Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel
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Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel (en suédois : Sveriges Riksbanks pris i ekonomisk vetenskap till Alfred Nobels minne), dit « Prix Nobel d'économie », récompense chaque année des contributions exceptionnelles en économie. Il a été fondé en 1968 et doté par la Banque de Suède, à l'occasion de son 300e anniversaire. Il a été décerné pour la première fois en 1969.
C'est le seul prix géré par la Fondation Nobel qui n'a pas été fondé par le testament d'Alfred Nobel ; il suit les mêmes règles que les Prix Nobel. Comme eux, il est remis le 10 décembre par le roi de Suède ; comme les Prix de physique et chimie, il est décerné par l'Académie royale des sciences de Suède. En 2006, la partie monétaire du prix est de 10 millions de couronnes suédoises, soit environ un million d'euro.
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[modifier] Origine
L'idée d'un nouveau « Prix Nobel » vient de Per Åsbrink, gouverneur de la Banque de Suède (Sveriges Riksbank), la plus ancienne banque centrale du monde. Dans le cadre le la préparation du tricentenaire de la Banque, il crée une fondation pour la recherche, la Fondation du jubilé de la Banque de Suède (Riksbankens Jubileumsfond), et propose à son conseiller économique, Assar Lindbeck, ainsi qu'aux économistes Erik Lundberg et Gunnar Myrdal, de réfléchir à l'élaboration d'un prix[1].
La Banque contacte ensuite la Fondation Nobel, et l'Académie royale des sciences de Suède, qui était déjà responsable de l'attribution des prix de physique et chimie. Certains membres de l'Académie émettent des réserves quant à l'aspect suffisamment scientifique de l'économie, mais Lundberg et surtout Myrdal (qui sont également membres) finissent par convaincre l'Académie entière. En mai 1968, la banque centrale, la Fondation Nobel et l'Académie tombent d'accord sur les règles d'attribution du prix, et le bureau de la Banque centrale décide alors de le fonder officiellement.
Ces règles sont codifiées par le gouvernement suédois en janvier 1969.
Le premier comité est composé de :
- Bertil Ohlin (président du comité, Stockholm School of Economics),
- Erik Lundberg (Stockholm School of Economics),
- Ingvar Svennilson (Université de Stockholm),
- Herman Wold (Université d'Uppsala, Université de Göteborg), et
- Assar Lindbeck (Université de Stockholm).
[modifier] Choix des lauréats
Chaque année, l'Académie royale des sciences de Suède invite des personnalités qualifiées à envoyer leurs nominations. Ces personnes comprennent :
- les membres de l'Académie des sciences ;
- les membres du comité de sélection du prix ;
- les lauréats passés ;
- les professeurs titulaires dans les sujets concernés, en Suède, ainsi qu'au Danemark, en Finlande, en Islande, et en Norvège ;
- les professeurs titulaires de chaires correspondantes dans au moins six universités choisies chaque année par l'Académie ;
- d'autres chercheurs invités par l'Académie[2].
Deux à trois cent nominations sont envoyées, qui correspondent à une centaine de candidats distincts[3]. Les candidatures sont ensuite évaluées par un comité de cinq à huit membres (dont deux non-économistes), qui soumet son choix au département de sciences sociales de l'Académie pour approbation. L'Académie entière adopte la liste finale début octobre.
Comme pour les autres prix Nobel, un maximum de trois personnes peuvent partager le prix, et elles doivent être vivantes au moment de l'annonce[4].
[modifier] Un prix parfois contesté
Alors que l'attribution du Prix Nobel de la paix donne souvent lieu à des controverses quant au choix des lauréats, le Prix de la Banque de Suède est pour sa part essentiellement contesté pour sa pertinence même, en premier lieu parce que la correspondance d'Alfred Nobel ne fait jamais mention de son intention de récompenser cette discipline - ce que souligne notamment depuis 2001 Peter Nobel, son arrière-petit-neveu, ancien médiateur suédois à l'immigration et ancien président de la Croix-Rouge suédoise. Pour certains économistes, ces critiques ont aussi pour but de nier toute scientificité au discours économique[5].
