Compagnie de Jésus
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La Compagnie de Jésus — abrégée s.j. : Societas Jesu — est une congrégation catholique fondée par Ignace de Loyola et reconnue depuis 1540. On appelle ses membres les jésuites.
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[modifier] Vœux
Tous les membres de la Compagnie professent les trois vœux habituels des religieux catholiques : ceux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance à leur supérieur. À cela, les profès prononcent un quatrième vœu, celui d'obéissance au pape :
« Il est bon de rappeler dans quelle intention la Compagnie a fait le vœu d'obéir, sans alléguer d'excuse, comme au Souverain Vicaire du Christ : il s'agissait d'être envoyé parmi les fidèles ou les infidèles, partout où il jugerait que ce serait utile pour une plus grande gloire divine et un plus grand bien des âmes. »
[modifier] Spiritualité
La spiritualité de la Compagnie repose sur les Exercices spirituels composés par Ignace de Loyola et se caractérise par une obéissance stricte et un grand zèle apostolique.
La devise de la Compagnie : Ad majorem Dei gloriam (« Pour une plus grande gloire de Dieu »), explique la diversité des tâches auxquelles s'adonnent les jésuites. Outre l'enseignement, qui s'étend à tous les niveaux, ils pratiquent la prédication, sont missionnaires, directeurs de conscience, étudient la théologie, effectuent des recherches scientifiques, etc.
[modifier] Histoire
Le 15 août 1534, Ignace de Loyola et six autres étudiants, dont François Xavier et Pierre Favre premier prêtre ordonné de la Compagnie, se retrouvent à Montmartre, font vœu de pauvreté et de chasteté, et fondent la Societas Iesu (s.j.), connue en français sous le nom de « Compagnie de Jésus ». Ils partent en 1537 pour l'Italie pour obtenir la reconnaissance de leur ordre par le pape, ce qu'ils obtiennent par la bulle Regimini militantis en 1540.
À ses débuts, la Compagnie s'occupait essentiellement d'activités missionnaires, mais elle se tourna dès 1547 vers l'enseignement, qui devint son activité principale vers la fin du XVIe siècle. Un collège fut ouvert à Rome en 1551 alors que des membres étaient déjà au Congo, au Brésil et en Angola.
À la mort d'Ignace de Loyola (1556), la Compagnie comptait plus d'un millier de membres. Soixante ans plus tard, elle en regroupait treize mille dans toute l'Europe.
En 1580, les Jésuites installèrent une Maison Professe à Paris, dans le quartier du Marais, qui accueillit les meilleurs théologiens et scientifiques. En 1582, les jésuites arrivèrent en Chine. L'un d'entre eux, Matteo Ricci fut reconnu comme un pair par les lettrés chinois et devint de fait le premier sinologue.
Les jésuites allèrent jusqu'en Extrême-Orient et en Amérique. Alexandre de Rhodes romanisa l'alphabet vietnamien en 1623. Des jésuites s'installèrent par ailleurs à Québec en 1632. Dans ces régions du monde, la Compagnie lutta contre l'influence protestante. Très engagée dans la Contre-Réforme, elle s'opposa à certaines prises de position de Galilée par la voix de Robert Bellarmin en particulier (voir aussi Révolution copernicienne).
La compagnie dut à son tour faire face à de violentes persécutions dues à sa nouveauté, à son soutien inconditionnel au pape, à l'efficacité de son organisation centralisée, à ses positions théologiques et à son influence sur les rois et la haute noblesse, que ses membres confessent. Elle suscita également la réprobation des esclavagistes du fait de ses méthodes missionnaires d'assimilation qui impliquaient le retrait des indigènes des plantations vers les réductions. La première fut créée des 1609 chez les Indiens guaranis.
