CLASSICISTRANIERI HOME PAGE - YOUTUBE CHANNEL
SITEMAP
Audiobooks by Valerio Di Stefano: Single Download - Complete Download [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Alphabetical Download  [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Download Instructions

Make a donation: IBAN: IT36M0708677020000000008016 - BIC/SWIFT:  ICRAITRRU60 - VALERIO DI STEFANO or
Privacy Policy Cookie Policy Terms and Conditions
Grande Idée - Wikipédia

Grande Idée

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Vous avez de nouveaux messages (diff ?).

La Grande Idée (en grec moderne Μεγάλη Ιδέα / Megáli Idéa) était l'expression du sentiment national puis du nationalisme grec aux XIXe et XXe siècles. Elle visait à unir tous les Grecs dans un seul État-nation avec pour capitale Constantinople. Elle prit avant tout la forme d'un irrédentisme. Le terme fut inventé en 1844 par Ioannis Kolettis, Premier Ministre du roi Othon. La Grande Idée a dominé toute la politique extérieure et par conséquent la politique intérieure de la Grèce. De la guerre d'indépendance dans les années 1820, au problème chypriote des années 1970 en passant par les guerres balkaniques du début du XXe siècle, le principal adversaire de la Grèce dans sa réalisation de la Grande Idée fut l'Empire ottoman puis la Turquie.

L'expansion territoriale de la Grèce entre 1832-1947
Agrandir
L'expansion territoriale de la Grèce entre 1832-1947

Sommaire

[modifier] Le sentiment national

[modifier] Le poids de l'occupation ottomane

Enluminure des Chroniques de Jean Chartier représentant le siège de Constantinople, 3e quart du XVe siècle, Bibliothèque nationale de France
Agrandir
Enluminure des Chroniques de Jean Chartier représentant le siège de Constantinople, 3e quart du XVe siècle, Bibliothèque nationale de France

Les armées ottomanes s'emparèrent successivement de Constantinople en 1453, d'Athènes en 1458 et de Mistra, située tout près de l'ancienne Sparte, en 1460. Toute forme d'État grec indépendant disparut alors. Cependant, l'administration ottomane reconnaissait qu'il existait une population qu'on pouvait considérer comme « grecque ». Le système ottoman des « millets » (nations) organisait les différentes populations de l'Empire : il y avait ainsi un millet ottoman et un millet juif par exemple. Il existait aussi un millet-i Rum ou millet grec. En fait, celui-ci incluait tous les Orthodoxes, qu'ils fussent de langue grecque, bulgare ou roumaine. Cette ambiguité joua un rôle plus tard dans la définition des limites de la nation grecque. La marque de la sujétion était principalement l'impôt haradj. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, s'y ajoutait la paidomazoma (obligation de fournir des Janissaires). Ces impôts, et surtout la cascade des prélèvements de salaire effectués dessus par les nombreux fonctionnaires étaient très mal vus de la population locale. Les diverses révoltes, comme la Révolution d'Orloff entraînaient souvent un accroissement des prélèvements en guise de punition[1]. Les klephtes, dont les exactions étaient une forme de résistance à l'impôt sont souvent considérés comme les précurseurs du mouvement de libération nationale.

Le millet grec était dirigé par la hiérarchie de l'Église orthodoxe. Le Patriarche de Constantinople était considéré par les Ottomans comme le chef de la « nation grecque ». Le pouvoir de l'Église orthodoxe était donc très lié au pouvoir ottoman. Celle-ci était ainsi intéressée à la survie et au maintien du pouvoir ottoman, dont dépendaient ses intérêts. Cela la discrédita en grande partie aux yeux de la population[2].

[modifier] Définir un État-nation

L'objectif territorial de la Grande Idée : l'Empire byzantin du temps de la dynastie macédonienne
Agrandir
L'objectif territorial de la Grande Idée : l'Empire byzantin du temps de la dynastie macédonienne

Comme pour tous les mouvements nationaux du XIXe siècle, la Grande Idée voulait regrouper dans un seul et même État-nation tous les Grecs. Elle prit sa source dans la pensée des Lumières et de la Révolution française. Ainsi, la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 proclamait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Les Grecs, soumis aux Ottomans, désiraient, eux aussi, disposer d'eux-mêmes et avoir un « gouvernement émanant du consentement des gouvernés », comme le proposait la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique. Les idées des Lumières ont touché les Phanariotes qui par leurs fonctions administratives et gouvernementales (dont les rôles d'interprètes pour la Porte) étaient très en contact avec l'Occident. Des intellectuels grecs étaient aussi en exil en Europe occidentale : Adamántios Koraïs passa toute la Révolution française à Paris ; Rigas Fereos était lui à Vienne ; il y avait des marchands de la diaspora à Odessa, Venise ou Marseille. Des journaux (comme le Mercure savant d'Anthimos Gazis, par ailleurs desservant d'une paroisse orthodoxe de Vienne, publié à Vienne en 1811 et 1812) et des cercles intellectuels avaient été mis en place par ces Grecs. En 1803, parut à Paris le Mémoire sur l'état actuel de la civilisation en Grèce ; en 1806, fut publié à Livourne un Discours sur la liberté. Ces ouvrages véhiculaient les idées des Lumières sur la Liberté ou le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Mais, la définition même de qui était « Grec » ou de ce qui était « grec » posait problème (voir par exemple l'article Noms des Grecs). Quel principe appliquer : l'ethnie « grecque », la religion orthodoxe « grecque », la langue « grecque », la géographie, l'histoire ?

