âme profondément juive, point sur lesquels les Scolastiques ne le suivirent évidemment pas.

Ils ne le suivirent pas davantage sur la théologie négative, Maïmonide estimant qu'on ne peut décrire Dieu que par ce qu'Il n'Est pas. Maïmonide estimait qu'aucun attribut positif ne convenait à Dieu.
Le nombre de Ses attributs pouurait sembler porter préjudice à l'Unité de Dieu :comment concevoir qu'Il puisse être à la fois Juste, et Garant des lois de l'univers, le Grand Architecte de Voltaire, Bon, Garant de la Providence et du libre-arbitre (alors qu'on vient de dire que tout est sous Son contrôle) et Miséricordieux ?

Pour mémoire, selon le Talmud, tout est entre les "mains" de Dieu, sauf la crainte de Dieu")

Par ailleurs, entre les attributs de Dieu et ceux de l'homme n'existe de similitude que dans le choix des mots (homonymie -- cf. Guide des Egarés I 35, 56).

Rien ne peut donc être su de la "véritable essence divine". De même que Kant dira que la Chose-en-elle-même est "insachable", Maïmonide déclare qu'on ne peut savoir de Dieu que ce qu'Il n'Est pas

  • Exemple : Dieu n'est pas "vivant", au sens du terme. La seule raison pour laquelle on L'appelle le Dieu Vivant est pour souligner qu'Il ne peut être mort.
  • Plutôt que de dire que Dieu Est sage, nous devrions dire qu'Il n'Est pas ignorant

Les Scolastiques pensaient comme lui qu'aucune assertion n'est adéquate pour décrire Dieu, mais ils ne pouvaient accepter qu'aucun terme positif ne décrive Dieu.

  • Si on peut admettre qu'"éternel", "omnipotent" ne décrit pas adéquatement Dieu, il est inutile de dire qu'Il Est "non non-éternel", etc.

Enfin, il écrit en réponse aux philosophes de son temps 13 articles de foi auxquels les Juifs étaient selon lui obligés de croire (quiconque transgresse les commandements mais adhère à ces principes est encore d'Israël. Quiconque en renie un seul est un apostat)

  1. Dieu Est
  2. Dieu est Un; il n'y a d'autre unité que la Sienne
  3. Dieu est incorporel
  4. Dieu est Eternel (et antérieur au monde)
  5. Seul Dieu doit être honoré
  6. La Révélation a eu lieu au travers des prophètes de Dieu.
  7. La prééminence de Moïse au sein des prophètes
  8. La Loi de Dieu a été donnée sur le mont Sinaï
  9. La Loi de Dieu est immuable
  10. Dieu a la prescience de toutes les actions humaines
  11. Récompense des bonnes actions et châtiment des mauvaises
  12. La venue du Messie
  13. La résurrection des morts

Il existe tout de même une controverse, certains soutenant que le Rambam souscrivait aux thèses aristotéliciennes sur l'éternité du monde, et ne croyait pas à la résurrection des morts.

[modifier] Sa philosophie

[modifier] Philosophes post-maïmonidiens

De la même façon qu'on dit qu'après Rachi, tout commentaire biblique fut dans une certaine mesure un commentaire du sien, on pourrait dire que la philosophie juive jusqu'à l'ère moderne fut au moins en partie définie par ses positions envers les thèses de l'Aigle de la Synagogue, et dans une certaine mesure, des penseurs aussi déterminants pour la pensée moderne que Spinoza ou Mendelssohn pourraient être qualifiés de post-maïmonidiens, ainsi qu'Hermann Cohen.

Néanmoins, certains consacrèrent réellement leur activité philosophique à débattre de celle du Maître

[modifier] Abraham ben David de Posquières, 1125-1198

Le Rav Abraham ben David de Posquières, rabbin provençal de la communauté de Lunel, contemporain de Maïmonide fut l'un de ses plus farouches adversaires, mais qu'on ne s'y trompe pas : son but n'est pas de déconstruire l'œuvre du Maître, mais simplement de montrer aux étudiants éblouis, tant par la stature historique de l'Aigle de la Synagogue que par son œuvre, que la parole de notre Maître Moïse n'est pas celle de Moïse notre Maître, qu'une opinon alternative peut et doit exister.

Si cette opposition se manifeste tout naturellement sur le Code de Maïmonide, le RABaD est encore plus opposé à la construction d'un système de principes de lois (qui pourraient trop facilement devenir des dogmes, sacralisés et figés), en particulier suivant la méthode préconisée par Maïmonide. En effet, celui-ci a une tendance trop prononcée à faire passer des concepts aristotéliciens pour de la théologie Juive.

  • Par exemple, Maïmonide, conformément à ses convictions philosophiques, et en accord total avec ce que professe le Judaïsme, déclare que l'incorporéalité de Dieu est un principe de foi du Judaïsme, ou, tel qu'il le formule, "quiconque conçoit que Dieu serait un être corporel est un apostat" (Yad ha-Hazaqah, Teshuvah, iii. 7).
    • RABaD, auquel une certaine conception mystique anthropomorphique de Dieu n'est pas étrangère, ne peut que réagir à cet énoncé. Il annote donc cette formule d'une critique brève, mais emphatique : "Pourquoi appelle-t-il de telles personnes apostats ? Des hommes meilleurs et plus valables que lui ont professé cette opinion, pour laquelle ils pensent avoir trouvé confirmation dans les Ecritures et dans une interprétation confuse de l'Aggada." cette dernière phrase laisse entendre toute la méfiance qu'a le RABaD lui-même pour cette vision anthropomorphique. Il veut simplement faire entendre que cette opinion de Maïmonide, toute louable qu'elle soit, n'est pas à ériger en dogme, car pour Abraham ben David, le Judaïsme est une religion se basant sur des faits, et non des dogmes.

C'est cette même pondération qu'on retrouve dans ces autres critiques : bien que les vues de Maïmonide sur l'éternité du monde et la vie future lui paraissent aussi hérétiques que la corporéalité divine semblait hérétique à Maïmonide, il se contente d'indiquer sa divergence d'opinion, sans s'en prendre à l'auteur (op.cit. viii. 2, 8).

En revanche, Abraham ben David est moins mesuré lorsqu'il s'agit de dénoncer la tendenace de Maïmonide à faire passer ses idées philosophiques propres sous le couvert de passages du Talmud.