On décida de construire une grande chapelle à côté de la maison professe, l'église Saint-Louis (aujourd'hui église Saint-Paul Saint-Louis). En mai 1641, le cardinal de Richelieu donna la première messe dans cette église. La noblesse venait écouter les sermons des prédicateurs. Madame de Sévigné allait à toutes les messes dans cette église pour écouter les sermons du père Louis Bourdaloue, célèbre prédicateur. On y entendait aussi la musique des grands compositeurs français de l'époque, Marc-Antoine Charpentier et Jean-Philippe Rameau notamment, qui y furent maîtres de musique.
En 1656-1657, à la demande des jansénistes, Blaise Pascal attaqua les jésuites dans Les Provinciales sur la question de la casuistique. Marc Fumaroli nota à ce sujet :
- « La modernité jésuite, à l'épreuve de la France, apparut à la fois choquante et démodée, et la fidélité jésuite à Aristote, à Cicéron, à saint Thomas, sembla impure et équivoque. Bien quils fussent en fait, par leur encyclopédisme, les derniers tenants de l'Antiquité vivante, les jésuites passèrent pour traîtres à l'Antiquité. Bien qu'ils fussent par leur adaptation aux réalités du monde de la Renaissance, les premiers historiens, sociologues et ethnologues du catholicisme, ils furent tenus pour ses pires réactionnaires... »
En 1704 et 1742, le pape interdit les rites chinois que les missionnaires jésuites respectaient en Asie.
Victimes des attaques des philosophes de l'Encyclopédie, des gallicans et des parlementaires, les jésuites furent finalement chassés du Portugal en 1759, de France en 1763-1764, d'Espagne en 1767. Ils suscitèrent une telle opposition que le pape Clément XIV alla jusqu'à supprimer l'ordre en 1773. La bulle débutait par la clause ad perpetuam rei memoriam et on pouvait y lire : « Il est à peu près impossible que, la société des jésuites subsistant, l'Église puisse jouir d'une paix véritable et permanente ».
L'Ordre fut cependant rétabli en 1814, mais les attaques continuèrent tout au long du XIXe siècle :
- En France, les jésuites furent chassés en 1880, puis à nouveau en 1901.
- En Suisse, c'est seulement en 1973 que fut abrogée l'interdiction constitutionnelle de l'activité des jésuites. L'interdiction remontait à 1848 et fut à l'origine de la Guerre du Sonderbund et de la Suisse moderne. Avec le Kulturkampf pour toile de fond, le banissement des jésuites avait été confirmé par les articles d'exception lors de la révision constitutionnelle de 1874.
Ces bannissements n'empêchèrent pas la Compagnie d'investir de nouveaux champs. Les missions reprirent en Amérique du Nord ou à Madagascar. Les jésuites y fondèrent des universités au cours du XIXe siècle. Ils lancèrent par ailleurs des revues intellectuelles commes Études en France et Civilta Cattolica en Italie. Après la Seconde Guerre mondiale, les jésuites allèrent finalement au Tchad ou au Japon.
[modifier] Les jésuites aujourd'hui
La Compagnie de Jésus regroupe 19 850 membres dans le monde au 1er janvier 2005. [1]. Son actuel supérieur général est, depuis 1983, Peter Hans Kolvenbach, d'origine hollandaise. Il succède à Pedro Arrupe.
En France, la Compagnie publie régulièrement ses travaux dans plusieurs revues dont les plus connues sont Études, Christus et Projet. Elle est également active dans l'enseignement scolaire (dix-sept établissements dont le lycée Saint-Louis-de-Gonzague à Paris) et supérieur (cinq établissements dont les célèbres classes préparatoires du lycée privé Sainte-Geneviève à Versailles). Elle possède ses propres facultés de théologie et de philosophie, regroupées dans le Centre Sèvres, à Paris.
[modifier] Rôle des jésuites dans l'Histoire
Pour une liste complète des jésuites cités sur Wikipedia, consulter :liste des jésuites cités sur Wikipédia
Premiers compagnons d'Ignace de Loyola :
- François Xavier,
- Pierre Favre,
- Francisco Perez,
- Diego Laynez, ou Jacques Lainez (1512-1565), deuxième général de la société de Jésus.