Iakovos Rizos-Neroulos déclara lors de la première conférence de la Société Archéologique Grecque, en 1838, sur l'Acropole à Athènes :

« Messieurs, ces pierres, grâce à Phidias, Praxitèle, Agoracrite et Myros, sont plus précieuses que diamants ou agathes : c'est à ces pierres que nous devons notre renaissance politique[3]. »

Il évoquait ici le rôle des voyageurs occidentaux, souvent en Grand Tour, dans la naissance du sentiment national grec à la fin du XVIIIe siècle. Leur intérêt pour les monuments antiques montra aux Grecs érudits, mais aussi aux populations locales qu'il existait une autre Grèce de référence que la Grèce de l'Église orthodoxe soumise au pouvoir ottoman. Naquirent alors en Grèce une progonoplexia (obsession pour les ancêtres) et une arkhaiotreia (fascination de l'antique). On commença à donner aux enfants, au grand dam des popes, des prénoms à l'antique. On fit de même pour les noms de navires. La question de la langue grecque se posa aussi : la langue vernaculaire était considérée comme « polluée » par des mots étrangers (turcs surtout). Il fallait retrouver une langue « pure » : on choisit l'Attique du Ve siècle avant notre ère[4]. L'antiquité devint donc la nouvelle référence pour définir la « Grèce ».

L'extension maximale de cet État-nation serait, pour les plus extrémistes, l'extension du monde grec selon Strabon, la référence historique choisie : de la Sicile et l'Italie du sud (Grande Grèce), à Chypre ; du nord de la mer Noire (Pont-Euxin) à la Crète, en passant par la Grèce continentale elle-même, l'Épire, la Macédoine (Royaume de Macédoine) et l'Asie mineure (Ionie). Cela correspondait à l'extension de l'Empire byzantin du temps de la dynastie macédonienne.

La Χάρτας της Ελλάδας de Rigas
Agrandir
La Χάρτας της Ελλάδας de Rigas

Il faut en effet ajouter à ce sentiment le traumatisme politique et religieux de la Prise de Constantinople par les Ottomans en 1453. Constantinople était la capitale religieuse de l'orthodoxie et la capitale politique de l'Empire byzantin. Sa prise coïncida avec la disparition de la Grèce et à la sujétion des Grecs. Leur liberté et leur existence en tant que nation ne pouvait passer que par la reconquête de la « Ville ».

En 1796, alors qu'il était à Vienne, Rigas, le poète précurseur de l'insurrection contre les Ottomans, avait publié une carte de Grèce (Χάρτας της Ελλάδας), prévue au départ pour illustrer les Voyages du jeune Anacharsis en Grèce du Français Jean-Jacques Barthélemy. Si cette immense carte (elle fait 4 mètres carrés) était centrée sur la Grèce antique (l'histoire antique est la seule histoire représentée sur la carte), elle incluait Constantinople, et la Valachie ; mais aussi la Bosnie, la Serbie et l'Albanie actuelles. La Grèce ainsi décrite comprenait en fait tous les Balkans et la Roumanie. La langue de cette entité devait être le grec, élément de base de la définition de la nationalité. La carte de Rigas souffrit de l'exécution de son créateur, mais en 1800, Anthimos Gazis, en publia une version simplifiée, en y ajoutant la Grande Grèce et Chypre[5].

[modifier] Les déceptions après la guerre d'indépendance

[modifier] L'indépendance

La Grèce en 1834
Agrandir
La Grèce en 1834

La guerre d'indépendance grecque fut d'abord une guerre de libération, une lutte contre l'oppression ottomane. Les mouvements principaux eurent lieu dans le Péloponnèse et autour d'Athènes. Il y eut aussi des combats en Épire (surtout à cause d'Ali Pacha de Janina). La victoire finale fut obtenue grâce au soutien des grandes puissances, France, Royaume Uni et Russie, (qui devinrent ensuite « Puissances Protectrices » du jeune royaume grec) avec, entre autres, la bataille de Navarin et l'expédition française en Morée. Les Grecs ne furent pas en mesure d'obtenir tout ce qu'ils voulaient lors des négociations qui suivirent la fin du conflit. Afin de ménager encore l'Empire ottoman, la Conférence de Londres de 1830 fixa les frontières du nouvel État. La Grèce devait se contenter du Péloponnèse, d'une partie de la Roumélie (la frontière allait d'Arta à l'ouest à Volos à l'est) et de quelques îles proches du continent comme Égine ou Hydra et une partie des Cyclades. 700 000 des trois millions de ceux considérés comme Grecs se retrouvaient dans le nouvel État alors que Constantinople à elle seule regroupait 200 000 Grecs[6]. Les grands centres culturels, religieux et économiques étaient tous hors du royaume qui ne comptait aucune grande ville : les trois premières capitales (Égine, Nauplie et même Athènes) ne dépassaient pas les 5 000 habitants[7]. La déception des patriotes grecs dans et hors de cet État était très grande.

[modifier] Autochtones et hétérochtones

Après le coup d'État du 3 septembre 1843, lors des difficiles négociations pour la rédaction de la constitution, le Premier Ministre Ioannis Kolettis se fit le champion des droits des « hétérochtones », Grecs nationaux nés hors des frontières du Royaume. Sa famille était originaire de Valachie et lui-même était né en Épire, deux régions non encore rattachées à la patrie grecque. Il considérait donc que la Grèce devait englober les « autochtones », ceux nés dans le royaume et les « hétérochtones ». Il y avait selon lui deux centres de l'hellénisme : Athènes et Constantinople (« le rêve et l'espoir de tous les Grecs »). Il déclara à l'Assemblée constituante le 14 janvier 1844 dans un discours qui donnait naissance à la « Grande Idée » :