  • Ex: la sorcellerie est, tant dans la littérature rabbinique que dans le Tanakh, dans certaines conditions, une offense passible de mort. Quant à déterminer quels actes tombent sous ces conditions, les opinions du Talmud varient fortement à ce sujet, certains de ses Sages n'échappant pas toujours à certaines pratiques superstitieuses, alors que d'autres s'en défont complètement. Pour Maïmonide le philosophe, sorcellerie, astrologie, augures, sont autant d'absurdités, purement et simplement. Il estime que même les actions d'Eliezer (Genèse 24:14), et Jonathan (I Sam. 14:8-10) rapportées dans les Ecritures sont à considérer comme tombant dans ces catégories.
    • Ici, RABaD ne se contente pas de corriger l'assertion de Maïmonide, il déclare expressément que de son point de vue, Maïmonide mériterait d'être retranché de son peuple pour les propos calomnieux exprimés à propos de ces personnages bibliques (Yad. 'Akoum, 11:4).

Cet exemple suffit à expliquer le principe moteur de l'attitude d'Abraham ben David envers le Yad ha'Hazaka, qu'il estimait par ailleurs lui-même une grande œuvre (Kilayim, 4:2).

Par ailleurs, RABad, pieux et ascète, fut l'un des pères de la forme moderne de la Kabbale. Il relatait fréquemment les visites de "l'esprit saint (d'Elie) lui délivrant les secrets de Dieu au cours de ses études" (voir ses commentaires à "Yad ha'Hazakah," Loulav, 8:5; Bet ha-Be'hira, 8:11), de grands mystères connus seulement des initiés("Yesode haTorah," 1:10).

RABaD ne fut néanmoins pas l'ennemi des sciences. On retrouve dans ses écrits une forte empreinte d'etudes de la philologie hébraïque, et il encouragea la traduction et la diffusion des Devoirs du Cœur de Bahya ibn Paquda, ouvrage franchement orienté vers la philosophie néoplatonicienne, et qui, à l'instar de Maïmonide, condamnait vertement les conceptions anthropomorphistes de la Déité (ce qui prouve encore une fois qu'il ne les agréait pas lui-même);

Plus encore, son commentaire à la dernière note du cinquième chapitre des "Hilkhot Teshouvah," est une citation littérale du "Musre ha-Philosophim," de Honein ben Isaac (pp. 11, 12—ou Loewenthal, p. 39, lequel ne donne que la traduction d'Al-Gharizi.

[modifier] Moïse Nahmanide (1194-1270)

Nahmanide est l'un des "inclassables" de la philosophie juive : il fut bien davantage mystique, appréhendant le divin à travers le prisme de l'émotion et l'intuition plutôt que de la raison.

Dans les controverses autour de Maïmonide, Nahmanide représenta la voie modérée :

"Si vous étiez d'avis qu'il y allait de votre devoir de dénoncer le Guide comme hérétique, pourquoi certains d'entre vous montrent-ils si peu de diligence à appliquer cette décision, comme s'ils la regrettaient ? Est-il séant en des matières aussi sérieuses d'agir capricieusement, d'applaudir l'un aujourd'hui et l'autre demain ?" (Igueret ha'Hemda)

Il proposa une voie de compromis : casser le bannissement portant sur Maïmonide, mais maintenir, voire renforcer celui sur ses œuvres. Cette opinion fut rejetée, tant par les tenants que par les opposants à Maïmonide.

Néanmoins, lui-même dans ses commentaires critiqua souvent les opinions du Maître, n'hésitant pas à déclarer qu'il est même péché d'en lire certaines, voire de ne pas se boucher les oreilles en les entendant.

L'œuvre la plus "philosophique" de Nahmanide fut sans doute son Sha'ar HaGuemoul, dernier chapitre de Torat haAdam (traité sur les lois du deuil, de l'inhumation,...), qui traite de l'au-delà, du monde à venir, de la rétribution, de la résurrection.

Nahmanide critique vivement ceux des écrivains qui veulent rendre l'homme indifférent au plaisir ou à la douleur (c'est ce qu'on retire d'Epicure, par exemple). C'est agir contre la Loi, qui prescrit à l'homme de se réjouir aux jours de joie et de se lamenter aux jours de peine.

Il se gausse également de la prétention de certains philosophes à obtenir une connaissance de l'essence de Dieu et Ses anges, alors que la composition de leurs propres corps est un mystère pour eux

La révélation divine est le guide le plus sûr pour répondre à ces questions. Dieu étant juste dans Son immanence même, il doit y avoir rétribution, récompense ou châtiment, et cette rétribution ne peut avoir lieu que dans le monde à venir, car le "bien" et le "mal" en ce monde sont relatifs et ne durent pas (cf Aristote : la douleur est soit insoutenable, mais de courte durée, soit faible, mais elle dure longtemps).

Outre l'"âme animale" (pas très heureux en Français, quand on sait que le mot "âme" est dérivé d'anima, comme le mot "animal"), dérivée des "Pouvoirs Suprêmes", l'homme possède une âme qui lui est spécifique, et qui est une émanation directe de Dieu, préexistant à la création du monde. Elle se joint au plan matériel par le biais de l'homme et, à la mort de celui-ci, retourne à sa source ou pénètre dans la chair d'un autre homme.

C'est dans cette croyance que le lévirat puise sa justification, dont l'enfant issu de cette union hérite non seulement du nom du frère de son père "biologique", mais aussi son âme pour pouvoir continuer son existence sur terre (Isaac Abravanel surenchérira en disant que le frère du défunt est le plus à même d'accueillr l'âme du mort le temps qu'elle passe à l'enfant, raison pour laquelle c'est à un frère d'effectuer le lévirat, et non à n'importe quel proche parent. Source: Commentaire de Genèse 38 :7 et 9, in La Voix de la Thora, Elie Munk, Fondation Samuel et Odette Lévy, édition février 1998.).

La résurrection dont parlent les rabbanim, qui se fera après la venue du Messie, concerne selon Nahmanide le corps, et non l'esprit comme le pense Maïmonide. Nahmanide concilie les deux approches, en disant que le corps physique pourra, par le truchement de l'âme, s'élever à une essence si pure, si proche de l'esprit, qu'il en deviendra éternel.

[modifier] Shem Tov Ben Joseph Falaquera (1225-1295)

Il est avant tout connu comme un traducteur prolifique, notamment du Mekor Hayim d'ibn Gabirol de l'Arabe vers l'Hébreu, mais il a également traité de philosophie, d'éthique et de psychologie.

Son oeuve la mieux connue est le Moreh ha Moreh, commentire du Guide de Maïmonide, qui se veut plus fidèle à l'original arabe qu'à la traduction d'Ibn Tibbon, et où il cite de nombreuses sources arabes, notamment Averroès, dont les idées se rapprochent de celles du Maître.

Il a également écrit Iggeret ha-Vikou'ah, Epitre de la disputation, qui reproduit un dialogue entre un pro- et un anti-philosophe. Il justifie l'avis du philosophe.

Il ne se rattache pas vraiment à un "courant de pensée" : dans son Sefer haNefesh (Livre de l'âme), il suit Avicenne, mais dans ouvrage encyclopédique De'ot haFilosofim (Opinions des Philosophes), il suit Averroès.