[modifier] Philosophie et théologie
- Pierre Favre connut Ignace de Loyola au collège Sainte Barbe à Paris, était un helléniste, et connaissait la philosophie d'Aristote.
- Diego Laynez, théologien espagnol (cf ci-dessus)
- Francisco Suárez (1548-1617), théologien, considéré comme l'un des plus grands scolasticiens après saint-Thomas d'Aquin, il inspira les réductions au Paraguay (voir aussi méditations sur la philosophie première).
- Robert Bellarmin, théologien, fit une remarque malheureuse à Galilée (1633), en faisant référence à un passage de la Bible où Josué arrête le soleil (les travaux d'exégèse ultérieurs ont dit que la terre est "ferme et inébranlable", et non "fixe et immobile", psaume 93 (92)) (voir aussi révolution copernicienne)
- Louis Bourdaloue (1632-1704), célèbre prédicateur à la cour de Louis XIV, et théologien.
- François d'Aix de La Chaise, confesseur de Louis XIV pendant 34 ans.
- Le cardinal Henri de Lubac (1896-1991), théologien, auteur du Drame de l'humanisme athée, a joué un très grand rôle dans la préparation du concile Vatican II.
- Karl Rahner, (1904-1984), théologien allemand, influença beaucoup le concile Vatican II.
[modifier] Sciences naturelles
De nombreux jésuites ont joué un rôle important dans les sciences, notamment en histoire naturelle, à l'image du plus prolifique d'entre eux, Pierre Teilhard de Chardin, anthropologue
D'autres, sans quitter l'Europe, ont été des scientifiques de premier plan comme :
- Athanasius Kircher (1601 ou 1602-1680),
- Philippo Buonanni (1638-1725)
ou plus récemment :
- Pierre-Noël Mayaud (1923-2006), géophysicien et historien des sciences
[modifier] Missions
Dans le domaine de l'inculturation des Églises locales, la missiologie, la décolonisation il convient de citer :
- saint François Xavier, missionnaire, connut Ignace de Loyola au collège Sainte Barbe à Paris, partit en Inde et resta trois ans au Japon.
- Matteo Ricci, missionnaire et scientifique, auteur de l'Histoire de l'expédition chrétienne au Royaume de la Chine
- Pierre Charles, SJ. (1883-1954), personnage universel et universaliste, à qui Jean Lacouture a consacré une dizaine de pages dans son livre sur les Jésuites.
[modifier] Missions, étude de la faune et de la flore
De nombreux jésuites sont partis dans des contrées lointaines où ils ont étudié la faune et la flore locale. C'est le cas de :
- Antonio de Andrada (1580-1634) au Tibet
- Juan Ignacio Molina (1740-1829)
- Ethelbert Blatter (1877-1934) en Inde.
[modifier] Réflexion en économie
En Espagne, l'École de Salamanque, à partir de la théorie des droits naturels, proposa une théorie de la valeur, et justifia la propriété privée et la liberté des échanges.
Ses auteurs principaux étaient des jésuites :
- Francisco de Vitoria (1483–1546),
- Martín de Azpilcueta (1493–1586).
- Domingo de Soto (1494–1560),
- Luis de Molina (1535–1600)
Cette tradition fut reprise par les économistes classiques français et l'École autrichienne.
Voir aussi : Histoire de la pensée économique
[modifier] Poésie
Le grand poète anglais Gerard Manley Hopkins (1844-1889) était un prêtre jésuite, comme le Père Duval, chanteur (auteur-compositeur)à succès dans les années 1950 - 1960 , surnommé le "Brassens en soutane" .
[modifier] Enseignement, connaissances générales
Bien que la mission initiale de la compagnie ait été la mission, Ignace de Loyola avait insisté pour que cela se fasse avec un bon niveau de culture générale.