Friedrich Hayek, représentant de la libérale École autrichienne d’économie et lauréat en 1974, a déclaré[6] par ailleurs que si on lui avait demandé son avis sur le prix, il aurait « fermement déconseillé » sa création. Gunnar Myrdal, son co-lauréat, a lui déclaré que le prix devait être aboli parce qu'il avait été remis à des « réactionnaires » comme Hayek[7].
Le choix des lauréats est lui aussi critiqué, pour avoir souvent favorisé des économistes « orthodoxes » (dont ceux de l'école de Chicago), ou américains. (Le Prix Nobel de physiologie ou médecine, où la domination américaine est encore plus marquée[8], ne subit curieusement pas ces critiques.)
Si, dans les premières années de son existence, le prix a récompensé des théoriciens de premier plan, il a également été critiqué pour avoir été attribué dans une discipline qui, une fois les grands économistes des années 1970 et 1980 recompensés, manquait peut-être de champ pour justifier la remise annuelle d'un prix supposé récompenser des avancées essentielles. Ainsi, selon un économiste anonyme du début des années 1980, « tous les grands sapins sont tombés, il ne reste que des arbustes.[9]. »
L'académie royale des sciences a décidé en 1995 d'étendre le champ d'application du prix, d'une part en modifiant la composition du comité de sélection (deux non-économistes sur les cinq à huit membres), d'autre part en acceptant les candidatures relevant des sciences politiques, de la psychologie, ou de la sociologie, ayant un impact sur l'économie. Ainsi, parmi les lauréats récents, Daniel Kahneman, Robert J. Aumann et Thomas C. Schelling ne sont pas économistes.
Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel reste toutefois un couronnement majeur pour la plupart des économistes, car la plus médiatisée des récompenses qui leur soit remise.
[modifier] Statistiques
[modifier] Répartition des Prix en fonction de la nationalité des lauréats au moment de la récompense (2006)
- États-Unis : 38 (65%)
- Royaume-Uni : 7(12%)
- Norvège : 3 (5%)
- Suède : 2 (4%)
- Canada : 1 (2%)
- Allemagne : 1 (2%)
- Inde : 1 (2%)
- France : 1 (2%)
- URSS : 1 (2%)
- Pays-Bas : 1 (2%)
- Israël : 1 (2%)
- Sainte-Lucie : 1 (2%)
[modifier] Nombre de récompenses (2006)
- Total des prix Nobel : 38
- Récompense individuelle : 21
- Récompense partagée à 2 : 14
- Récompense partagée à 3 : 3
- Total des économistes récompensés : 58
[modifier] Université d'affiliation des chercheurs au moment de la récompense (2002)
- Université de Chicago : 9
- Université de Berkeley : 4
- Université de Cambridge : 4
- Université Harvard : 4
- Université Columbia : 3
- MIT : 3
- Université de Stanford : 3
- Université d'Oslo : 2
- Université de Princeton : 2
- Université de Yale : 2
- Université de Bonn : 1
- Carnegie-Mellon (norvège) : 1
- New York University : 1
- École nationale supérieure des mines de Paris : 1
- Université de Fribourg-en-Brisgau : 1
- George Mason University : 1
- Institute for National Economic Management, Moscou : 1
- Netherlands School of Economic : 1
- Université d'Oxford : 1
- Université de la Pennsylvanie : 1
- Université de Stockholm : 1
- Stockholm School of Economic : 1
- Université Washington à Saint Louis : 1
[modifier] Liste des lauréats
Années 1960 - Années 1970 - Années 1980 - Années 1990 - Années 2000
[modifier] Années 1960
Année | Nom | Université | Domaines et commentaires |
---|---|---|---|
1969 | Ragnar Anton Kittil Frisch Norvège Jan Tinbergen Pays-Bas |