[modifier] Les averroïstes

[modifier] Isaac Albalag, seconde moitié du XIIIe siècle

Résolument philosophe, résolument rationnaliste, résolument averroïste, Albalag franchit la limite qu'avait tracé Maïmonide : son interprétation du récit de la création suit de si près la thèse d'Aristote sur l'éternité du monde qu'il est traité d'hérétique.

Son œuvre la plus connue est la traduction qu'il fit du Mahahid al-Falasifa (les tendances des philosophes) d'Al-Ghazali. Il n'en a traduit en réalité que les chapitres concernant la logique et la métaphysique. Cependant, il fit également œuvre de commentateur, corrigeant les vues des philosophes comme l'avait fait Al-Ghazali dans son Tahafut al-Falasifa (La Destruction des Philosophes, déjà mentionné).

Albalag remarque qu'Al Ghazali ne réfute pas les philosophes mais ses propres erreurs, qu'il avait commises en se basant non sur les textes originaux d'Aristote, mais sur ces commentateurs, comme Avicenne. Albalag adresse d'ailleurs ce même reproche à Maïmonide, lorsque celui-ci ne suit pas Aristote, notamment sur l'éternité du monde

En composant son travail, Albalag travaille à un but principal : démonter l'idée populaire que la philosophie tend à saper les bases de la religion. Au contraire, elles s'accordent (selon lui) dans les principes fondamentaux de toute religion positive, à savoir :

  • la croyance en la rétribution, récompense ou châtiment
  • la croyance en l'immortalité de Dieu
  • la croyance en un Dieu juste
  • la croyance en un Dieu Providentiel

et elles partagent le même but : le bonheur de l'humanité.

La philosophie s'adressant à l'individu, alors que la religion s'adresse aux masses, ce qui explique leurs différences dans l'établissement des vérités : la philosophie démontre, alors que la religion enseigne.

Cependant, Albalag, inspiré par Averroès, ne prétend pas que les doctrines philosophiques doivent entièrement coïncider avec les doctrines religieuses : la vérité philosophique nue est délétère pour les masses, obligeant les Ecritures Saintes à adapter leur langage.

  • C'est pourquoi il est doublement dans l'erreur, celui qui rejette une vérité philosophique parce qu'elle semble entrer en contradiction avec l'Ecriture : premièrement, parce qu'il n'a pas compris le sens véritable de l'Ecriture; deuxièmement, parce qu'il en tire que les arguments véritables de la philososphie ne peuvent être concluants.

Dans les cas où l'adéquation entre raison et révélation semble vraiment impossible, Albalag propose une solution assez inhabituelle, la double vérité, retrouvée chez les Solastiques latins, qui enseigne que vérité philosophique et vérité prophétique sont deux vérités qui peuvent se contredire, bien que non mutuellement exclusives.

Il semble toutefois qu'il y soit parvenu suite à ses propres spéculations, en combinant les théories inconciliables d'Averroès et d'Al Ghazali : l'enseignement philosophique est vrai d'un point de vue spéculatif et l'enseignement révélé est vrai à un niveau supérieur, celui de la prophétie, ces deux points n'étant pas les mêmes. Le prophète ne peut être compris que par le prophète, et le philosophe que par le philosophe, ainsi que le professe Al Ghazali dans un travail ultérieur, le Munkid.

Source : Article de la Jewish Encyclopedia sur Isaac Albalag

[modifier] Joseph ibn Caspi, 1279-1340

Comment puis-je connaître Dieu, et savoir qu'Il est Un, à moins de savoir ce que signifie savoir, et ce qui constitue l'unité? Pourquoi cela devrait-il être abandonné aux philosophes des Nations? Pourquoi Aristote devrait-il garder en sa seule possession les trésors qu'il a volé à Salomon ?

Bien qu'influencé par Maïmonide et surtout Averroès, le Rav Joseph ibn Caspi se considère plutôt comme un continuateur d'Abraham ibn Ezra, notamment dans son approche littéraliste et rationaliste des Ecritures.
Il partage néanmoins l'attitude rationalisante d'Averroès envers les miracles, les considérant comme des phénomènes naturels dont les causes physiques nous sont inconnues, et dont le contexte est trop lointain.
De même, la prophétie doit se comprendre en tenant compte du fait qu'elle devait produire un effet marquant sur les foules, et s'adressait aux hommes de son temps. La "prescience" des prophètes est due à son analyse parfaite des tenants et aboutissants du présent et leurs conséquences.
Bien des assertions religieuses ne tendent pas tant à délivrer un message "vrai", qu'à enseigner aux foules comment se comporter et les motiver à le faire.
Prophétie et la philosophie peuvent diverger, puisqu'elles ne sont pas de même nature. Cela dit, si nous savions pourquoi ils disaient ce qu'ils disaient, et pourquoi les miracles prennent la forme qu'ils prennent, peut-être nous apercevrions-nous que la prophétie pourrait être ramenée, à peu de choses près, à des vérités philosophiques plus aisément compréhensibles par le commun des mortels. Cependant, notre compréhension des assertions n'étant pas, et ne pouvant être totale, nous devons les accepter, en tant qu'aspects de notre foi, bien que nous puissions rester convaincus que ces assertions sont assez équivalentes aux vérités philosophiques.

Contrairement à Maimonide et Averroès, Ibn Caspi ne pensait pas que les secrets de l'interprétation étaient à réserver à l'intelligentsia. Au vu des différences entre les contextes, époques, audiences, connaissances, langages, etc., il s'était forcément creusé un fossé qu'il ne fallait pas tenter de combler. En conséquence, le secret demeurait secret.

[modifier] Levi ben Gershom, 1288-1345

Plus connu sous le nom de Gersonide, ou de Ralbag, auteur de Milhamot HaShem, il se situe plutôt dans la mouvance averroïste et scolastique, n'hésitant pas à placer la raison au-dessus de la tradition. Son principal ouvrage, Milhamot HaShem (Les guerres de Dieu), est construit sur le modèle du Guide des Egarés. Il s'agit d'une critique philosophique (suivant souvent la ligne de pensée d'Averroès) du syncrétisme proposé par l'œuvre du Maître entre la philosophie aristotélicienne et l'orthodoxie Juive.

[modifier] Moïse de Narbonne, circa 1300-1362

Grade figure de la pensée juive post-maïmonidienne, le Rav Moïse de Narbonne, auteur d'un commentaire sur le Guide des Egarés, est initié par son père à la philosophie, malgré l'anathème rabbinique frappant tous ceux qui s'y adonneraient avant l'âge de 30 ans.

Il est lui aussi fortement marqué de l'empreinte d'Averroès, qu'il adapte à la pensée juive. Il ne peut donc que s'opposer aux idées d'Avicenne transpirant dans l'œuvre de Maïmonide.

