Positivisme
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Le terme positivisme désigne un ensemble de courants qui dérivent de la pensée d'Auguste Comte :
- au départ, le positivisme scientifique d'Auguste Comte (1798-1857), développé de 1830 à 1845,
- l'évolution du positivisme d'Auguste Comte vers une forme "religieuse", avec sa "religion" de l'humanité (1847-1857),
- le positivisme juridique,
- le positivisme logique fondé dans les années 1920 par le Cercle de Vienne,
- certains courants du positivisme anglais qui dérivent de l'altruisme comtien,
- enfin le néopositivisme contemporain.
Le positivisme a fortement marqué la pensée occidentale, y compris dans le monde anglo-saxon.
Même si la plupart des philosophes contemporains considère le positivisme comme dépassé, il n'en reste pas moins qu'un certain esprit positiviste subsiste à travers certaines formes de pensées, et que les structures qu'il a contribué à mettre en place en sont fortement marquées.
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[modifier] Origines
Les idées du positivisme puisent leur source dans certaines formulations de d'Alembert et Turgot, ainsi que par leurs amis et élèves Lagrange et Condorcet.
On cherchait en effet dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle à expliquer le progrès de l'esprit humain (Condorcet) par le développement des "sciences positives" (mathématiques, physique, chimie,...).
Le courant philosophique du positivisme commença à se structurer en France dans la première moitié du XIXe siècle. Ce terme fut propagé par Saint-Simon (Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon) et encore davantage popularisé en philosophie par Auguste Comte, qui travailla étroitement avec Saint-Simon, dont il fut le secrétaire de 1817 à 1824.
[modifier] Positivisme scientifique d'Auguste Comte
Le positivisme scientifique d'Auguste Comte affirme que l'esprit scientifique va, par une loi inexorable du progrès de l'esprit humain, appelée loi des trois états, remplacer les croyances théologiques ou les explications métaphysiques.
Le positivisme scientifique correspond au Cours de philosophie positive, écrit de 1830 à 1842, avec la loi des trois états.
En devenant « positif », l'esprit renoncerait à la question « pourquoi ? », c'est-à-dire à chercher les causes premières des choses.
Il se limiterait au « comment », c'est-à-dire à la formulation des lois de la nature, exprimées en langage mathématique, en dégageant, par le moyen d'observations et d'expériences répétées, les relations constantes qui unissent les phénomènes, et permettent d'expliquer la réalité des faits.
Ernest Renan, Ernst Mach, parmi bien d'autres, ont repris une approche très voisine.
[modifier] Positivisme religieux d'Auguste Comte
Le positivisme "religieux", correspond à une deuxième phase de la pensée d'Auguste Comte, assez différente de la première.
Dans cette période, la pensée de Comte dérive vers une pensée pseudo-religieuse (religion de l'humanité) fondée sur une sorte de culte des morts : Comte est le "grand-prêtre" de l'humanité, la société est dirigée par les scientifiques, l'Humanité est un Grand-Être...
C'est une théorie qui établit des relations en société sur la base de lois scientifiques et techniques, supposées apporter l'ordre, le progrès, l'amour au sens de l'altruisme (amour généralisé à des groupes humains plus larges que l'union des sexes).
Elle fait abstraction de la recherche sur le sens de la vie, les origines et les fins de l'Homme, le bonheur...
Les ouvrages écrits dans cette phase sont :
- le système de politique positive (1851-1854) qui développe la sociologie selon Comte,
- le "catéchisme positiviste",
- et la synthèse subjective.
Selon Raquel Capurro, le positivisme trouve sa source dans une forme de culte de la Raison, qui eut lieu pendant la Révolution française en 1793-1794.
[modifier] Note sur l'esprit de la recherche scientifique
Les thèses développées par Comte vers le milieu du XIXe siècle ne sont plus vraiment applicables à la recherche scientifique de ces dernières décennies.