« Ayant l'Orient à sa droite et l'Occident à sa gauche, [la Grèce] est prédestinée par sa renaissance à éclairer l'Orient comme elle le fut par son essor à éclairer l'Occident.
Dans l'esprit [...] de cette grande idée, j'ai toujours vu les représentants de la Nation convenir de décider non seulement du sort de la Grèce mais de la nation grecque dans son ensemble. [...] Combien plus vaste et plus large était cette grande idée que nous nous faisions de la patrie, et que nous avions trouvée exprimée pour la première fois dans le chant de Rhigas [le Thourios][8]. »
« Le royaume grec n'est pas l'intégralité de la Grèce, mais seulement une partie, la plus petite et la plus pauvre partie. Un Grec n'est pas seulement quelqu'un qui vit dans les limites du royaume, mais aussi quelqu'un qui vit à Ioannina, en Thessalie, à Serrès, à Andrinople, à Constantinople, à Trébizonde, en Crète, à Samos et dans n'importe quel terre associée à l'histoire ou à la race grecque[9]. »

Il y avait alors des populations qu'on pouvait considérer comme grecques, non seulement selon la définition de Kolettis, mais aussi pour des raisons de langue, de religion ou d'origine ethnique à cause des migrations :

  • dans la péninsule balkanique jusqu'à Valona en Albanie actuelle à l'ouest et Varna en Bulgarie actuelle à l'est ;
  • le long de la mer de Marmara et à Constantinople ;
  • le long de la côte d'Asie mineure, principalement à Smyrne ;
  • en Anatolie, surtout en Cappadoce et le long de la côte nord, sur la mer Noire, dans les Alpes pontiques, mais aussi jusqu'en Arménie ;
  • au nord de la Mer noire, en Russie, où s'étaient installés certains Grecs pontiques et des marchands « autochtones », autour d'Odessa.

Certains de ces Grecs de l'extérieur, surtout les paysans, différaient peu de leurs voisins non-grecs. S'ils étaient farouchement orthodoxes, ils parlaient la langue vernaculaire locale. Ainsi, les 400 000 Grecs d'Anatolie (et de Constantinople), qui ne parlaient que le turc, étaient appelés des « karamanlides ». Une des grandes familles d'hommes politiques grecs du XXe siècle est la famille Karamanlis. Certains noms de famille originaires d'Anatolie commencent encore aujourd'hui par « Hadji » (le compositeur Manos Hadjidakis, le peintre Nikos Khatzikyriakos-Ghikas ou le fondateur d'EasyJet Stelios Haji-Ioannou) rappelant qu'un des membres de la famille fit son pélerinage à La Mecque et devint ainsi « Hadji ».

Chercher à réunir ces « nationaux » à la Grèce fut une des constantes de la politique et de la diplomatie grecque au XIXe siècle.

Dans le même temps, on chercha aussi à purifier la Grèce et ses « autochtones » de toute influence étrangère. Il fallait ré-helléniser la Grèce. La « purification » de la langue avec la création du katharévousa fut un des exemples de cette volonté politique.

[modifier] Premières extensions territoriales

La Grèce en 1878
Agrandir
La Grèce en 1878

Le roi Othon fut très peu populaire, sauf lorsqu'il embrassa la cause de la Grande Idée, comme lors de la guerre de Crimée. La réalisation de la Grande Idée se fit souvent grâce aux différentes guerres de la seconde moitié du XIXe siècle qui permirent à la Grèce d'annexer des territoires de plus en plus nombreux.

Au déclenchement de la guerre de Crimée, la Grèce crut pouvoir profiter des difficultés initiales (avant l'intervention occidentale) de l'Empire ottoman. Comme lors de la guerre d'indépendance, des bandes armées composées en partie de klephtes et dirigées par des membres des classes plus élevées de la société, ici des étudiants, reprirent la forme d'action de guérilla et allèrent semer le trouble de l'autre côté de la frontière, en Thessalie, en Épire et en Macédoine. La France et la Grande-Bretagne, parallèlement à leur intervention contre la Russie en Crimée, envoyèrent une flotte occuper Le Pirée entre mars 1854 et février 1857. La Grèce dut céder à la pression. Malgré tout, une Légion de volontaires grecs, commandée par Panos Koronaios, partit renforcer les Russes assiégés dans Sébastopol[10].

Une première véritable extension territoriale eut lieu au mois de mai 1864 : la Grande-Bretagne rétrocéda à la Grèce la République des Sept-Îles (les îles ioniennes). Un référendum avait désigné en 1863 un prince britannique pour succéder à Othon après la révolution, mais les Puissances Protectrices avaient refusé d'avaliser le choix et avaient imposé un prince danois. En compensation et pour célébrer le couronnement de Georges Ier, le Royaume Uni s'était séparé de son protectorat.

L'insurrection bulgare de 1876 et la guerre russo-turque qui suivit (1877) se solda par le Traité de San Stefano qui créait une Grande Bulgarie sous protection russe. La Grande Bulgarie était un obstacle à la Grande Idée. Le Royaume-Uni, l'Autriche-Hongrie et la Serbie ne pouvaient pas non plus accepter ce traité qui avantageait la Russie dans la région balkanique. La Grèce sut plaider sa cause et se faire entendre au Congrès de Berlin de 1878. La Grèce ne fut pas formellement invitée, mais une délégation grecque fut reçue. Elle comprenait, entre autres, Theodoros Deligiannis et Charilaos Trikoupis. La délégation ottomane était dirigée par Alexandros Karatheodoris Pacha, un Grec ottoman. La Thessalie et une partie de l'Épire furent données à la Grèce à l'issue d'une nouvelle série de négociations lors de la Conférence de Constantinople en 1881[11]. De l'autre côté de sa frontière nord se trouvait maintenant la Macédoine, nouvel objectif (voir carte).

