Principe de légalité
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En droit pénal, le principe de légalité des délits et des peines dispose qu'on ne peut être condamné pénalement qu'en vertu d'un texte pénal précis et clair (en latin, Nullum crimen nulla poena sine lege). On y inclut également le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et la rétroactivité de la loi pénale plus douce.
Ce principe a été notamment développé par le pénaliste italien Cesare Beccaria au XVIIIe siècle.
Sommaire |
[modifier] Protection du principe
[modifier] Protections internationales
[modifier] Organisation des Nations unies
- Le principe est exposé à l'article 11, al.2 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 : Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.
- Il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'un texte d'application directe, donc non-invocable devant les juridictions.
Ce principe se retrouve à l'article 15, alinéa 1, du Pacte du 16 décembre 1966 relatif aux droits civiques et politiques (pacte de New York), ratifié par la France le 4 novembre 1980: " Nul ne sera condamné pour des actions ou des omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises."
[modifier] Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme
- Article détaillé : Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
La Convention est la seule convention des droits de l'homme dont l'effectivité soit juridiquement garantie par une juridiction européenne, la Cour européenne des Droits de l'Homme.
L'article 7, alinéa 1 de la convention énonce ainsi le principe de la légalité pénale :
Cette stipulation fait référence au « droit national » plutôt qu'à la « loi nationale », pour être notamment compatible avec les systèmes de common law.
[modifier] Protection nationale
[modifier] Statut constitutionnel
Dans de nombreux pays, le principe de légalité a valeur constitutionnelle.
- en Allemagne, l'article 103, al. 2 de la Loi fondamentale : Un acte n'est passible d'une peine que s'il était punissable selon la loi en vigueur avant qu'il ait été commis ;
- aux États-Unis, le Ve amendement à la constitution (repris par le XIVe) : nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner contre lui-même, ni être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière (notion de due process) ainsi que l'interdiction des lois rétroactives à l'article I, section 10, alinéa 1.
[modifier] Cas particulier de la France
En France, l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, intégrée à la constitution : nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Le Conseil constitutionnel précise qu'il résulte de ces dispositions l'obligation pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire (décision n°80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, Sécurité et liberté).
Note : en droit français, depuis la Constitution de 1958, (voir ce texte de la Cinquième République, articles 34 et 37) seuls le crime et le délit sont définis par la loi, la contravention comme sa sanction sont définies par voie réglementaire. Le Conseil constitutionnel a cependant imposé que toute peine privative de liberté soit définie par la loi. Que la norme soit d'origine règlementaire ou législative ne change de toute façon pas l'application du droit
[modifier] Histoire et contenu du principe
[modifier] Origine historique
Le principe de légalité est appliqué probablement depuis des temps fort anciens. Il n’a cependant été identifié et conceptualisé qu’au siècle des lumières ; il est généralement attribué à Cesare Beccaria.
Il acquiert une existence juridique à la révolution française.
Le principe de légalité est initialement compris comme une garantie contre l’arbitraire du pouvoir judiciaire : « Dieu nous garde de l’équité des parlements » (étant entendu qu'à l'époque les parlements étaient des organes juridictionnels).
Le principe de légalité donne le pouvoir de définition des infractions et des peines au parlement. Cette attribution correspond à la foi parlementariste des révolutionnaires : le parlement, exprimant la volonté générale, ne peut mal faire ; c’est à lui que doit être confiée la sauvegarde des libertés.
Cette vision diffère beaucoup de l’approche anglo-saxonne, et plus particulièrement nord-américaine, dans laquelle le juge est perçu comme le protecteur des citoyens contre le pouvoir étatique et ses dérives tyranniques.
[modifier] Evolution du principe : de la légalité formelle à la légalité matérielle
La première définition de la légalité est donc une définition formelle : le droit pénal doit émaner du parlement.
Ce principe peut être appelé principe de textualité depuis que la constitution de 1958 a attribué une compétence pénale au pouvoir exécutif.
Le principe de légalité formelle interdit bien sûr au juge d’inventer une infraction ou d’en étendre le champ d’application : Crim. 3 juin 2004 qui casse l’arrêt appliquant l’abus de bien sociaux, qui ne concerne que les dirigeants de certaines sociétés, au dirigeant d’une société étrangère.