Les principaux collèges créés en France furent, dans l'ordre chronologique :
- Collège de Clermont, créé en 1563, actuel Lycée Louis-le-Grand à Paris, rue Saint-Jacques ; François de Sales y fit ses études ;
- Collège de la Flèche, à la Flèche, créé en 1603, devenu le Prytanée national militaire en 1808. Ce lycée prépare aujourd'hui aux écoles militaires. Descartes y fit ses études.
- Le Lycée privé Sainte-Geneviève, créé en 1854, à Versailles, dans les locaux de l'ancien noviciat des Jésuites ;
Nota : Le Collège d'Harcourt (actuel lycée Saint-Louis), créé en 1280 et dépendant de l'université, s'opposa aux Jésuites. Jean-Jacques Olier (fondateur du premier séminaire en France), qui tint sa vocation de François de Sales, y fut formé.
Gabriel Compayré, grand historien de l'éducation au XIXe siècle, a écrit sur l'enseignement jésuite.
- Joseph-Marie Amiot, missionnaire et scientifique, partit en Chine et en ramena un traité.
- L'université de Pont à Mousson, crée par le cardinal Charles de lorraine en 1572, et dirigé par les jésuites
[modifier] Controverse
Des jésuites sont souvent soupçonnés par certains catholiques (jansénistes) et par de nombreux protestants d'être à la source de conspirations (cf. Le Juif Errant d'Eugène Sue). Ils sont, entre autres, accusés de diriger le Vatican en sous-main ; aucun pape n'a jamais été jésuite, mais on sait que le Général de l'Ordre a reçu le surnom de « pape noir ».
La Compagnie de Jésus avait pour devise Ad majorem Dei gloriam (Pour la plus grande gloire de Dieu), dont les initiales A.M.D.G. servaient d'épigraphe à la plupart des livres qui émanaient d'elle. Pierre Larousse a écrit à ce sujet :
« Au temps où florissaient à Montrouge et à Saint-Acheul les maisons d'éducation de la Compagnie de Jésus, la célèbre devise jouait un rôle important dans la discipline. Le révérend père fouetteur (ceux qui ont été placés sous sa main pourraient l'attester) avait fait graver les quatre initiales sur le manche du terrible martinet. La gent écolière était fouettée ad majorem Dei gloriam, gloire dont elle se serait sans doute fort bien passée. »
De nos jours, les préjugés contre les jésuites ne sont pas aussi vifs que par le passé, car les accusations de complot ont une durée de vie limitée. Néanmoins, il faut remarquer les similitudes entre les accusations lancées contre les jésuites et les théories actuelles concernant l'Opus Dei.
[modifier] Voir aussi
- 27 juillet 1998 : Le P. Michel Albecq, jésuite français, est assassiné à Brazzaville en République démocratique du Congo.
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- (fr) Le site de la province de France
- (fr) Le site de la province de Belgique francophone
- (fr) Le site de la province du Canada français et d'Haïti
- (en) Annuaire mondial des sites jésuites
- (fr) Études
- (fr) Christus
- (fr) Projet
[modifier] Bibliographie
- Alain Guillermou, Les Jésuites. Paris : PUF, coll. « Que sais-je ? », 1999. ISBN 2130443346
- Jésuites, Jean Lacouture, Seuil, octobre 1991.
- ISBN 2-02-012213-8 (tome 1, édition brochée)
- ISBN 2-02-014407-7 (édition complète)
- ISBN 2-02-013714-3 (tome 1, édition reliée)
- ISBN 2-02-014408-5 (édition complète)
- Alain Woodrow et Albert Longchamp, Les Jésuites. Histoire de pouvoirs. Paris, Jean-Claude Lattès, 1984. ISBN 2010181107
- François de Dainville, L'éducation des Jésuites (XVIe-XVIIIe siècles). Paris : éd. de Minuit, 1978. (Le sens commun). ISBN 2-7073-0222-8.
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