[modifier] La Crète

Le Haut Commissaire Georges
Agrandir
Le Haut Commissaire Georges

La « Grande Île » était considérée à Athènes et se considérait elle-même comme grecque. L'union (enosis) de la Crète à la Grèce semblait une évidence. De nombreuses révoltes eurent lieu tout au long du XIXe siècle : 1841, 1858, 1866-1869, 1877-1878, 1888-1889 et 1896-1897. La Grèce avait quant à elle tenté de forcer l'union. En 1868, Athènes envoya des secours aux insurgés crétois. La Porte protesta et organisa le blocus d'Ermoupoli, port de Syros, et surtout principal port de voyageurs et de marchandises de la mer Égée. La médiation des Puissances Protectrices régla le différend. En 1885, profitant d'une nouvelle crise, le Premier Ministre, Theodoros Deligiannis envoya une flotte en Crète. Les Puissances Protectrices instaurèrent à nouveau un blocus maritime de la Grèce[12].

Deligiannis était à nouveau au pouvoir en 1897, lors de l'insurrection crétoise. Sous la pression populaire, il envoya une flotte et des soldats vers la Grande Île. La mobilisation générale fut décrétée et, en avril, la guerre commença contre l'Empire ottoman en Thessalie. Ce fut la guerre dite de Trente Jours, une cuisante défaite grecque. Malgré tout, la Grèce ne s'en sortit pas trop mal. Le traité de paix accordait l'autonomie, sous suzeraineté ottomane, à la Crète. Georges, le second fils du roi Georges Ier fut nommé Haut Commissaire en Crète. Quelques ajustements en faveur de l'Empire ottoman furent faits le long de la frontière en Thessalie.

La principale leçon de l'humiliation de la guerre de Trente Jours était que la Grèce ne serait jamais capable, seule, de réaliser la Grande Idée. L'Empire ottoman, même en déclin, constituait un adversaire trop considérable.

La Crète allait fournir à la Grèce un de ses principaux hommes politiques et artisans de la Grande Idée : Eleftherios Venizelos.

[modifier] Les guerres balkaniques

Si la population était assez homogène dans le sud de la Grèce, les limites ethniques au nord étaient difficiles à déterminer. Les différentes ethnies étaient très mélangées dans les Balkans et les différents États-nations se créant au XIXe siècle revendiquèrent certaines régions, peuplées, au moins en partie de ceux qu'ils considéraient comme leurs nationaux. La Macédoine était une de ces régions : elle était peuplée de Grecs, de Bulgares, de Serbes, d'Albanais, de Turcs et de Valaques.

[modifier] La Macédoine

La Grèce avait dès les années 1890 commencé à y agir en sous-main. À nouveau, comme lors de la guerre d'indépendance ou pendant la guerre de Crimée, des bandes autoproclamées « combattants de la liberté », les « Makedonomakhoi », prirent les armes pour réclamer le rattachement de la Macédoine au royaume grec. Le premier prétexte avait été la création d'un exarchat orthodoxe en Bulgarie qui entrait en concurrence avec le Patriarcat de Constantinople. Les « Exarchistes » étaient donc bulgares et les « Patriarchistes », grecs. Le conflit était religieux et politique, avec pour but final le contrôle de la région. Les diverses bandes armées s'organisèrent. L'Organisation Révolutionnaire Macédonienne fondée en 1893 était soutenue par les Bulgares. L'Ethniki Etairia, (Société nationale), grecque, aidait les Makedonomakhoi. Le gouvernement d'Athènes leur apporta une aide plus ou moins directe : financement via ses agents consulaires, encadrement par des conseillers militaires. Des Crétois participèrent aussi aux opérations de guérilla (dans son roman Alexis Zorba, Nikos Kazantzakis fait évoquer les massacres par son héros). Les partisans de la Grèce prirent peu à peu l'ascendant et se trouvèrent en position de force, ce qui prépara l'annexion à la Grèce lors des guerres balkaniques de 1912-1913[13].

Les modifications territoriales suite aux guerres balkaniques
Agrandir
Les modifications territoriales suite aux guerres balkaniques

En 1908, la révolution des Jeunes Turcs à Constantinople entraîna divers changements. La Bulgarie se déclara totalement indépendante de l'Empire ottoman. L'Autriche-Hongrie annexa la Bosnie-Herzégovine qui avait été placée sous son protectorat en 1878 à Berlin. La Crète décida alors l'enosis.

Les militaires grecs organisèrent un coup d'État : le coup de Goudi en 1909, et placèrent Venizelos à la tête de leur mouvement parce que, d'origine crétoise, il n'était pas marqué par la « corruption » politique du royaume. Crétois, Venizelos était aussi un partisan farouche de la Grande Idée. Il mena, grâce à une très large majorité parlementaire, une politique de modernisation du pays.

[modifier] La première guerre balkanique

La Guerre italo-turque de 1911 affaiblit l'Empire ottoman. Les pays des Balkans en profitèrent. Venizelos hésita avant d'engager la Grèce, car ses « nationaux » étaient trop dispersés dans l'Empire ottoman pour ne pas être à la merci de représailles turques. Cependant, en n'intervenant pas, la Grèce risquait de ne pas participer au partage du butin. Le 18 octobre 1912, la Serbie, la Bulgarie, le Monténégro et la Grèce, regroupés dans la Ligue balkanique déclarèrent la guerre à l'Empire ottoman, déclenchant ainsi la première guerre balkanique.