Le prophète possède un niveau si élevé d'intellect qu'il finit par agir sur la matière : il s'agit de l'Intellect Agent. Toutefois, les prophètes adaptent ces idées au niveau de l'audience à laquelle ils s'adressent. La Torah est donc pratiquement incompréhensible dans sa globalité, si ce n'est par un individu dont l'intellect s'est fondu dans l'Intellect Agent. Le philosophe s'en rapproche le plus. Seuls les philosophes sont donc à même de pouvoir tenter l'entreprise de comprendre les paroles des prophètes.

[modifier] Hasdaï Crescas, 1340-1410

Le "Rav de Saragosse", auteur de Or Hashem ("La Lumière de Dieu"), déplore le carcan de l'aristotélisme dans lequel il estime que le Judaïsme s'est enfermé. Il se fait l'adversaire aussi déclaré d'Avicenne et Maïmonide que d'Averroès et Gersonide, dont les ouvrages peuvent mener à brouiller la spécificté du Judaïsme, et en ramener le contenu à un ensemble de concepts aristotéliciens, quant bien même ce ne serait pas l'intention des auteurs (il est vrai que le nombre de conversions volontaires à une autre confession battit son plein lorsque l'échange d'idées fut maximale entre les trois communautés, car aux certitudes du croyant se substituaient facilement les doutes du philosophes. Les conversions au Judaïsme furent tout de même plus rares que l'inverse).

Son Or Hashem est divisé en quatre sections (ma'amarim), subdivisées en règles (kelalim) et chapitres (perakim):

  • le premier traite des fondements de toutes les croyances : l'existence de Dieu;
  • le second des principes fondamentaux de la foi, que le Rav de Saragosse limite à six:
    1. Croyance en l'omniscience divine
    2. Croyance en la providence divine
    3. Croyance en l'omnipotence divine
    4. Croyance en la prophétie
    5. Croyance au libre-arbitre
    6. Croyance que le monde a été créé en vue d'une finalité.
  • le troisième d'autres doctrines qui, bien que non fondamentales, lient chaque adhérent au Judaïsme;
  • le quatrième de doctrines qui, bien que traditionnelles, ne sont absolument pas obligatoires et sont donc ouvertes à la spéculation.

La critique que fait Hasdaï Crescas non seulement des idées philosophiques, mais aussi des postulats scientifiques d'Aristote, dont il démontre la péremption, au vu des progrès de la science faits depuis, en font un génial précurseur de la révolution scientifique.

[modifier] Joseph Albo, 1380 ? -1430 ou 1444

Elève de Hasdaï Crescas, Joseph Albo , auteur des Ikkarim (Principes de la Foi), fut un rabbin et théologien espagnol du quinzième siècle. Il est probable que sa philosophie se soit développée en réponse aux disputations judéo-chrétiennes auxquelles il eut à participer, et qu'il ait souhaité développer des principes plus facilement défendables que ceux de ses prédécesseurs, comme la venue du Messie.

Il existe trois sortes de lois ; naturelle, conventionnelle et divine. La loi naturelle est la même pour tous, en tous lieux, en tous temps; la loi conventionnelle est le fait d'un ou de plusieurs sages en accord avec la raison; la loi divine ne peut qu'être donnée par Dieu à un ou des prophètes. Elle seule peut mener l'homme au bonheur et à l'immortalité.

Trois religions se disent divines. Comment les distinguer ? Toutes trois partagent nécessairement trois principes  :

  1. Croyance en l'existence de Dieu
  2. Croyance en la révélation
  3. Croyance en la justice divine

Cependant, seule une religion véritablement révélée peut en déduire ses autres principes, comme la création ex nihilo, le monde à venir, la venue du Messie, etc. sans se contredire. Toutefois, ces principes dérivés ne sont pas nécessaires à la croyance : bien qu'un Juif doive y souscrire, et que le contraire le rend sans aucun doute pécheur, il n'en devient pas hérétique pour autant.

Joseph Albo trouva matière à critiquer ses prédécesseurs, tant Maïmonide que Crescas, mais eut fort à faire pour éviter les accusations d'hérésie.
Ses trois principes autorisent une énorme marge de manœuvre quant à leur interprétation, si bien qu'en se tenant à ses théories, il serait difficile de remettre en question l'orthodoxie, même de Juifs particulièrement libéraux.

[modifier] Isaac Abravanel 1437-1508

Il peut paraître paradoxal que celui qu’on présente souvent comme le dernier Juif aristotélicien, le plus grand commentateur du Guide des Egarés, au point de figurer dans certaines éditions auprès de Maïmonide lui-même, ait été l’un des plus grands adversaires de la philosophie.

C’est que, depuis Maïmonide, une autre école de pensée a fleuri dans la péninsule ibérique, qui a révélé à quelques initiés des secrets bibliques profonds, et montré que, si le génie et la sagesse du Rambam sont incontestables et incontestés, ses opinions ne le sont pas.

Abravanel a aussi bien assimilé les rationalistes comme Maïmonide, Gersonide, et d’autres que des penseurs plus mystiques, comme Juda Halevi et Nahmanide pour ne citer qu’eux. S’il peut illustrer les idées du Maître, et en restaurer la clarté et le sens original, il n’ignore pas ces opinions alternatives qui peuvent le contredire, et rappeler, une fois de plus, que l’opinion de notre Maître Moïse n’est pas celle de Moïse notre Maître.

Néanmoins, si Abravanel ne manqua pas à l’occasion de critiquer Maïmonide, plus durement qu’aucun de ses prédécesseurs, en ce qui concerne les conceptions rationalisantes sur la prophétie et le Char Céleste (commentaire du Guide des Egarés, IIIème partie:71-74), il n’en fut pas anti-maïmonidien pour autant.

Ainsi dans son Rosh Amana, il rétablit la validité des treize principes fondamentaux de Maïmonide contre les critiques de Hasdaï Crescas et Joseph Albo.
Il précise toutefois que le fait de vouloir établir des principes est une inanité en soi : Maïmonide, en compilant ces articles, n’a jamais fait que reproduire les coutumes des nations d’énoncer des axiomes, c'est-à-dire des principes fondamentaux de leurs sciences. Or, s’il l’a fait, ce n’est que pour pallier l’ignorance de certains de ses contemporains en matière de Torah; mais les enseignements de la Torah sont le fruit d’une révélation divine, alors que les sciences ne sont que des spéculations humaines ; Ces enseignements sont donc tous équivalents, et aucun d’entre eux ne peut être considéré comme principe ou corollaire d’un principe.

