Pierre Teilhard de Chardin
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Pierre Teilhard de Chardin (né en 1881 et décédé en 1955) était un jésuite, chercheur, théologien et philosophe français. Il est connu pour ne pas voir d'opposition entre la foi catholique et la science. Dans le Phénomène humain, il trace, parmi les premiers, une synthèse de l'Histoire de l'Univers selon l'état des connaissances de son époque et dans une optique à la fois évolutionniste et spiritualiste.
On a donné son nom à un lycée: le Lycée Teilhard de Chardin
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[modifier] Biographie
Pierre Teilhard de Chardin est né à Orcines, au château de Sarcenat (Puy-de-Dôme, France) le 1er mai 1881, et mort en 1955 à New York.
En 1899 il entre au noviciat jésuite d'Aix-en-Provence. En 1911 il est ordonné prêtre après quatre ans de séminaire théologique en Grande-Bretagne. Il rejoint en 1912 le Muséum d'histoire naturelle de Paris et y travaille avec Marcellin Boule, paléontologue qui avait étudié le premier squelette entier d'un Homme de Néandertal. Entre 1914 et 1919, mobilisé comme brancardier au front dans le 8e régiment de marche de tirailleurs marocains (Médaille militaire et Légion d'honneur), il élabore une esquisse de sa pensée via son journal et sa correspondance avec Marguerite Teilhard-Chambon, sa cousine.
En 1916, il publie son premier essai, la Vie Cosmique, et en 1919, Puissance spirituelle de la Matière, essais qui annoncent son œuvre plus tardive.
De 1922 à 1926, il obtient en Sorbonne trois certificats de licence ès sciences naturelles : géologie, botanique et zoologie, puis soutient sa thèse de doctorat sur les Mammifères de l'Eocène inférieur français et leurs gisements.
Il effectue un premier voyage en Chine en 1923 pour le Muséum d'histoire naturelle de Paris. Dans le désert des Ordos, Teilhard rédige sa Messe sur le Monde. Retour de Chine, enseignant à l'Institut catholique, il se voit démis de ses fonctions suite à un texte portant sur le Péché originel qui cause ses premiers troubles avec le Vatican : l'ordre des Compagnie de Jésus lui demande d'abandonner l'enseignement et de poursuivre ses recherches géologiques en Chine. Il y retourne en 1926 et joue un rôle actif dans la découverte du sinanthrope. Il participe en 1931 à la croisière jaune. Jusqu'à son installation à New York en 1951, Teilhard de Chardin poursuivra une carrière scientifique ponctuée de nombreux voyages d'études : Éthiopie (1928), États-Unis (1930), Inde (1935), Java (1936), Birmanie (1937), Pékin (1939 à 1946), Afrique du Sud (1951 & 1953).
Il a été accusé par Stephen Jay Gould d'être le responsable de la fraude de l'homme de Piltdown, rôle qui s'avéra par la suite parfaitement mineur.
Il entre en 1950 à l'Académie des sciences.
Pierre Teilhard de Chardin meurt le 10 avril 1955, jour de Pâques, à New York. Un an plus tôt, au cours d'un dîner au consulat de France, il confiait à des amis : « j'aimerais mourir le jour de la Résurrection ».
De 1955 à 1976, son œuvre est publiée à titre posthume par Jeanne Mortier dont il a fait son héritière éditoriale quant à son œuvre dit non scientifique. Cette œuvre occupe treize volumes :
- I - Le Phénomène Humain, (1955)
- II - L'Apparition de l'Homme, (1956)
- III - La Vision du Passé, (1957)
- IV - Le Milieu Divin, 1957
- V - L'Avenir de l'Homme, (1959)
- VI - L'Énergie Humaine, (1962)
- VII - L'Activation de l'Énergie, (1963)
- VIII - La Place de l'Homme dans la Nature, (1965)
- IX - Science et Christ, 1965
- X - Comment je crois, (1969)
- XI - Les Directions de l'Avenir, (1973)
- XII - Écrits du Temps de la Guerre, (1975)
- XIII - Le Cœur de la Matière, (1976)
[modifier] Noosphère, Christ Cosmique et Point Oméga
La théorie de l'évolution de Charles Darwin, la géologie de Vernadsky et la théodicée chrétienne sont unifiées par Teilhard de Chardin en une puissante approche holiste du "phénomène humain" qu'il conçoit comme une étape de l'évolution menant au déploiement de la noosphère, laquelle prépare l'avènement de la figure dite du "Christ Cosmique".
