Cause en droit civil français
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La cause de l'obligation est une notion centrale du droit des contrats français qui déborde largement du cadre strict des conditions de validité des contrats. D'où la nécessité de l'aborder sous tous ses aspects.
[modifier] Condition de validité des obligations
- art. 1108 c.civ. 4ème condition : "une cause licite dans les obligations"
- art. 1131 c.civ. "L'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet".
- art. 1132 c.civ. "La convention n'en est pas moins valable quoique la cause n'en soit pas exprimée" (preuve de la cause)
- art. 1133 c.civ. "La cause est illicite quand elle prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public".
[modifier] Les 3 fonctions de la cause
1 - Protection du consentement et de l'équilibre du contrat (contrats synallagmatiques)
2 - Protection de l'ordre social (cause illicite ou immorale)
3 - Qualification des contrats (théorie classique : la clause - mobile abstrait - étant la même pour chaque catégorie de contrat
[modifier] Les 2 conceptions de la cause
Parler de cause de l'obligation, c'est répondre à la question du pourquoi ? de l'engagement.
Pour la théorie classique, il s'agit du mobile abstrait de l'obligation.
Pour la théorie moderne, il faut prendre en compte les mobiles subjectifs.
[modifier] La théorie classique de la cause : cause objective
Cette théorie a été développée par Jean Domat (XVIIème siècle), reprise par Pothier (XVIIIème siècle) et c'est d'elle dont se sont inspirés les rédacteurs du Code Civil (1804). Elle vise à protéger le consentement.
[modifier] Origines de la théorie classique
[modifier] Le droit canon
Les canonistes ont fait une distinction entre la cause efficiente (qui produit des effets) et la cause finale (le but poursuivi).
Ils étaient inspirés de considérations d'ordre moral : le respect de la parole donnée nonobstant l'absence de formes (influence de la volonté et la nécessité que l'engagement soit raisonnable (qu'il y ait une "cause" : on ne s'engage pas sans raison) et que cette cause ne soit pas immorale.
[modifier] Le droit romain
La "causa" (cause efficiente) utilisée de façon subsidiaire en raison du formalisme.
[modifier] La cause objective de l'obligation
Pour Domat et la théorie classique, il s'agit du mobile abstrait de l'obligation sans qu'il y ait à tenir compte des raisons personnelles de l'engagement. Le juge n'a donc pas à sonder les consciences d'autant que dans cette conception la cause de l'obligation est la même pour chaque catégorie de contrat :
- contrats synallagmatiques : la cause est la contrepartie (l'avantage espéré par chaque partie) ce qui revient à énoncer :
"la cause de l'obligation de l'une des parties est l'objet de l'obligation de l'autre, et réciproquement"
- contrats réels : la cause est constituée par la remise de la chose, objet du contrat, par une partie et que celle qui l'a reçue s'oblige à restituer
- contrats à titre gratuit et libéralités : la cause est constituée par l'intention libérale (animus donandi).
- le contrat de cautionnement la jurisprudence a considérée à cet égard (il s'agit d'un contrat unilatéral) que la cause du cautionnement réside dans les prestations que le créancier doit fournir au débiteur principal, nonobstant la qualité de la caution et ses relations avec le débiteur principal (à moins qu'il n'en ait été stipulé autrement).
C'est dans cette mesure que la cause objective peut servir à qualifier les contrats.
[modifier] La critique anti-causaliste : thèses de Planiol
[modifier] La théorie de la cause est fausse
- Du point de vue de la logique formelle : les deux obligations réciproques d'un contrat synallagmatique ne peuvent se tenir mutuellement de cause : un effet est nécessairement postérieur à sa cause (si chaque obligation est l'effet de l'existence de l'autre, aucune d'elle ne peut naître).
- Dans les contrats réels (remise d'une chose, dépôt, prêt, gage) la prestation n'est pas la cause de l'obligation de restitution au créancier : la prestation est le fait générateur de l'obligation et non pas sa cause au sens de cause finale.
- Dans les libéralités, l'intention libérale (animus donandi) contribue uniquement à la qualification du contrat (à titre gratuit). Du point de vue de la validité la cause est une notion vide de sens : force est de scruter les motifs (la cause subjective) pour annuler une clause illicite ou immorale.
[modifier] La théorie de la cause est inutile
- Dans les contrats synallagmatiques l'absence de cause du moment de la formation du contrat ou une cause illicite et/ou immorale fait double emploi avec la notion d'OBJET - du contrat ou de l'obligation.