Les troupes grecques s'emparèrent début novembre de Salonique, battant de quelques heures les troupes bulgares. La marine grecque, modernisée par le Royaume Uni grâce à Venizelos, établit sa suprématie en mer Égée et s'empara de Chios, Lesbos et Samos. Ioannina, capitale de l'Épire fut conquise en février 1913. Les Turcs reconnurent ces annexions lors du traité de Londres de mai 1913.

[modifier] La seconde guerre balkanique

Unis contre les Ottomans, les vainqueurs se déchirèrent à propos de la Macédoine lors de la seconde guerre balkanique. La Serbie et la Grèce décidèrent de se partager la Macédoine, aux dépens de la Bulgarie. La Roumanie intervint pour obtenir sa part. La guerre fut courte et la Bulgarie fut écrasée. Le Traité de Bucarest (1913) donna Salonique et toute la Macédoine du sud à la Grèce. Cependant, la Bulgarie conservait le port de Dedeagatch (maintenant Alexandropoulis) sur l'Égée et la création de l'Albanie avait empêché l'annexion grecque de l'Épire du nord.

La Grande Idée était malgré tout devenue réalité. Au total, les guerres balkaniques augmentèrent le territoire grec de 70 % et sa population passa de 2,8 millions à 4,8 millions.[14] Lorsque Constantin monta sur le trône de Grèce en 1913, on espéra qu'il adoptât la titulature Constantin XII, se plaçant ainsi dans la succession directe de Constantin XI Paléologue, dernier Empereur byzantin. La reconquête de Constantinople semblait proche. Mais Constantin se contenta d'être Constantin Ier.

Tous les habitants des régions annexées n'étaient cependant pas grecs. À Salonique, les Juifs sépharades constituaient la majorité de la population. Ailleurs, des Turcs musulmans, des Valaques parlant le roumain ou des Slaves étaient présents.

La Grande Idée joua un rôle fondamental dans l'« Ethnikos Dikhasmos » (« Grand Schisme ») durant la première guerre mondiale.

[modifier] Le « Grand Schisme »

La Grande Idée avait d'abord été une volonté de rassembler les Grecs dans un seul et même État-nation, mais son exploitation politique eut bien d’autres conséquences.

[modifier] Le choix de l'alliance

La Grande Idée ne fut en effet pas qu'une politique extérieure. Elle joua un rôle déterminant dans la politique intérieure du royaume grec. Elle fut ainsi présentée comme le principal, voire le seul, objectif des gouvernements successifs. Tous insistèrent sur la nécessité de l'unité nationale afin de réaliser la Grande Idée. Il ne fallait pas, sous peine d'être considéré comme antipatriote, évoquer les autres problèmes politiques (développement lent, corruption, sujétion aux Puissances Protectrices…). La Grande Idée devait passer avant tout[15], et servit donc à détourner l'attention des problèmes intérieurs. Ainsi, après que Charilaos Trikoupis ait déclaré le pays en faillite en 1893 et que le pays se fut enfoncé dans la crise économique, on utilisa la Grande Idée et les affaires crétoises pour détourner l'attention de la population, ce qui mena à la guerre de Trente Jours et à la défaite grecque.

Mais c’est pendant la Première Guerre mondiale que la Grande Idée aboutit à une des plus graves crises de politique intérieure qu'ait connue la Grèce. Lorsque la guerre éclata, la Grèce se déclara initialement neutre. Mais rester hors du conflit n'était pas la seule raison à cette neutralité. Le plus haut sommet de l'État était en effet divisé à propos du camp le plus à même de favoriser les objectifs de la Grande Idée.

Venizelos, le Premier ministre, entendait rester l'allié de la Serbie, comme durant les guerres balkaniques, en vue de démembrer définitivement la Bulgarie, alliée des Empires centraux. Il souhaitait donc se rapprocher de l'Entente.

Le roi Constantin, beau-frère du Kaiser Guillaume II, et Feld-Marshal honoraire de l'armée allemande, penchait plutôt vers l'alliance avec l'Allemagne et donc la Bulgarie, afin de se retourner contre l'ancien allié serbe et s'emparer de ses territoires.

En octobre 1915, le roi renvoya Venizelos et fit informer le gouvernement bulgare que son pays n'interviendrait pas en cas d'attaque de la Serbie. Il utilisait là une clause du traité d'alliance avec la Serbie de 1913, qui prévoyait que la Grèce aiderait la Serbie si elle était attaquée par la Bulgarie, sauf si celle-ci était alliée à deux autres puissances (ici l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie)[16].

Les Britanniques, pour attirer cependant la Grèce dans l'Entente, proposèrent au successeur de Venizelos de donner Chypre à la Grèce en échange de son aide. Le Premier ministre Alexandros Zaimis refusa[17], preuve que le gouvernement grec avait choisi de démembrer prioritairement l’ancien allié, la Serbie, et non l’Empire Ottoman.

Complication pour ce projet, Venizelos avait autorisé juste avant d'être démis de ses fonctions un corps expéditionnaire anglo-italo-français de 250 000 hommes commandés par le général Sarrail à s'installer à Salonique. Les 150 000 rescapés de l'armée serbe, évacués d'abord vers Corfou, occupée dans ce but par l'Entente, rejoignirent Salonique en avril 1916 (non sans que le roi Constantin et son nouveau Premier ministre Stephanos Skouloudis leur aient interdit d'emprunter le Canal de Corinthe). Le gouvernement grec autorisa même les troupes bulgares (ennemies de l’entente) à s'avancer vers Salonique en leur accordant les places fortes de Serrès et Kavala[18].