Ce principe de légalité formelle interdit au législateur de renvoyer au pouvoir réglementaire la définition d’une infraction ou d’une peine. Ainsi dans sa décision sur la loi RESEDA en 1998 le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui prévoyait que ne pourraient être poursuivies pour aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière les associations humanitaires figurant sur une liste dressée par le ministre de l’intérieur. En effet, cette disposition faisait dépendre l’application de la loi pénale d’une décision du pouvoir exécutif. Cette disposition n’était pourtant pas liberticide, au contraire. Le résultat de cette censure a été l’absence d’immunité pénale pour les associations. A noter : dans sa décision sur la loi « Perben II » le Conseil a, par une réserve d’interprétation, exclut les associations humanitaire d’aide aux étrangers du champ d’application du délit de bande organisée.
Le principe de légalité formelle n’a pu être repris dans la Convention EDH : il est incompatible avec les systèmes de common law. C’est pourquoi l’article 7 de la convention pose un principe de « juridicité » : l’infraction doit être prévue par le droit pénal en vigueur au moment des faits.
Ce n’est pas tant l’existence de la loi qui intéresse la Cour, que la sécurité juridique du justiciable. Le droit pénal doit être accessible et prévisible, comme le soulignait déjà Portalis au début du XIXe siècle : « Le législateur ne doit point frapper sans avertir : s’il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait donc pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux. »
Ces « qualités » de la loi pénale ont été dégagées par la Cour dans son arrêt Sunday Times de 1979.
Le Conseil constitutionnel a repris l’exigence de prévisibilité, qui impose une certaine précision de la loi pénale, dans sa décision du 18 janvier 1995 (censure du délit de malversation faute de définition de la malversation).
La prévisibilité de la loi pénale a été précisée dans l’arrêt Cantoni c/ France de 1996. M. Cantoni était poursuivi par l’état français pour exercice illégal de l’activité de pharmacien. Il se prévaut devant la Cour du manque de clarté de la définition française du médicament, qui violerait selon lui l’article 7 de la Convention EDH. La Cour européenne se montre alors très souple dans son appréciation du respect de la prévisibilité pénale : la loi est nécessairement générale et abstraite, elle comporte donc nécessairement une certaine imprécision. La notion de « droit » de l’article 7 englobe le droit d’origine tant législative que prétorienne, et implique des conditions qualitatives, entre autres celles d’accessibilité et de prévisibilité (§ 29). La portée de la notion de prévisibilité dépend du contexte et des destinataires ; la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va ainsi spécialement des professionnels (…).
On s’aperçoit que la Cour européenne n’est pas très exigeante en ce qui concerne la prévisibilité du droit pénal, qui pourrait pourtant sembler un élément clef de la protection des citoyens contre l’arbitraire de l’état.
L’intégration de la jurisprudence dans les critères déterminant la prévisibilité de la norme pénale a été adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 (« perben II ») : le Conseil considère que la notion de « bande organisée » est suffisamment précise pour respecter le principe de légalité dans la mesure où il a été défini par la jurisprudence passée avec une grande précision.
Cette décision marque une évolution importante de la pensée juridique française, dans la mesure où elle pourrait mettre fin au dogme selon lequel le juge pénal ne fait qu’appliquer la loi, en reconnaissant officiellement son pouvoir normatif : le Conseil semble bien intégrer dans la définition légale les éléments dégagés par les juges.
La Cour de cassation, qui applique la Convention européenne, a appliqué les critères de qualité de la loi notamment pour refuser d’appliquer le délit de publications des « circonstances » de certains crimes ou délits, suite à la publication des photos des victimes de l’attentat du RER Saint-Michel (crim. 20 février 2001). En effet, le terme « circonstances » est trop imprécis pour que la loi soit prévisible. A noter : la loi du 15 juin 2000 a modifié cette incrimination, mais n’a pas précisé la définition des « circonstances » : la solution doit rester valable.
Le principe de légalité, formel ou matériel, ne serait rien sans ses corollaires : le principe d’interprétation stricte et la non-rétroactivité pénale. En effet, où serait la sécurité juridique si des lois, votées par le parlement, et très précises, venaient régir des situations antérieures à leur publication ou étaient étendues par les juges à des cas qu’elles ne visent pas ?
[modifier] Premier corollaire de la légalité : interprétation stricte de la norme pénale
Article 111-4 du Code pénal : « La loi pénale est d’interprétation stricte »
L’interprétation stricte peut se définir comme « Rien que la loi pénale, mais toute la loi pénale ».
Le principe de l’interprétation stricte s’oppose à l’interprétation analogique, qui consiste à étendre une règle de droit d’une situation prévue par elle à une situation voisine.