Le « point Oméga » est conçu comme le pôle de convergence de l'évolution. Le "Christ Cosmique" manifeste l'avènenement d'une ère d'harmonisation des consciences fondé sur le principe de la "coalescence des centres" : chaque centre, ou conscience individuelle, est amené à entrer en collaboration toujours plus étroite avec les consciences avec lesquelles il communique, celles-ci devenant à terme un tout noosphérique. L'identification non homogénéisante du tout au sujet le percevant entraîne un accroissement de conscience, dont l'Oméga forme en quelque sorte le pôle d'attraction en jeu à l'échelle individuelle autant qu'au plan collectif. La multiplication des centres comme images relatives de l'ensemble des centres harmonisés participe à l'avènement de la résurrection spirituelle ou théophanie du Christ Cosmique.
Annonçant la planétisation que nous connaissons aujourd'hui, Teilhard développe la notion de noosphère qu'il emprunte à Vernadsky pour conceptualiser une pellicule de pensée enveloppant la Terre, formée des communications humaines.
Par ailleurs, en situant la création en un « point Alpha » du temps, l'Homme doit, selon lui, rejoindre Dieu en un « point Oméga » de parfaite spiritualité.
La couverture progressive de la planète par un réseau de communications bidirectionnelles rapides, avec un coude très net dans les années 90 avec l'arrivée de l'Internet, rend plus immédiatement perceptible de nos jours l'idée de noosphère. Un fournisseur d'accès a d'ailleurs choisi comme nom « Noos » (ceux qui ignorent qu'il s'agit d'un mot grec signifiant esprit le prononcent incidemment à l'anglaise).
La mondialisation suscite moins d'enthousiasme. Mais comme l'a dit Ernest Renan, « Il ne nous a jamais été garanti par quiconque que la découverte de la réalité nous serait agréable ».
Le terme de « point Oméga » a été repris par le physicien américain Frank Tipler, apparemment sans allusion au nom de Teilhard (sans qu'on puisse dire si c'est délibéré, ou par ignorance de son origine, ou plus simplement parce que « cela va de soi »).
[modifier] Hominisation et humanisation
Teilhard pense également identifier parallèlement à l'évolution biologique une évolution de type moral : l'affection pour la progéniture se rencontre chez les mammifères et non chez les reptiles apparus de façon plus précoce. L'espèce humaine, malgré ses accès de violence sporadique, s'efforce de développer des réseaux de solidarité de plus en plus élaborés (Croix-Rouge de Dunant, Sécurité sociale de Bismarck... ) : l'évolution physique qui a débouché sur l'hominisation se double d'après lui d'une évolution spirituelle qu'il nomme humanisation. Se demandant d'où vient ce surcroît de conscience, il l'attribue à la croissance également de la complexité des structures nerveuses : le cerveau des mammifères est plus complexe que celui des reptiles, celui des humains plus complexe que celui des souris.
Nous dirions en termes d'aujourd'hui que l'évolution du hardware permet à celle du software de se faire à son tour, observation devenue banale.
[modifier] Évolution et organisation
L'évolution se passe ensuite à son avis dans la possibilité des consciences de communiquer les unes avec les autres et de créer de facto une sorte de super-être : en se groupant par la communication, les consciences vont faire le même saut qualitatif que les molécules qui en s'assemblant étaient passées brusquement de l'inerte au vivant.