[modifier] La rupture

Après avoir tenté une dernière conciliation auprès du souverain qui refusa de le recevoir, Venizelos quitta Athènes pour retourner en Crète. Il publia alors (27 septembre 1916) une proclamation à « l'hellénisme entier » lui demandant de prendre en main ses propres destinées et de « sauver ce qui pouvait être sauvé » en coopérant avec l'Entente pour que « non seulement l'Europe soit délivrée de l'hégémonie allemande, mais aussi les Balkans des prétentions à la suprématie bulgares »[19]. En novembre, Venizelos organisa à Salonique un gouvernement provisoire de Défense nationale (Ethniki Amyna), rival du gouvernement fidèle au roi mené par Spiridon Lampros. Ce fut l'« Ethnikos Dikhasmos ». La Thessalie et l'Épire, ainsi qu'une partie de l'armée, suivirent Venizelos.

Une zone neutre entre la Grèce du nord et la « vieille Grèce » fut organisée par l'Entente, qui soutenait politiquement et financièrement le gouvernement Venizelos. Une flotte franco-britannique, commandée par l'amiral Dartige de Fournier, occupa la baie de Salamine pour faire pression (comme lors de la guerre de Crimée ou en 1885) sur Athènes, à qui divers ultimatums successifs, concernant principalement le désarmement de l'armée grecque, furent envoyés. Nicolas II refusa cependant que Constantin fût déposé.

Le 1er décembre 1916, le roi Constantin céda aux exigences de l'amiral français, et les troupes de Dartige de Fournier débarquèrent à Athènes pour s'emparer des pièces d'artillerie demandées. L'armée fidèle à Constantin s'était cependant secrètement mobilisée, et avait fortifié Athènes. Les Français furent accueillis par un feu nourri. L'amiral dut se réfugier au Zappéion, et ne put s'enfuir qu'à la faveur de la nuit. Le massacre des soldats français fut surnommé les « Vêpres grecques ». Le roi félicita son ministre de la guerre et le général Dousmanis[20].

L'Entente n'agit pas tout de suite. La Russie, mais aussi l'Italie, hésitaient. Ce ne fut que le 11 juin 1917 que l'abdication de Constantin fut exigée. Le 12 juin, sous la menace d'un débarquement de 100 000 hommes au Pirée, il partit en exil, sans officiellement abdiquer. Son second fils Alexandre monta sur le trône. Ses fidèles, dont le général Dousmanis et le colonel Ioannis Metaxas, furent déportés en Corse. Le 21 juin, Venizelos forma un nouveau gouvernement à Athènes, et le 26, des troupes de l'Entente s'y installèrent. La Grèce, avec une armée purgée de ses éléments favorables à Constantin, entra en guerre, du côté de l'Entente, contre la Bulgarie et l'Empire Ottoman.

[modifier] La « Grande Catastrophe »

[modifier] Conséquences de la première guerre mondiale

La Grèce après le traité de Sèvres. La plus grande extension nationale, le plus proche possible de la réalisation de la Grande Idée
Agrandir
La Grèce après le traité de Sèvres. La plus grande extension nationale, le plus proche possible de la réalisation de la Grande Idée

À l'été 1918, 300 000 soldats grecs participaient aux combats sur le front oriental sous le commandement du général Franchet d'Esperey. La Bulgarie capitula le 29 octobre, la Turquie le 31. La participation grecque à la victoire lui permit d'obtenir pratiquement tout ce dont la Grande Idée rêvait.

La Grèce envoya aussi deux divisions auprès des armées blanches commandées par Vrangel dans le sud de la Russie pour protéger les 600 000 « Grecs » pontiques mais aussi dans le but de se placer comme la nouvelle grande puissance orthodoxe[21].

L'Italie n'attendit pas les décisions du traité de Versailles pour essayer de démembrer l'Empire ottoman. Elle fit débarquer ses troupes à Antalya et les fit marcher vers Smyrne. Pour éviter un effondrement précoce de l'Empire ottoman, le Royaume-Uni, le France et les USA autorisèrent la Grèce à occuper militairement Smyrne. Le 15 mai 1919, protégées par la flotte britannique, les troupes grecques effectuèrent leur débarquement. Des atrocités et des massacres furent commis. 350 Turcs périrent dans les affrontements. Les échauffourées et escarmouches continuèrent, jusqu'au déclenchement d'un véritable conflit armé. Cette occupation de Smyrne fut en effet la catalyse de la révolution nationaliste de Mustafa Kemal[22].

[modifier] Traité de Sèvres

Article détaillé : Traité de Sèvres.

En août 1920, le traité de Sèvres accorda à la Grèce la Thrace, les îles d'Imbros et Ténédos et Smyrne (qui avait alors plus d'habitants grecs qu'Athènes) ainsi que tout son arrière pays. Cet hinterland était placé sous mandat de la Société des Nations avant un référendum prévu pour 1925.

Cependant, le Grand Schisme n'était pas fini. Aux élections législatives de 1920 s'affrontèrent les monarchistes (fidèles à Constantin, pas à Alexandre qui venait de décéder, mordu par son singe) et les libéraux de Venizelos. Les monarchistes firent campagne pour la démobilisation et la paix, proposant « une Grèce petite, mais honorable ». Les libéraux poussaient à la reprise du conflit pour créer une « Grande Grèce embrassant deux continents et cinq mers (mer Méditerranée, mer Égée, mer Ionienne, mer de Marmara et mer Noire)[23]. » Les royalistes remportèrent les élections et restaurèrent Constantin. L'armée fut purgée de ses éléments vénizélistes.