Ce principe s’oppose également à l’interprétation restrictive, qui ferait échapper à la loi pénale des cas prévus par le législateur.
La prohibition de ces deux modes d’interprétation n’est pas comparable : l’interprétation analogique viole ouvertement la prévisibilité de la loi pénale et la sécurité juridique. L’interprétation restrictive ne contrarie que la séparation des pouvoirs, dans un sens favorable aux intérêts de la personne poursuivie.
Cependant, comme l’a fait remarquer la Cour européenne dans l’arrêt CANTONI, une loi est nécessairement imprécise et son contenu exact doit être déterminé par le juge. Le Juge pénal possède donc un pouvoir d’interprétation, mais cette interprétation doit être stricte, c'est-à-dire s’en tenir au texte et aux conséquences qu’une personne moyennement informée peut en déduire, sans quoi il viole le principe de prévisibilité.
La détermination de l’étendue du pouvoir d’interprétation du juge est délicate.
Il est par exemple admis que, face à un texte clair et précis, le juge est lié par la lettre du texte ; et qu’il peut se référer à la volonté du législateur lorsque le texte manque de précision.
Un célèbre décret de 1917 interdisait aux voyageurs de « descendre des trains ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté », ce qui, littéralement, oblige les voyageurs à sauter du train en marche. Par arrêt du 8 mars 1930, la Cour de cassation a approuvé la condamnation d’un voyageur qui était descendu d’un train en marche, considérant qu’il fallait redonner au texte son sens évident. Il s’agit d’une interprétation téléologique, stricte, d’un texte pourtant clair et précis.
L’interprétation stricte a imposé la création du délit de filouterie, qui consiste à se faire servir une prestation (aliments, carburant) en ayant l’intention de ne pas la régler. En effet, la soustraction n’est pas frauduleuse puisqu’il y a remise volontaire de la chose par le propriétaire, et il n’y a pas de manœuvres constitutives d’escroquerie. Elle a également imposée la création de l’abus de biens sociaux, après le scandale « Stavisky » qui, dans les années 20-30 a montré les limites de l’incrimination d’abus de confiance.
La limitation du pouvoir d’interprétation du juge pose problème face au progrès techniques, des situations non prévues par le législateur pouvant apparaître.
La question s’est ainsi posée de savoir si la soustraction frauduleuse d’électricité était un vol au sens du Code pénal, c'est-à-dire la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Par arrêt en date du 3 août 1912 (distribué), la Cour de cassation a considéré que l’électricité est bien une chose susceptible d’appréhension et pouvant dès lors faire l’objet d’un vol. Cette interprétation était très contestable dans la mesure où l’électricité n’a aucune matérialité et qu’il est admis que le vol ne peut concerner que des meubles corporels. La Cour de cassation a été démentie dans son analyse par le nouveau code pénal, 80 ans plus tard, qui a ajouté après l’article 311-1 sur le vol, un article 311-2 qui expose que la soustraction frauduleuse d’énergie est assimilée au vol. Ce qui signifie bien qu’elle n’en est pas un.
La question du vol d’information a renouvelé ce débat avec le développement de l’informatique. La Cour de cassation a rendu un arrêt de principe le 8 janvier 1979 dans une affaire de vol par photocopie (arrêt dit LOGABAX, distribué). Dans cette affaire, un salarié était poursuivi pour vol des documents appartenant à son employeur, auxquels il avait normalement accès dans le cadre de son emploi. Il avait simplement réalisé des photocopies des documents, sans emporter les originaux. La Cour considère qu’au moment où le salarié photocopie les documents, contre l’intérêt de son employeur, il se comporte comme le propriétaire de ces documents, et qu’il y a donc soustraction juridique (à défaut de soustraction matérielle).
La solution a été appliquée à la copie de documents présents sur une disquette.
Le vol d’information est appréhendé par le biais de la soustraction su support des informations, artifice juridique d’autant plus contestable que les faits correspondent en réalité à l’infraction d’abus de confiance.
La chambre criminelle s’est encore fait remarquée par une interprétation très contestable de l’incrimination de viol le 16 décembre 1997 : l’article 222-23 incrimine comme viol « tout acte de pénétration sexuelle commis sur la personne d’autrui par violence (…) ». Sans doute dans un souci d’égalité des sexes, la Cour a considéré dans cette arrêt que l’incrimination de viol pouvait être retenue dès lors qu’une pénétration sexuelle était imposée, qu’il s’agisse de la pénétration de la victime par l’agresseur où de l’inverse. Cette interprétation, manifestement contraire à l’article 222-23 qui vise la pénétration d’autrui, a été abandonnée dès 1998.