En fait, Abravanel pourrait représenter une certaine tendance à ramener la pensée de Maïmonide dans le giron de la pensée juive traditionnelle. Ainsi, sur le débat quant à savoir si Maïmonide adhérait ou non à l’idée de l’éternité du monde, après avoir contesté, en le priant de l’excuser, l’explication que donne le Rambam du mot Bereshit (Guide des égarés II, chap 30), Abravanel ajoute : "Et expliquer le premier mot du premier verset dans le sens d’une antériorité temporelle ne conduit pas nécessairement à poser que la création a eu lieu dans le temps, ni ne remet en cause le principe de la création ex nihilo, comme le craint le Rambam, car il n’est pas impossible de dire que le commencement dont il est question dans ce verset fait lui-même partie du temps qu’il inaugure et que la création du ciel et de la terre ne vient pas s’inscrire dans un temps antérieur, mais qu’elle est l’instant fondateur du temps lui-même."

Abravanel présente donc un Maïmonide impuissant à triompher du raisonnement aristotélicien sans remettre en cause les fondements de son propre système de croyance, mais convaincu pour lui-même des enseignements révélés.

De fait, les arguments d’Abravanel lui-même, pour justes qu’ils sont, ne sont pas des preuves et ne s’adressent qu'à celui qui lit son commentaire, donc généralement un croyant.
Pour ce qui est de la communauté scientifique, ce dogme de l’éternité du monde ne sera sérieusement remis en cause qu’au vingtième siècle, avec les théories de Georges Gamow.

Pour Abravanel, les controverses liées à la philosophie ne sont donc pas dues à Maïmonide, mais à ses sectateurs, comme Albalag, ibn Caspi, Falquera, Gersonide, Narboni,... Il ne manqua pas à leur égard de mots acerbes, leur reprochant d’avoir perverti les croyances de fidèles authentiques, voire de les avoir détournés de la foi.

Quant à Abraham ibn Ezra, le néo-platonicien, Abravanel fut encore plus sévère à son égard, traitant ses commentaires, où s’entremêlaient philologie et philosophie, de “futiles”, “contraires aux principes élémentaires de la Tora”, abscons sans rien apporter à l’étudiant.

Source : Isaac Abravanel, Commentaire du récit de le création, Genèse 1 :1 à 6 :8, traduit par Yehouda Schiffers, collection Les Dix Paroles, éditions Verdier.

[modifier] La Philosophie juive à la Renaissance

Après l'expulsion des Juifs d'Espagne, l'Italie devient pour un temps le nouveau centre de la philosophie juive. En réalité, c'est en Italie qu'Isaac Abravanel a rédigé le gros de ses œuvres, et l'Italie du douzième siècle voyait déjà se lever un philosophe Juif, Hillel ben Samuel, qui combinait néoplatonisme, aristotélisme, mais aussi scolastique.

Néanmoins, les grandes tendances dont sortiront le renouveau de la philosophie juive d'une part, et la philosophie moderne l'autre sont ailleurs.

  • Pour le premier, le front se trouve à Safed. Il a commencé à Léon, et connaît un énorme regain après l'expulsion des Juifs d'Espagne : il s'agit non pas de la kabbale, qui fait l'objet d'une entrée séparée, mais de la philosophie sous-jacente, voire périphérique, qui culmine avec les œuvres de Juda Löw ben Bezalel de Prague et Moché Haïm Luzzatto de Padoue
  • Pour le second, il s'agit d'Amsterdam, siège d'une intense émigration marrane, dont le Baruch Spinoza est peut-être le plus beau fleuron.

[modifier] Le Néoplatonisme italien

[modifier] Juda Abravanel (1460-1530)

Fils d'Isaac, il est également contraint à l'exil. Sa réputation de médecin n'est surpassée que par celle de philosophe : il est l'un des plus grands penseurs de cette période charnière entre Moyen Âge et Renaissance, et peut-être l'un de ses artisans.

Dans son œuvre la plus connue, les Dialoghi d'Amore, il développe une théorie, s'inspirant du Symposium de Platon, et de Bahya, expliquant que l'amour, au sens platonique du terme, imbue l'Univers : l'amour émane de Dieu vers Ses créatures, qui le lui réverbèrent, d'où le dialogue. L'amour est donc un principe cosmique, inséparable de l'être. L'œuvre appuie particulièrement sur la dimension spirituelle de la beauté (elle rend aimable, au sens du mot), et l'esthétique. Le vrai bonheur est l'"union de l'intellect humain avec l'intelligence Divine," ceci étant directement corrélé au plasir esthétique.

[modifier] Eliya Delmedigo (14601497)

Eliya Delmedigo, né en Crète, vécut en Italie, où il discuta avec des Platonistes chrétiens. Il traduisit quelques travaux d'Averroès de l'Hébreu au Latin, à la demande de Pic de la Mirandole, mais écrivit aussi des œuvres philosophiques indépendantes, comme Be'hinat haDat ("Examen de la Religion"), une œuvre basée sur un traité d'Averroès, où il investit la relation entre philosophie et religion.

Comme Averroès, il pense que l'interprétation des Ecritures devrait être l'apanage des philosophes. Néanmoins, il dénie aux philosophes le droit d'interpréter les principes fondamentaux du Judaïsme. Il est partisan, comme les Averroïstes chrétiens du principe de double vérité, mais contrairement à eux, ou à Albalag, il donne la primauté à la tradition, bien qu'il soit possible d'interpréter philosophiquement les doctrines qui n'affectent pas un principe de foi, ou en affirmant que les principes de foi ne so,nt pas en désaccord avec la raison.

[modifier] Joseph Delmedigo (15911655)

Descendant du précédent, Joseph Salomon Delmedigo a été influencé par Galilée, bien qu'encore attaché à des croyances médiévales. Il se montra critique vis-à-vis des idées d'Aristote, notamment de la notion de forme d'Aristote, estimant que la substance matérielle et ses qualités suffisent à décrire le monde, et de l'existence de mobiles incorporels des sphères. Sa conception de l'âme tient de celle de Platon, savoir que l'âme est une substance jointe au corps, et de Thomas d'Aquin, savoir que l'Intellect actif est intrinsèque à l'âme de l'individu. Par ailleurs, il défendit les idées kabbalistes, bien qu'il se moque de leurs superstitions.

[modifier] Le renouveau kabbalistique

La Kabbale n'est pas une forme de philosophie. Elle existe selon ses adhérents depuis le don de la Torah sur le mont Sinaï, et consiste en enseignements oraux transmis depuis lors, certains dans un grand secret.
Toutefois, elle est dans une certaine mesure fortement associée à la philosophie juive. D'abord parce que Maïmonide, le plus grand représentant de celle-ci, condamnait ouvertement les usages ésotériques et les pratiques magiques. Etre kabbaliste devint donc pour certains, comme Shem Tov ibn Shem Tov (Hazaken), un fructueux médium d'expression de l'anti-maïmonidisme.
Cependant, beaucoup puisèrent aux deux sources.