Les avancées de la recherche ont eu pour effet de trouver de nouvelles explications (le « pourquoi ») de différents phénomènes :
- La déviation du périhélie de Mercure (ce qui nous aurait fait passer à côté de la Relativité générale)
- D'autres corrections de trajectoires astronomiques ayant conduit à la découverte d'Uranus, Neptune et Pluton
- La loi de Képler, ce qui aurait fait passer à côté de la loi d'attraction de Newton.
La théorie du Big bang pose la question de la cause première : si celui-ci a eu lieu, il ne peut par définition avoir de cause, mais cela n'implique pas pour autant qu'on ne puisse pas lui trouver une raison (voir ontologie), de même que la somme des angles d'un triangle en géométrie euclidienne a une raison sans avoir à proprement parler de cause chronologiquement.
Une insatisfaction créée par la mécanique quantique chez les physiciens vient précisément du fait que nous disposons de tous les moyens de prédire le comment sans avoir de modèle nous suggérant le pourquoi sous-jacent. Il en va de même pour la physique des particules (pourquoi ces charges et masses de particules et pas d'autres ? Pourquoi ces quarks-là et pas d'autres ? Pourquoi ces constantes universelles et pas d'autres ? Pourquoi ces lois de la physique et pas d'autres ?). Refuser d'envisager ces questions serait mettre fin au processus de recherche en physique, ainsi qu'à une chance d'assouvir la très grande curiosité humaine en ce domaine. Ce serait aussi le moyen assuré de n'en jamais trouver les réponses, si réponses il y a.
L'essor des sciences cognitives a par ailleurs pour effet de montrer qu'à une certaine granulation il n'y a plus entre le pourquoi et le comment de séparabilité aussi nette que celle qu'on y voyait autrefois (voir autopoièse).
[modifier] Conséquences
Ces deux sens ont en commun de refuser la théologie et la métaphysique dans une explication scientifique. Celle-ci doit reposer uniquement :
- sur des faits du monde physique et matériel complétés d'un processus rationnel d'induction
- sur des conséquences des mathématiques, et en particulier de la logique.
La téléologie propre à l'éthique d'Aristote est brouillée.
[modifier] Positivisme juridique
Le positivisme juridique est une doctrine juridique dans laquelle le droit se réduit au droit positif tel qu'il est décrit dans les codes. Le principal représentant de ce courant est l'Autrichien Hans Kelsen (1881-1973), auteur de la constitution de l'Autriche en 1920.
Hans Kelsen s'est inspiré du système de politique positive d'Auguste Comte (ouvrage écrit dans la phase dite "religieuse" de la philosophie de Comte) pour élaborer une théorie de la pyramide des normes, encore appelée normativisme.
Le positivisme juridique exclut toute référence à un « droit naturel ». Ces thèses sont exposées dans la Théorie pure du droit de Hans Kelsen. Le droit positif est, d'ailleurs, un des fondements de ce que Hans Kelsen a pu appeler l'État de droit.
[modifier] Positivisme logique
[modifier] Néopositivisme contemporain
Dans le contexte contemporain, on assimile le positivisme et le scientisme. On appelle « néopositivisme » une théorie qui est un pur et simple scientisme. réf. nécessaire
Le néopositivisme n’a conservé du positivisme originel que le recours aux faits comme principe de démarcation entre le sens et le non-sens. Le néopositivisme n’exploite ce principe que pour disqualifier toute spéculation qui n’est pas réductible à un raisonnement formalisable, c’est à dire toute philosophie appelée de façon méprisante « métaphysique ».
Le paradoxe est qu'au contraire, pour Auguste Comte, la fin de la métaphysique signifiait, à une époque où la philosophie était encore enfermée dans des schémas pré-établis, la libération des possibilités spéculatives de la philosophie.
Selon l'encyclique Fides et Ratio, dans le contexte actuel, la prise en compte de la métaphysique ne nuit pas à la spéculation philosophique, en vue de la recherche de sens, pour tout ce qui concerne les sciences de la vie notamment.