On remarque que ce super-être est sans rapport aucun avec le surhomme de Nietzsche dans lequel Teilhard ne voit qu'une extrapolation trop simple du passé, et qui ne tient nul compte du phénomène de communication croissante entre les individus (« La chenille qui interroge son futur s'imagine sur-chenille », résumera Louis Pauwels dans Blumroch l'admirable). Pour Teilhard, ce n'est déjà plus au niveau de ces seuls individus que le processus d'évolution se réalise, et il ose même à ce sujet une phrase lyrique :
- «Rien dans l'univers ne saurait résister à un nombre suffisamment grand d'intelligences groupées et organisées».
Et il y voit non pas Dieu en construction, comme avant lui Ernest Renan et - de façon plus sarcastique - Sigmund Freud dans La fin d'une illusion - mais l'humanité qui se rassemble pour rejoindre Dieu, en cet hypothétique point oméga qui représenterait de facto, et sans tristesse aucune, la fin des temps.
[modifier] Position du Saint-Siège sur les travaux de Teilhard
Les idées de Teilhard semblaient conforter l'idée de « plan divin » souvent évoquée par l'Église depuis saint Augustin (La cité de Dieu). Par ailleurs, l'idée de l'évolution y était alors admise comme possible hypothèse (il faudra attendre le pontificat de Jean-Paul II pour qu'elle soit considérée comme « davantage qu'une hypothèse »). Cependant, le Vatican identifia rapidement un problème grave :
- la sélection naturelle s'opère par élimination systématique à chaque génération des plus faibles par les plus forts de leur espèce
- cet écrasement se fait de surcroît dans l'indifférence cruelle qui terrifiait déjà Darwin en son temps et lui avait fait perdre la foi.
La cruauté de la marâtre nature était connue depuis la nuit des temps. En revanche, on l'avait rattachée au classique problème du mal. La considérer au contraire comme faisant partie du plan divin, s'il existait, constituait un total changement de paradigme.
Cette préparation du bonheur des successeurs par la souffrance des prédécesseurs semblait certes proche des idées admises de rédemption et de communion des saints. Le monde qui en découlait paraissait cependant bien trop écarté des valeurs évangéliques et de l'idée de bonté divine pour être accepté tel quel. Il avait toujours été bien plus commode d'attribuer le mal du monde aux œuvres de Satan et non à un plan voulu par Dieu lui-même.
Le Saint-Siège demanda donc à Teilhard de suspendre ses publications, et inscrivit à l'Index jusqu'à plus ample informé ce qui était déjà imprimé.
Perinde ac cadaver (obéissant « comme un cadavre ») étant un principe de base des Jésuites, Teilhard arrêta aussitôt toute publication. Il n'en continua pas moins à rédiger, ce qui ne lui était nullement interdit, et à communiquer ses travaux à son ordre et au Saint-Siège, où ils furent lus, discutés et classés sans anathème ni excommunication de l'intéressé, mais sans grand résultat non plus hormis quelques remerciements polis.
Ses ouvrages furent en fin de compte publiés de façon posthume. Teilhard était mort en 1955.
Ils eurent un certain succès dans les années 1960, puis on commença à oublier un peu ses écrits, même si son nom était cité de temps à autre. Depuis que l'Internet a touché le grand public, son concept de noosphère semble redevenir d'actualité (notoriété Google à 5 chiffres).
Il est fait allusion à Teilhard de Chardin dans un certain nombre d'œuvres récentes de toutes sortes, comme par exemple Le Cantos d'Hypérion.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- Jacques Arnould, Pierre Teilhard de Chardin. Paris : Perrin, 2004. 389 p. dont 8 p. de photographies, 23 cm. ISBN 2-262-02264-X.
- Père Gustave Martelet sj, Et si Teilhard disait vrai... Éditions Parole et Silence, Paris 2006, ISBN 2-845-734247.
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