- Si l'objet du contrat est illicite ou immoral (pacte sur succession future)
- si l'objet de l'obligation est illicite ou immoral (vente d'un animal contagieux)
[modifier] réfutation des critiques anti-causalistes
[modifier] la théorie de la cause n'est pas fausse
- La cause du contrat synallagmatique n'est pas le fait générateur, la cause finale n'est pas l'obligation de l'autre - la cause doit précéder l'effet et deux phénomènes ne peuvent être générateurs l'un de l'autre - c'est l'avantage escompté des obligations réciproques (le but poursuivi par les deux parties).
- Pour les contrats réels les anti-causalistes confondent cause finale et cause efficiente - le but et l'origine - alors qu'une même prestation peut être à la fois le fait générateur et la cause d'une obligation : la formation du contrat de prêt suppose la remise de la chose prêtée que l'emprunteur s'engage à restituer parce qu'elle lui a été remise.
[modifier] la théorie de la cause est utile
- elle explique le contrat synallagmatique, les obligations réciproques : l'obligation de l'un a pour obligation de l'autre (nullité si objet impossible ou illicite, si la cause de l'obligation est absente ou fausse).
- elle est distincte de l'objet : si dans un contrat synallagmatique l'objet de l'obligation d'une partie fait défaut ou est illicite alors que l'obligation de l'autre a un objet valable, seule la notion de cause (et sa réciprocité) permet de justifier la nullité de l'entier contrat.
- Le juge peut contrôler la justification du consentement (contrôle limité à l'existence et au caractère licite de la cause objective mais non aux mobiles : cause subjective).
Mais s'agissant de Libéralités, la cause objective est nécessairement l'intention libérale : si celle-ci existe il ne peut y avoir absence de cause objective, d'où l'intérêt de recourir à la cause subjective - les mobiles - dès lors que la cause est illicite, immorale ou contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs...
[modifier] la théorie subjective de la cause
Planiol avait toutefois raison en ce qui concerne la cause illicite ou immorale puisque la cause objective ne permet pas de scruter les mobiles.
La 'théorie subjective de la cause' vise la protection de l'ordre social (public et/ou moral).
Elle a été exposée en 1920 d'une part par Capitant et d'autre part Jacques Maury.
[modifier] origines de la théorie subjective
Capitant remonte à la théorie des Canonistes mais il retrouve une notion totalement différente de Domat : l'engagement devait être causé mais aussi légitime et honnête. Les auteurs du XIXème siècle disaient : la cause de chaque obligation est l'obligation assumée par le cocontractant ; pour Capitant c'est l'exécution de cette obligation, chacun ne s'engage pas uniquement pour que l'autre s'engage mais surtout pour que l'autre exécute son engagement.
Pour Capitant comme pour Maury, la cause a un rôle dynamique dans l'acte juridique : c'est la volonté des parties qui engendre des obligations et modifie les relations, les patrimoines, etc.
Si l'on postule que la cause doit être licite et morale force est de s'intéresser aux mobiles : aux raisons subjectives de l'engagement.
Mais n'importe quel mobile n'est pas susceptible d'être une cause au sens juridique :
- il faut que le mobile ait fait partie du champ contractuel (un contrat ne peut être annulé que si les deux cocontractants ont convenu du mobile illicite ou immoral dans leur convention).
- il faut que ce mobile ait été déterminant de leur consentement (qu'en son absence un accord n'aurait pas eu lieu)
(on retrouve là des conditions et une formulation voisines de celles relatives à l'erreur subjectives (qualité substantielle ou essentielle) qui sont une des conséquences de l'autonomie de la volonté)
[modifier] Unité de la notion de cause
C'est à Jacques Maury que l'on doit d'avoir souligné que sous ses deux aspects - cause OBJECTIVE et cause SUBJECTIVE - il s'agit toujours d'une même notion : celle qui justifie le pourquoi de l'engagement.
Comme Domat avait systématisé la notion de cause (objective) selon les différents contrats, Jacques Maury systématise la fonction de la cause :
- la cause apparaît sous son aspect objectif dans sa fonction de protection individuelle (du consentement) ;
- la cause apparaît sous son aspect subjectif dans sa fonction de protection sociale de l'ordre public et des bonnes mœurs (stricto sensu) et de l'ordre public économique (lato sensu).
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