Université d'Oslo Netherlands School of Economics |
Macroéconométrie Frisch a introduit des données globales au système |
[modifier] Années 1970
Année | Nom | Université | Domaines et commentaires |
---|---|---|---|
1970 | Paul Samuelson États-Unis |
MIT | Équilibre général et partiel Pour ses travaux sur la théorie keynésienne du cycle et la combinaison du multiplicateur et de l'accélérateur dans l'oscillateur. |
1971 | Simon Kuznets États-Unis |
Harvard | Croissance économique et histoire économique Pour son élaboration de modèles économétriques et sa conceptualisation pour la comptabilité nationale. |
1972 | Sir John Hicks Royaume-Uni Kenneth Arrow États-Unis |
All Souls Oxford, Harvard | Théorie de l'équilibre général Pour leurs travaux sur l'économie du bien-être. |
1973 | Wassily Leontief États-Unis |
Harvard | Analyse input-output Pour ses travaux concernant les tableaux de relations industrielles. |
1974 | Friedrich Von Hayek Royaume-Uni Gunnar Myrdal Suède |
Albert-Ludwigs (Fribourg-en-Brisgau) New York |
Macroéconomie et économie institutionnelle Pour l'ensemble de leur œuvre. Friedrich Von Hayek a développé le monétarisme et perpétué la seconde École de Vienne, mais en s'opposant à Keynes. |
1975 | Leonid Kantorovich URSS Tjalling Koopmans États-Unis |
Moscou Yale |
Théorie de l'allocation optimale des ressources Pour leur contribution à la théorie de l'allocation maximale des ressources. |
1976 | Milton Friedman États-Unis |
Chicago | Macroéconomie Pour l'ensemble de ses travaux sur la théorie monétaire. Il est le chef de file de l'École monétariste de Chicago. |
1977 | Bertil Ohlin Suède James Meade Royaume-Uni |
Stockholm Cambridge |
Économie internationale Pour leurs travaux sur la théorie des relations internationales. |
1978 | Herbert Simon États-Unis |
Carnegie-Mellon |
Pour son travail sur le processus de décision au sein de l'organisation économique. |
1979 | Theodore Schultz États-Unis Arthur Lewis Sainte-Lucie |
Chicago Princeton |
Économie du développement Pour leurs travaux sur le développement économique. |
[modifier] Années 1980
Année | Nom | Université | Domaine |
---|---|---|---|
1980 | Lawrence Klein États-Unis |
Pennsylvania-Philadelphie | Macroéconomie Pour la construction de modèles économétriques de conjoncture et leur application à l'analyse de la politique économique. C'est un keynésien. |
1981 | James Tobin États-Unis |
Yale | Macroéconomie Pour son analyse des marchés financiers. |
1982 | George Stigler États-Unis |
Chicago | Organisation industrielle Pour ses théories sur l'économie du marché. |
1983 | Gérard Debreu États-Unis |
Berkeley |
Théorie de l'équilibre général et partiel Pour ses recherches qui ont permis d'introduire de nouvelles méthodes dans la théorie économique. Il a notamment reformulé l'équilibre économique général de Walras. |
1984 | Richard Stone Royaume-Uni |
Cambridge | Comptabilité nationale Pour ses travaux sur les différents systèmes de comptabilité nationale. |
1985 | Franco Modigliani États-Unis |
MIT | Macroéconomie Pour ses travaux sur l'épargne domestique et les marchés financiers. Il a développé l'"hypothèse du cycle de vie" et a démontré l'indépendance du passif sur la valeur d'une entreprise. |
1986 | James Buchanan Jr États-Unis |
Center for study of Public Choice (Faifax) | Finances publiques |
1987 | Robert Solow États-Unis |
MIT | Théorie de la croissance économique |
1988 | Maurice Allais France |
École nationale supérieure des mines de Paris | Théorie de l'équilibre général et partiel |