Une application retentissante du principe de l’interprétation stricte a été faite le 30 juin 1999 par la Cour de cassation, refusant d’appliquer l’infraction d’homicide involontaire à l’enfant à naître. La jurisprudence antérieure, des juges du fond, était contradictoire mais semblait dégager un critère, à savoir la viabilité du fœtus. Cette jurisprudence a été confirmée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui, le 29 juin 2001, a précisé que « la protection de l’enfant à naître relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus ». Jurisprudence appliquée, a contrario, le 2 décembre 2003, par la condamnation de l’auteur de l’homicide lorsque l’enfant a vécu une heure après sa naissance.
Une incongruité est à relever : les arrêts refusant la condamnation de l’auteur de l’interruption involontaire de grossesse étaient rendus par cassation sans renvoi ; un dernier arrêt, du 4 mai 2004, pose quant à lui le principe selon lequel « l’enfant n’étant pas né vivant, les faits ne sont susceptibles d’aucune qualification pénale » - ce qui paraît étrange, dans la mesure où, si l’enfant n’est pas considéré comme une personne protégée par le Code pénal, la mère a été victime d’une infraction de violence involontaire. Cette volonté de couper court à tout débat, au risque de violer les droits de la mère, indiquerait que ces décisions sont plus politiques que juridique.
Il n’est pas sûr que l’interprétation stricte ait quelque chose à voir avec ces décisions.
N.B. : cedh 8 juillet 2004 : l’interruption brutale de la grossesse de la demanderesse n’entre pas dans le champ de l’article 2 (droit à la vie), la Cour refusant de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est une « personne » au sens de l’article 2, et la requérante n’étant pas privée de tout recours (poursuites pénales pour blessures involontaires sur la personne de la mère, recours administratif…).
Bien entendu, le principe d’interprétation stricte, corollaire du principe de légalité, a pour objet de protéger l’individu contre l’arbitraire et l’imprévisible : il ne s’applique pas aux interprétations favorables aux accusés.
[modifier] Second corollaire du principe de légalité : application de la loi pénale dans le temps
Les règles générales d’entrée en vigueur des lois figurent à l’article 1er du Code civil : jusqu’au 1er juin 2004, cet article disposait : « la promulgation faite par le Roi sera réputée connue dans le département de la résidence royale un jour après celui de la promulgation ; et dans chacun des autres département, après l’expiration du même délai, augmenté d’autant de jours qu’il y aura de fois 10 myriamètres (environ 20 lieues anciennes) entre la ville où la promulgation en aura été faite, et le chef lieu de chaque département ». Cette règle était contrariée par un décret du Gouvernement de la défense nationale à Paris, en date du 5 novembre 1870, qui prévoyait que les lois deviennent obligatoires à Paris un jour franc après promulgation, et partout ailleurs un jour franc après que le JO soit parvenu au chef lieu de l’arrondissement.
Depuis le 1er juin 2004, les règles sur la publication électronique des lois ont modifié l’article 1er du Code civil : sauf disposition spéciale contraire, la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au JO.
La date d’entrée en vigueur étant établie, se pose la question, en droit pénal, de savoir quels faits peuvent être régis par la nouvelle loi.
[modifier] La non rétroactivité de la loi pénale plus sévère
En droit civil, on considère que les situations contractuelles sont régies par la loi en vigueur le jour de la conclusion du contrat, tandis que les situations délictuelles sont régies par la loi en vigueur au jour du procès, c’est le principe d’application immédiate, qui avoisine à la rétroactivité.
Le refus de toute rétroactivité en droit pénal est une exigence fondamentale des systèmes libéraux. Cette non-rétroactivité figure en bonne place dans la ddhc, article 8 : « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ».
Elle est reprise par Portalis : « la loi qui sert de titre à l’accusation doit être antérieure à l’action pour laquelle on accuse ».