L'incendie de Smyrne
Agrandir
L'incendie de Smyrne

L'application du Traité de Sèvres décida des événements. Contrairement à la ville, l'arrière-pays de Smyrne était majoritairement turc et opposé à la domination grecque. Les monarchistes au gouvernement renièrent leur programme électoral et sous couvert de maintien de l'ordre entamèrent une politique expansionniste. Ce fut une nouvelle guerre gréco-turque. Cependant, depuis le retour au pouvoir de Constantin, les Occidentaux se méfiaient de la Grèce. Celle-ci ne pouvait plus compter sur la même aide qu'en 1918. Toutes les demandes de prêts, d'armes, de munitions, voire de vivres furent rejetées. La Turquie, menée par Mustafa Kemal opposa une forte résistance. Le nationalisme grec se heurtait au nationalisme turc. L'offensive grecque sur Ankara en mars 1921 fut un désastre. En mars 1922, la Grèce se déclara prête à accepter la médiation de la Société des Nations. L'attaque menée par Mustafa Kemal le 26 août 1922 obligea l'armée grecque à se replier devant l'armée turque, qui massacra tous les Grecs présents dans la région. Smyrne, évacuée le 8 septembre, fut incendiée. On estime que 30.000 Chrétiens furent alors tués.[24] .

[modifier] Traité de Lausanne

Article détaillé : Traité de Lausanne (1923).

Le traité de Lausanne qui suivit fut défavorable à la Grèce, qui perdit la Thrace orientale, Imbros et Ténédos, Smyrne et toute possibilité de rester en Anatolie. Les Grecs étaient rejetés d'Asie Mineure après 3 000 années de présence. La Grande Idée ne serait jamais réalisée.

Pour éviter toutes nouvelles revendications territoriales, on procéda à un échange de populations, qu'on appellera la « Grande Catastrophe ». Pendant le conflit, 151 892 Grecs avaient déjà fuit l'Asie Mineure. Le Traité de Lausanne déplaça 1 104 216 Grecs de Turquie, 40 027 Grecs de Bulgarie, 58 522 de Russie (à cause de la défaite de Vrangel) et 10 080 d'autres provenances (Dodécanèse ou Albanie par exemple). Au total, la population grecque augmenta d'un seul coup de 20 %[25].

En échange, 380 000 Turcs quittèrent le territoire grec pour la Turquie et 60 000 Bulgares de Thrace et de Macédoine rejoignirent la Bulgarie. L'accueil immédiat des réfugiés coûta à la Grèce 45 millions de francs, puis la Société des Nations organisa un emprunt de 150 millions de Francs pour l'installation des réfugiés. En 1935, la Grèce avait dépensé 9 milliards de Francs en tout[26]. La Grande Idée avait coûté très cher, et son échec partiel l'effaça du premier plan de la vie politique pour un temps. En 1930, Venizelos se rendit même en visite officielle en Turquie et proposa Mustafa Kemal pour le prix Nobel de la paix.

[modifier] La Grande Idée au XXe siècle : Chypre

La Grande Idée n'avait pas tout à fait disparue. Elle continuait, sans dire vraiment son nom, à servir, soit la propagande d'un gouvernement, soit à détourner l'attention de la population.

Ainsi, après son coup d'État du 4 août 1936, Ioannis Metaxas proclama l'avènement de la « Troisième Civilisation Hellénique », après la Civilisation de la Grèce antique et la Civilisation byzantine[27]. L'attaque italienne depuis l'Albanie et les victoires grecques permirent à la Grèce de conquérir pendant l'hiver 1940-1941, l'Épire du nord qui fut alors administrée comme une province grecque, avant l'offensive allemande d'avril 1941.

L'occupation, la résistance puis la guerre civile repoussèrent la Grande Idée à l'arrière plan. L'annexion des îles du Dodécanèse en 1947 n'a d'ailleurs rien à voir avec celle-ci. Elle est juste le résultat de la défaite italienne et du fait que la Grèce faisait partie du camp des vainqueurs.

L'échange de population en 1922 n'avait pas été tout à fait total. En effet, des Grecs étaient restés à Constantinople, devenue Istanbul. On comptait encore aussi 120 000 Turcs en Grèce. Jusqu'aux années 1950, surtout grâce à la pression de l'OTAN, la Grèce et la Turquie avaient entretenu des relations cordiales. Chypre, occupée par le Royaume-Uni, devint la « pomme de discorde ». En 1955, le colonel de l'armée grecque mais d'origine chypriote Georges Grivas lança une campagne de désobéissance civile, puis d'attentats, dont le but était d'abord de chasser les Britanniques, puis à terme l'enosis avec la Grèce. Le Premier Ministre grec, Alexandros Papagos n'y était pas défavorable. Les Britanniques jouèrent les Turcs chypriotes contre les Grecs chypriotes. À la demande d'enosis de la population grecque (80 % de la population chypriote), les 20 % turcs répondaient par une demande de « taksim » (partition). Les problèmes chypriotes eurent des répercussions sur le continent. En septembre 1955, réagissant à la demande d'enosis des Grecs chypriotes, des émeutes anti-grecs eurent lieu à Istanbul : 4 000 magasins, 100 hôtels et restaurants et 70 églises furent détruits ou endommagés[28]. Cela entraîna la dernière grande vague de migration de la Turquie vers la Grèce.

Les accords de Zurich de 1959 aboutirent à l'indépendance de l'île au sein du Commonwealth britannique. Les affrontements inter-ethniques à partir de 1960 entraînèrent une intervention célèbre du président des États-Unis, Lyndon Johnson et l'envoi d'une force d'interposition des Nations unies en 1964.