1989 | Trygve Haavelmo Norvège |
Oslo | Économétrie |
[modifier] Années 1990
[modifier] Années 2000
Année | Nom | Université | Domaine |
---|---|---|---|
2000 | James Heckman États-Unis Daniel McFadden États-Unis |
Chicago Berkeley |
Économétrie |
2001 | George Akerlof États-Unis Michael Spence États-Unis Joseph E. Stiglitz États-Unis |
Berkeley Stanford Columbia (New York) |
Travaux sur les marchés avec asymétrie d'information |
2002 | Daniel Kahneman États-Unis Vernon L. Smith États-Unis |
Princeton George Mason (Virginie) |
Travaux précurseurs en matière d'économie psychologique et expérimentale |
2003 | Robert F. Engle États-Unis Clive W. J. Granger Royaume-Uni |
Université de New York Université de Californie à San Diego |
Travaux ayant permis d'améliorer la fiabilité des prévisions économiques |
2004 | Finn E. Kydland Norvège Edward C. Prescott États-Unis |
Carnegie Mellon Université d'Arizona |
Macroéconomie |
2005 | Robert J. Aumann Israël Thomas C. Schelling États-Unis |
Université de Jérusalem Université du Maryland |
Théorie des jeux |
2006 | Edmund S. Phelps États-Unis |
Columbia University | Échanges intertemporels en politique macroéconomique |
[modifier] Voir aussi
Prix Nobel |
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Chimie • Littérature • Paix • Économie • Physique • Physiologie ou Médecine |
[modifier] Liens externes
[modifier] Les lauréats et leur biographie
- (en) Liste officielle des lauréats
- Fiches sur les lauréats réalisées par Problèmes économiques (La Documentation Française)
[modifier] Les controverses autour du prix
- Hazel Henderson, Prix Nobel d’économie - L’imposture, Le Monde diplomatique, Février 2005
- Bernard Girard, Le prix Nobel d'économie découvre l'audace, un article qui analyse la controverse.
- (en) Histoire du prix de la banque de Suède, controverses et statistiques
- (en) Les liens entre l'école de Chicago et le prix de la banque de Suède en économie
- (en) Yves Gingras, Beautiful Mind, Ugly Deception: The Bank of Sweden Prize in Economics Science, Post-autistic economics review, issue no. 17, 4 décembre 2002, article 4
- (en)} Sylvia Nasar The Sometimes Dismal Nobel Prize in Economics, The New York Times, 13 octobre 2001.
[modifier] Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d'une traduction de l'article en anglais : « Nobel Prize in Economics ».
- ↑ (en) Assar Lindbeck, The Prize in Economic Science in Memory of Alfred Nobel, Journal of Economic Literature, 23:1, mars 1985, pp. 37-56 lire en ligne sur JSTOR
- ↑ (en) Paul Walker, Sveriges Riksbank (Bank of Sweden) Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel lire en ligne
- ↑ (en)Assar Lindbeck, The Sveriges Riksbank (Bank of Sweden) Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel 1969-2004, lire en ligne
- ↑ En 1996, William Vickrey mourut trois jours après l'annonce de son prix, dont la remise fut posthume.
- ↑ Les Prix Nobel d'économie sur le site e-economie, 7 octobre 2005 lire en ligne
- ↑ (en) Samuel Brittan, The not so noble Nobel Prize, Financial Times, 19 décembre 2003 lire en ligne
- ↑ Samuel Brittan, ibid.
- ↑ Tyler Cowen, Poor U.S. Scores in Health Care Don't Measure Nobels and Innovation, New York Times, 5 octobre 2006, page C3
- ↑ "all the mighty firs have fallen. Now there are only bushes left.", dans : Sylvia Nasar, A Beautiful Mind, Simon & Schuster, New York, 1998, p. 368
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