La Cour de cassation a eu l’occasion d’appliquer ce principe dans des conditions très contestables le 17 juin 2003 : la qualification de « crime contre l’humanité » n’existant pas à l’époque des faits, les crimes de torture commis pendant la guerre d’Algérie bénéficient de l’amnistie du 31 juillet 1968. Cette application est contestable parce que l’hypothèse du crime contre l’humanité est justement visée par la Convention européenne comme l’une des exceptions au principe de non-rétroactivité ; et parce que les règles notamment d’imprescriptibilité qui y sont attachées visent justement à la poursuite des faits passés. Dans l’avenir, il est probable que de tels crimes soient dénoncés dans un délai de dix ans qui rend cette imprescriptibilité inutile. La Cour de cassation avait d’ailleurs admis la rétroactivité de l’imprescriptibilité de ces crimes dans l’affaire Barbie jugée le 26 janvier 1984.
La règle de la non-rétroactivité ne vaut que pour le droit pénal « de fond » (droit pénal général ou spécial), et non pour la procédure. En effet, le droit pénal de fond fixe les limites de la liberté individuelle ; il est donc essentiel que chaque citoyen puisse, à tout moment, connaître les limites de sa liberté sans être par la suite surpris dans ses prévisions par une loi rétroactive. Au contraire, il n’existe pas de droit à une procédure, et l’état est en principe libre de fixer les règles de fonctionnement du système judiciaire.
Le principe de non-rétroactivité pénale, découlant du principe de légalité, a vocation à s’appliquer à toutes les nouvelles lois. Il n’est cependant impératif que pour les lois défavorables à l’accusé, comme on l’a déjà expliqué à propos de l’interprétation stricte.
En outre, un principe concurrent s’applique aux lois pénales plus douces : le principe de rétroactivité in mitius, corollaire du principe de nécessité des délits et des peines.
[modifier] La rétroactivité des lois plus douces ou rétroactivite in mitius
Le principe de nécessité figure à l’article 8 de la ddhc : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le Conseil constitutionnel exerce en cette matière un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation. Il a ainsi censuré le 3 septembre 1986 la loi qui assimilait l’aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière à des actes de terrorisme.
Le principe de nécessité impose l’application rétroactive des lois plus douces. Comment en effet prétendre qu’il est nécessaire d’appliquer une peine à tel acte alors que cet acte n’est plus considéré aujourd’hui comme troublant l’ordre social ? En principe cette rétroactivité entraîne l’application immédiate de la nouvelle loi aux infractions non encore définitivement jugées. Cette application peut même être un motif d’annulation pour la Cour de cassation.
Par exemple : Crim. 6 janvier 2004 applique la loi du 26 novembre 2003 qui interdit de prononcer la peine d’interdiction du territoire français aux étrangers venant en France pour des motifs médicaux.
En ce qui concerne les infractions définitivement jugées, en principe l’intervention d’une nouvelle loi plus douce n’est pas un motif de révision du procès. Pourtant, l’article 112-4 du Code pénal prévoit qu’en cas de disparition de l’incrimination, la peine cesse de recevoir exécution (sans que le principe de la condamnation disparaisse). Cet article 112-4 est encore une application du principe de nécessité des peines. On peut se demander si ce mécanisme ne devrait pas également s’appliquer en cas de diminution du maximum légal : la personne condamnée à une peine supérieure au nouveau maximum ne purge-t-elle pas une peine non nécessaire ?
[modifier] Exceptions
[modifier] Exceptions au principe de non rétroactivité
Des exceptions au principe de non-rétroactivité de la loi pénale sont admises, de façon fort contestable, par la Cour de cassation.
Il s’agit, tout d’abord, des lois expressément rétroactives. Comment une disposition légale peut-elle contrarier une norme constitutionnelle et conventionnelle ? La validité des lois expressément rétroactives est pourtant acceptée par la Cour de cassation, sauf s’il s’agit d’une immixtion dans un procès en cours, constitutive d’une rupture de l’égalité des armes et d’une violation de la séparation des pouvoirs.
Il s’agit également des lois interprétatives. Le raisonnement juridique veut que, la loi interprétative ne venant pas modifier le droit, elle s’incorpore à la loi interprétée et s’applique comme elle (ex : crim. 23 janvier 1989). Comment une loi imprécise, puisqu’elle nécessite une interprétation législative, contraire à l’article 7 de la Convention EDH, pourrait-elle s’appliquer en raison d’un choix du législateur ? C’est encore une violation flagrante de la hiérarchie des normes.
Le statut des revirements de jurisprudence est ambigu : en droit interne, il semble que les revirements soient rétroactifs : Crim. 30 janvier 2002 : « en l’absence de modification de la loi pénale, et dès lors que le principe de non rétroactivité ne s’appl