  • Moïse Narboni, avant de devenir l'averroïste que l'on sait, avait commencé par commenter un ouvrage mystique, le Shiur Qomah.
  • Moïse de Léon, le diffuseur ou auteur du Zohar, fut formé à la philosophie avant de se tourner vers la mystique.
  • De grands kabbalistes, comme Moshe ben Nahman, Moshe Cordovero ou Moché Haïm Luzzatto, étaient amplement formés à la philosophie, et y puisaient au besoin.
  • Plus tard, des grands maîtres du Judaïsme comme Isaac Abravanel ou le Rav Yehouda Löw se distinguèrent dans les deux domaines, ainsi que, de nos jours, les Gdolei HaDor (Grands de la génération).

La Kabbale proprement dite est traitée plus avant dans sa propre entrée et sa place dans la pensée le sera également dans l'article Pensée juive.

[modifier] La philosophie des Juifs Marranes

L'expulsion des Juifs d'Espagne n'est que l'aboutissement d'un long processus, commencé 2 siècles plus tôt, lors de la crémation du Talmud à Paris, en 1242. En effet, l'Église marque de façon nette sa ligne de conduite : le Judaïsme est déclaré offensant pour la Chrétienté, et une bonne partie de l'œuvre des philosophes Juifs espagnols précités s'est faite en réponse à la menace et aux persécutions : Abraham ibn Dawd est mort en martyr à Tolède; Nahmanide, un vénérable Sage de 80 ans, a été exilé d'Espagne pour avoir remporté la dispute contre Pablo Christiani; Hasdaï Crescas, qui a également écrit des ouvrages polémiques a perdu son fils lors des persécutions de 1391.

C'est d'ailleurs en 1391 qu'apparaît un phénomène inédit : la conversion forcée en masse des Juifs, avec à la clé une interdiction sous peine de mort de retourner à l'ancienne foi, et la mise en place d'un système inquisitorial fortement répressif chargé de surveiller les nouveaux convertis, ainsi que les Juifs qui tenteraient de les ramener au judaïsme.
Surprise, le grand rabbin de Burgos, Salomon Halevi, se convertit avec toute sa famille, et devient archevêque de Burgos. Son élève, le docteur Joshua HaLorki, critique vocal de cette décision, se convertit lui-même deux ans plus tard, devenant Geronimo de Santa Fe, ce même Geronimo de Santa Fe qui, devenu médecin du pape, provoque une disputation avec les Juifs à Tortosa en 1412, disputation truquée dont il sort vainqueur au bout de deux ans. Don Samuel Abravanel, le grand-père de don Isaac, franchit aussi le pas, mais ne tarde pas à se réfugier au Portugal en apprenant que la situation y est plus clémente.

En résumé, les Juifs n'ont pas beaucoup d'horizon : trouver une protection, se cacher, ou se convertir parfois de plein gré, souvent sous la contrainte. Cependant, cette contrainte, si elle peut être physique, est beaucoup plus souvent morale. Bien qu'il se soient détachés de façon apparemment volontaire que serait-il advenu d'Abner de Burgos, Paul de Santa Maria, voire même Pablo Christiani dans un environnement plus ouvert ?
La comparaison stylistique entre la lettre de Pourim de Salomon HaLevi et le Siete edades del mundo de Paul de Santa Maria montre bien sa mort spirituelle[1]
Bien avant sa conversion, le marrane a été dépossédé de son Judaïsme. L'avoir renié, ou s'en moquer publiquement, que l'intention soit sincère ou politique, ne change rien à l'affaire.


Toutefois, bien que l'intention de perpétuer le judaïsme demeure, la rupture, souvent depuis plusieurs générations, d'avec le monde juif, fait de ces marrannes des êtres doublement en marge. N'étant plus totalement juifs, n'étant pas devenus totalement chrétiens, ils "chrechent le neuf dans le vide entre les deux religions". Ils deviennent critiques, fondent la pensée sur la raison, et tout le système de valeur qui en découle, préfigurant la philosophie moderne.

Les Marranes évoluent dans un univers mental Chrétien : cela vaut tant pour ceux qui resteront chrétiens, comme le grand-père de Montaigne, que pour ceux qui retourneront au judaïsme, comme Menasse ben Israël ou Spinoza, ou ceux qui le voudront sans y parvenir, comme Uriel da Costa.

En Espagne et au Portugal, beaucoup de Conversos sont à l'avant-garde de la théologie et la philosophie afin de trouver une théorie viable, de développer une interprétation créative de la condition humaine, de définir une vision chrétienne à laquelle ils pourraient participer. C'est à eux que l'on doit, notamment:

  • le scolasticisme espagnol, initié par Francisco de Vitoria et développé par Las casas et Alonzo de la Vera Cruz, qui met l'emphase sur une loi universelle et des droits naturels, en opposition avec la limpienza di sangre, inventée par l'ordre des chevaliers d'Alcantara;
  • l'Erasmianisme espagnol, qui rêve d'une Chrétienté libérale, débarrassée de sa théologie, se fondant sur des enseignements éthico-moraux plutôt que des doctrines (notons qu'Erasme lui-même ne fut pas un modèle de tolérance religieuse, refusant de se rendre à un concile en Espagne sous prétexte que l'Espagne était encore trop tolérante à son goût avec les conversos)
  • le développement de l'obédience jésuite, fait de Diego Lainez, descendant de convertis (un siècle plus tard, les Jésuites se hâteront de maquiller la généalogie, dans leur obsession de pureté, alors que Lainez s'était converti avant 1492)
  • l'important développement de la Cabale chrétienne, car elle servit de justification à la position des Nuevos Christianos aux temps messianiques, pardon, à la survenue de l'ère apocalyptique.

En France, deux marranes, les meilleurs amis du monde, jouèrent un rôle décisif dans l'histoire de la philosophie : Michel de Montaigne et Étienne de La Boétie . On remarque par ailleurs que le Discours de la servitude volontaire de celui-ci, rédigé en 1576, est un appel à la liberté humaine, à la dignité en face de la tyrannie des dirigeants, est en bref la première déclaration moderne de la non-violence comme moyen de protestation. Qu'on puisse l'attribuer à ses origines n'est en rien une certitude, mais on peut se poser la question...

Quant à Amsterdam, cette terre fabuleuse où, pour la première fois, on pouvait revenir au judaïsme, il n'est pas étonnant qu'elle ait été le berceau d'un des plus grands philosophes modernes.

[modifier] Uriel da Costa (1585-1640)

Gabriel da Costa, natif de Porto, est le fils d'un prêtre versé dans le canon, et d'une marrane qui l'incite à pratiquer clandestinement son Judaïsme. Débarquant à Amsterdam, où les crypto-Juifs reviennent librement à leur religion, il a la mauvaise surprise de s'apercevoir que le Judaïsme ressemble peu au "Biblisme" qu'il a secrètement cultivé, et en conçoit une vive répugnance pour les traditions rabbiniques, qui lui apparaissent figées dans d'inutiles cérémoniaux. Il publie en 1624 son Examen de la tradition des Pharisiens, pamphlet contre les traditions rabbiniques mais aussi leurs idées, comme l'immortalité de l'âme.