L'historien Raymond Aron considère qu'il existe une certaine forme d'anti-christianisme, à travers le positivisme hédoniste de Michel Onfray. L'histoire officielle de l'Ecole polytechnique s'intitule "la pensée préservée". Cette histoire n'a pas été mise à jour depuis la première guerre mondiale. Un volume complet concerne Saint-Simon Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon et Auguste Comte.
[modifier] Relation avec l'utilitarisme
[modifier] Voir aussi
- An Argument for Altruism. Why Utilitarianism supports Altruism as a guiding principle
- Position de New Advent (catholique) sur l'altruisme
[modifier] Autres influences
Le positivisme a exercé une influence considérable dans la deuxième moitié du XIXe siècle et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
[modifier] En médecine
Pierre Laffitte et Claude Bernard.
[modifier] En sociologie
Auguste Comte est souvent considéré en France comme le fondateur de la sociologie.
En fait, le terme de sociologie fut créé par Sieyès, et l'étude des phénomènes sociaux était antérieure à Comte (voir sociologie).
Il n'en reste pas moins vrai que, dans l'évolution de la pensée occidentale des deux derniers siècles, le positivisme de Comte a marqué des sociologues comme Émile Durkheim.
[modifier] Dans l'enseignement
Les lois sur l'enseignement primaire de Jules Ferry (28 mars 1882) se sont inspirées du positivisme.
Marcellin Berthelot introduisit l'esprit positiviste dans l'enseignement secondaire lorsqu'il fut ministre de l'instruction publique (1886-1887).
[modifier] Dans la politique
Charles Maurras et plusieurs personnalités de l'Action française ont été influencés par le positivisme. Jacques Prévotat dans les catholiques et l'Action française indique que Charles Maurras a eu une "nuit d'extase" après la lecture de la Synthèse subjective d'Auguste Comte.
Les mouvements socialistes au XIXe siècle ont été marqués par le positivisme. Claude Allègre, dans son dictionnaire amoureux de la science, note que Jean Jaurès a participé assidûment aux réunions des positivistes.
[modifier] Autres personnalités
- John Stuart Mill, Herbert Spencer : utilitarisme anglais,
- Ernest Renan, Emile Littré,
- ainsi que de nombreux polytechniciens jusqu'au milieu du XXe siècle.
[modifier] Influence en Amérique Latine
Les révolutionnaires d'Amérique latine, médecins de formation pour la plupart, ont importé le positivisme au Brésil, en Argentine, en Uruguay, où existent des temples positivistes. La devise du Brésil "ordre et progrès" est inspirée du positivisme.
[modifier] Position des contemporains
- Christian de Perthuis, dans la conclusion de son livre la génération future a-t-elle un avenir ?, montre que les certitudes scientifiques introduites par le positivisme n'ont plus de valeur aujourd'hui.
- Raymond Aron
- Philosophes
[modifier] Liens internes
- Sur Auguste Comte et sa philosophie
- Sur l'Histoire
- Sur la philosophie rationaliste
- Descartes distinction entre doute méthodique et doute hyperbolique
- Cogito | Discours de la méthode | Méditations métaphysiques
- Cartésianisme
- Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon | Saint-simonisme
- Sur les concepts philosophiques en rapport avec la philosophie positiviste
- Raison
- Sujet | Objet | Autrui
- Déduction | Induction | Perception
- Cause | Causalité | Cause première
- Liste des concepts de la philosophie
- Sur les développements du positivisme
- Sur le positivisme juridique
- Sur les rapports entre foi et raison
[modifier] Bibliographie
- Le positivisme est un culte des morts, Raquel Capurro, 1998, traduit en français en 2001.
- Le positivisme, Angèle Kremer-Marietti, P.U.F., 1982, 1993. Réédition : Le positivisme d'Auguste Comte, L'Harmattan, 2006.
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