La situation chypriote fut récupérée par la dictature des colonels. Celle-ci présenta son coup d'État du 21 avril 1967 comme le seul moyen de défendre les valeurs traditionnelles de la civilisation helléno-chrétienne. Le brigadier-général Stylianos Pattakos déclara en 1968 :

« Jeunes de Grèce... Vous recélez, dans vos poitrines et votre foi, ce profond sentiment du sacrifice. Il remonte au « Venez les prendre ! » de Leonidas, au « Je ne vous donnerai pas la Ville. » de Constantin XI et au « Non ! » de Metaxas. Il est dans le « Halte ou je tire ! » du 21 avril 1967[29]. »

La partition de Chypre
Agrandir
La partition de Chypre

La grandeur de la Grèce de l'Antiquité à Byzance, puis celle des divers dictateurs refaisait surface. La Grande Idée n'était pas loin.

La crise pétrolière de 1973 envenima les relations gréco-turques. Du pétrole fut découvert près de Thasos. La Turquie demanda à pouvoir prospecter dans des zones qu'elle se disputait avec sa voisine grecque. La situation des colonels se détériorait. Les étudiants s'étaient révoltés en novembre 1973 et la junte avait envoyé les chars reprendre l'École polytechnique. La Grande Idée fut alors à nouveau utilisée pour détourner l'attention des problèmes internes.

Sur fond de crise pétrolière en Égée, le Brigadier-Général Ioannidis tenta, en juillet 1974, de déposer le Président chypriote Makarios et de procéder à l'enosis de Chypre. Cela entraîna une réaction immédiate de la Turquie. Elle envahit le nord de l'île, à majorité turque. Les deux pays procédèrent à une mobilisation générale. Cependant, la dictature grecque ne survécut pas à ce nouvel échec. La Grande Idée avait encore des répercussions en politique intérieure.

Dans une Europe stabilisée, la Grande Idée semble bel et bien avoir disparu, même si, des différends gréco-turcs à propos de zones frontières rappellent encore certaines revendications irrédentistes grecques. Mais, l'économie (pétrole ou pêche) est devenue la cause principale de ces disputes.

[modifier] Notes

  1. Voir par exemple l' Itinéraire de Paris à Jérusalem. de Chateaubriand, Édition Folio, 2005, p. 214-215.
  2. (en) R. Clogg, A Concise History of Greece, p. 10-14.
  3. Actes de la Société Archéologique d'Athènes, 1838, p. 26.
  4. R. Clogg, op. cit., p. 28.
  5. Jean-Yves Guiomar et Marie-Thérèse Lorain, «La carte de Grèce de Rigas et le nom de la Grèce », in Annales historiques de la Révolution française, Numéro 319.
  6. C. Tsoucalas, La Grèce de l'indépendance aux colonels, p. 13.
  7. G. Contogeorgis, Histoire de la Grèce., p. 352.
  8. in M. Terrades, Le Drame de l'hellénisme., p. 35-36.
  9. in R. Clogg, op. cit, p. 47.
  10. R. Clogg, op. cit., p. 60.
  11. C. Tsoucalas, op. cit., p. 16.
  12. R. Clogg, op. cit., p. 70.
  13. R. Clogg, op. cit, p.74-75.
  14. R. Clogg, op. cit, p. 83
  15. C. Tsoucalas, op. cit, p. 13.
  16. La France héroïque et ses alliés, Larousse, 1919, tome 2, p. 25-26 citant l'édition du 9 mars 1916 du journal Le Temps.
  17. La France héroïque et ses alliés, tome 2, p. 253.
  18. La France héroïque et ses alliés, tome 2, p. 253-254.
  19. La France héroïque et ses alliés, tome 2, p. 255.
  20. La France héroïque et ses alliés, tome 2, p. 258.
  21. R. Clogg, op. cit, p. 93.
  22. R. Clogg, op. cit, p. 94.
  23. C. Tsoucalas, op. cit, p. 27.
  24. R. Clogg, op. cit, p. 98.
  25. André Billy, La Grèce, Arthaud, 1937, p. 188.
  26. André Billy, op. cit., p. 191-192.
  27. R. Clogg, op. cit, p. 118.
  28. R. Clogg, op. cit, p. 153.
  29. R. Clogg, op. cit, p. 164.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • (en) Richard Clogg A Concise History of Greece, Cambridge UP, Cambridge, 1992 (ISBN 0-521-37-830-3).
  • Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Hatier, coll. « Nations d'Europe », 1992 (ISBN 2-218-03-841-2).
  • Marc Terrades, Le Drame de l'hellénisme. Ion Dragoumis (1878-920) et la question nationale en Grèce au début du XXe siècle, L'Harmattan, coll. « Études grecques », 2005 (ISBN 2-7475-7788-0).
  • Constantin Tsoucalas, La Grèce de l'indépendance aux colonels, Maspéro, Paris, 1970 (ISBN 0-140-52-277-8) (pour la version originale en anglais).

[modifier] Liens externes

Portail de la Grèce – Accédez aux articles de Wikipédia concernant la Grèce.
Cet article a été reconnu article de qualité le 2 novembre 2006 (comparer avec la version actuelle).
Pour toute information complémentaire, consulter sa page de discussion et le vote l'ayant promu.
Static Wikipedia 2008 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2007 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2006 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Sub-domains

CDRoms - Magnatune - Librivox - Liber Liber - Encyclopaedia Britannica - Project Gutenberg - Wikipedia 2008 - Wikipedia 2007 - Wikipedia 2006 -

Other Domains

https://www.classicistranieri.it - https://www.ebooksgratis.com - https://www.gutenbergaustralia.com - https://www.englishwikipedia.com - https://www.wikipediazim.com - https://www.wikisourcezim.com - https://www.projectgutenberg.net - https://www.projectgutenberg.es - https://www.radioascolto.com - https://www.debitoformtivo.it - https://www.wikipediaforschools.org - https://www.projectgutenbergzim.com