Excommunié puis "repentant", il ne tarde pas à revenir à son rationnalisme sceptique. Tenant d'une conception qu'on n'appelle pas encore le "déisme", il conçoit Dieu comme résidant dans la nature, en paix et en harmonie, alors que la religion est marquée par le sang, l'intolérance et les massacres. Il doute de la nature divine, ou au moins révélée de la Loi, préférant penser qu'elle fut simplement écrite par un législateur génial du nom de Moïse. Il en arrive à la conclusion que toute religion est une invention humaine, et en propose une basée sur des lois naturelles, sans cérémonial, Dieu n'en a pas besoin.

[modifier] Juan de Prado

Juan de Prado naît en Espagne vers 1612 de parents conversos, crypto-Juifs, socialement marginalisés et sous la surveillance permanente de l'Inquisition.

Prado étudia la théologie à l'Université d'Alcalá de Henares, en compagnie de son ami et futur contradicteur, Balthasar Orobio de Castro, et la médecine à celle de Tolède. C'est là qu'il se fait connaître comme crypto-juif militant, et se reconvertit clandestinement au judaïsme. Il reste toutefois en Espagne, exerçant la médecine à Andujar en Andalousie, avant d'être dénoncé à l'Inquisition.
Fuyant vers Amsterdam dans les années 1650s, il vit parmi une communauté Juive composée d'anciens conversos. Comme eux, il est contraint de réinventer une pratique juive qu'il n'avait jamais vécue. Il ne tarde pas, comme Uriel da Costa, à s'en prendre au judaïsme, ou plutôt à son caractère révélé, donc immuable, ce qui équivaut pour lui à dire dogmatique, inadaptable, donc faux, du moins dans sa forme figée actuelle. Le judaïsme de ces deux philosophes semble en réalité être un biblisme, libéré des contraintes chrétiennes, ignorant tout des contraintes juives, celles-ci n'étant pas tant rédigées dans la Torah que dans le Talmud.
Avide lecteur de Maïmonide et Crescas, il commence à se faire connaître dans les instituts rabbiniques, où ses idées, qui gagnent le jeune Spinoza, affolent et effrayent
Déclaré hérétique, il publie un insincère repentir, avant d'être excommunié. Toutefois, contrairement à Spinoza qui, lui, n'avait rien tenté pour se prémunir de l'excommuniation et se préparait déjà à vivre au ban de la communauté juive, Juan de Prado refusa la sentence et continua à tenter de vivre parmi la communauté.
Ses idées nous sont principalement connues par la réfutation qu'en fait Balthasar Orobio de Castro. (cf. infra)

[modifier] Baruch Espinoza, dit Benedictus de Spinoza

Fils d'un notable de la communauté juive amstellodamoise, Baruch Spinoza semble avoir douté dès sa jeunesse, malgré ses études brillantes et une vie communautaire normale en apparence. Il semble peu probable qu'il ait préparé le rabbinat, mais il suivit sûrement des cours publics, où il se familiarisa avec les idées de Juan de Prado. Se basant sur ses prédécesseurs "hérétiques" de la communauté juive hollandaise, peut-être en réaction au sabbataïsme qui vient de secouer Amsterdam et jeter le discrédit sur les influents personnages qui y ont cru, Spinoza rejette le modèle maïmonidien d'une conciliation entre religion et raison, et s'attelle à une exégèse rationnaliste de la Bible, une critique du Texte par le Texte.
Celle-ci l'amène à formuler la distinction entre le 'croire' et le 'savoir', et à conclure que la Bible est un assemblage de textes écrits à différentes périodes et en différents contextes, qu'elle est plutôt le fruit de l'imagination que de la raison, et que la superstition des pratiquants en est une conséquence prévisible.
Toutefois, elle contient un noyau indéniablement pur, enseignant l'obéissance à Dieu dans l'intégralité de son cœur, et la pratique de la justice et de la charité. Par ailleurs, on y trouve sept principes de fois universels, qui permettent une éducation éthique et efficace des masses (Spinoza partage avec Maïmonide la vision d'une élite philosophique côtoyant une masse ignorante) :

  1. La croyance en Dieu
  2. Son Unité
  3. Son omniprésence
  4. Son Pouvoir et Sa volonté
  5. L'obligation pour l'homme de L'honorer
  6. La rédemption
  7. La salvation

Alors qu'il les présente dans son Traité Théologico-Politique comme un produit de l'imagination, il décrit de notions éthiques fort proches de ces principes dans son Ethique.
S'en prenant aux religions dans le Traité, il ramène nombre d'assertions théologiques des églises et religions à des prises de positions politiques qui n'ont rien à voir avec le révélé, le dieu ou tout item relevant d'un culte. Il met également à mal les Juifs, puérile tribu rebelle à Moïse, dont l'appareil légal et cérémonial, ainsi que leurs fonctions ont perdu toute validité depuis la chute du Royaume de Judée, et sont donc devenus tout-à-fait facultatifs. Cependant, de quels Juifs s'agit-il? Des Hébreux ? Des Pharisiens ? Ou encore de ses contemporains ? En mourant, Spinoza a pourtant envisagé la possibilité d'une restauration du statut des Juifs sous certaines conditions

[modifier] Sa philosophie

Célébré à la fois comme "le plus grand Juif" et "le plus grand athée", Spinoza entendait en réalité par "Deus sive natura" une identification de Dieu à la Nature, ce qui en fait un panthéiste. Il développe une métaphysique cartésienne, rationnaliste et scientifique, expliquant le cosmos en termes de logique et déterminisime. "Dieu" ou "Nature" sont deux noms pour une même réalité, la substance (au sens de "ce qui sous-tend") universelle, dont les entités "inférieures" ne sont que des modalités.

La démontration de la substance est réalisée comme suit:

1. Une (La) substance existe, et ne peut dépendre de quoi que ce soit d'autre pour exister.
2. Deux substances ne peuvent partager un attribut.
Preuve : si elles partageaient un attribut, elles seraient identiques. Elles ne pourraient donc être différenciées que par leurs modalités, mais en ce cas, leur identité dépendrait de ces modalités, ce qui violerait le premier énoncé. En conséquence, deux subtances ne peuvent partager un même attribut.
3. Une substance ne peut être causée que par quelque chose similaire à elle-même (ce quelque chose partage son attribut).
4. Une substance ne peut (donc) être causée.
Preuve: Une chose ne peut être causée que par une chose similaire à elle-même, en d'autres mots, quelques chose qui partage son attribut. Toutefois, selon le deuxième énoncé, il n'y pas deux substances qui partagent le même attribut. Conséquemment, une substance ne peut être causée.
5. Une (La) substance est infinie.
Preuve: Si la substance n'était pas infinie, elle serait finie et limitée par quelque chose. Cependant, être limité par quelque chose, c'est en être dépendant. Cependant, une substance ne peut dépendre de quoi que ce soit d'autre (premier énoncé), donc une (la) substance est infinie.
Conclusion: Il ne peut y avoir qu'une substance.
Preuve: S'il y avait deux substances infinies, elles se limiteraient mutuellement. Cependant, ceci agirait comme une contrainte, et elles seraient mutuellement dépendantes. Cêpendant, elles ne peuvent êter mutuellement dépendantes (premier énoncé), il ne peut donc y avoir deux substances.

Quelques éléments-clés de la philosophie spinozienne :

  • Dieu est le monde naturel et n'a pas de personnalité.
  • Le monde naturel est infini.
  • Il n'y pas de véritable différence entre le bien et le mal.
  • Tout doit nécessairement arriver de la façon que ça arrive. Le libre-arbitre n'existe donc pas.
  • Tout ce qui est fait par les humains et les autres animaux est excellent et divin.
  • Tous les droits sont dérivés de l'État.
  • Les animaux peuvent être utilisés de toutes les façons possibles par les gens pour le bénéfice de la race humaine.

Le naturalisme spinozien devint bientôt l'une des présentations fondamentales de l'idéologie de l'homme moderne, influençant le matérialisme des Lumières, l'idéalisme allemand, et d'autres mouvements.
Comme ses prédécesseurs, Spinoza est devenu le paragon du philosophe pur moderne, préservant ses idéaux philosophiques et sa mission malgré les persécutions subies de la part de l'orthodoxie religieuse.

[modifier] Manasse ben Israël, le philosophe Hébreu

Il naît à Madeire en 1604, un an après que ses parents, conversos depuis trois générations, aient été contraints de quitter le Portugal. Transitant brièvement par La Rochelle avant d'arriver à Amsterdam où ses parents "tombent le masque", Manuel Dias Soeiro est élevé dans le judaïsme, et devient dès 1610 élève du Sage Isaac Uziel dans la toute fraîche Yeshiva d'Amsterdam.
Très versé dans les sciences séculières comme dans la tradition juive, se prenant de passion pour l'imprimerie, il écrit de nombreux ouvrages répondant aux critiques venant de l'intérieur comme de l'extérieur du judaïsme, et défend les articles maïmonidiens de la foi, tels que la résurrection des morts ou la nature et l'origine divine de l'âme dans son Nishmat Haïm.
Touché par les idées d'Isaac La Peyrère, un cabaliste chrétien converso,il est convaincu de la venue imminente du Messie, prenant notamment très au sérieux l'ascendance davidique des Abravanel, dont il est parent.
Cepedant, le Messie ne viendra que lorsque les Juifs peupleront l'ensemble des pays du monde, et il se trouve que l'Angleterre leur est fermée depuis l'expulsion sous le règne d'Édouard Ier d'Angleterre, quatre siècles plus tôt.
Il se rend donc en Angleterre, afin de convaincre Cromwell, rédigeant pour l'occasion une Apologie des Juifs, où il illustre les nombreux cas où, d'Antipater (prince iduméen converti à l'époque des Macchabées, et ayant manœuvré pour amener Rome en Judée) à Juan Hanassi Mendès (un ancien converso devenu duc de Naxos), les Juifs ont été utiles aux princes. De plus, les Juifs étant sans pays, ils contribuent à enrichir leur terre d'accueil.
Bien que Cromwell ait été favorablement impressionné par les conversos plus ou moins discrets installés en Angleterre, Manasse ben Israël rentre bredouille de sa mission et meurt ruiné. Cependant, son intervention provoque aux Pays Bas une politique d'intégration rapide des Juifs, et Cromwell accepta de facto les crypto-Juifs sur son territoire. 150 ans plus tard, le rêve de Manassé ben Israël était réalisé.

[modifier] Isaac Orobio de Castro

[modifier] Philosophie juive moderne

[modifier] Moïse Mendelsohn

[modifier] Martin Buber

[modifier] Hermann Cohen

[modifier] Kantiens et néo-kantiens

[modifier] Salomon Maïmon

Né Salomon Cheiman, cet érudit qui gagne sa subsistance à 14 ans en dispensant des cours de Talmud quitte pourtant sa Biélorussie natale et le monde juif à l'appel des sirènes de la philosophie. Se dévouant à l'étude de Mendelssohn, il découvre Kant sur le tard, en 1771. Néanmoins, il en développe une critique si astucieuse que le philosophe lui-même s'exclame que personne parmi ses critques n'a aussi bien compris ses idées.


[modifier] Hermann Cohen (1842-1918)

L'éros philosohique d'Hermann Cohen est que Dieu rend la vérité possible. Son système d'idéalisme critique, inspiré du criticisme kantien, s'occupe de logique de la connaissance pure, d'éthique de la volonté pure, et d'esthétique des sentiments purs. Il mit toujours en exergue le fait que sa philosophie éthique s'enracinait dans les enseignements du Judaïsme.

Hermann Cohen fut le chef de file de l'école de Marbourg, ses interprétations des critiques de la philosophie de Kant donnant naissance au mouvement néo-kantien. Il favorisa une version pangolique transcendante de la pensée kantienne, délaissant certaines de ses interprétations métaphysiques plus spéculatives, et appuyant sur le côté objectif de Kant. Il tenta aussi d'identifier l'éthique de Kant avec le socialisme libéral.

L'idée de Dieu occupe la position centrale de sa philosophie idéaliste critique. Cette idée renoie à une harmonie essentielle entre la structure de l'Univers et les aspirations de l'humanité. Son introduction de l'idée de Dieu dans sa philosophie est une tentative de satisfaire le besoin humain de croire que l'idéal éthique est plus "réel" que l'idéal esthétique, au sens "concret".

Dieu, dans ce concept, n'est ni vivant ni personnifié. On peut Le découvrir par le procédé de la raison lui-même. La religion, au sens du terme, naît avec l'émergence de la conscience éthique. La "fonction" de Dieu, si l'on peut s'exprimer ainsi, n'est pas d'apporter la prospérité, ni même le bonheur, mais d'aider les hommes dans leurs efforts de discrimination u bien et de mal. La religion est capable à elle seule le produire l'idéal en ce qui concerne l'individualité. La conception du péché est en principe applicable à l'individu mais non au groupe. La cultivation des dons et facultés intellectuels en devient donc un devoir religieux.

La philosophie religieuse proprement dite d'Hermann Cohen contenait des éléments d'idéalisme, de positivisme et d'humanisme. Ceux-ci provenaient de ses intuitions quant à la validité objective de l'expérience éthique.


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[modifier] Références

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