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Notion de module

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Un module est une mesure conventionnelle adoptée pour régler les diverses proportions d'un ensemble (construction, machine...). Il correspond à la plus petite commune mesure que doivent posséder les dimensions des éléments entrant dans la composition de cet ensemble pour qu’ils puissent se superposer, se combiner et se juxtaposer sans retouches. En grec, le module est désigné par τόυος, le ton ; l’origine latine modulus indique la cadence, la mesure. Le terme peut également être employé dans le sens d'étalon ou encore de calibre ; par extension il désigne aussi un élément constitutif d'un ensemble.

S’il est difficile de connaître précisément l’origine de cette notion qui n’est pas simple à concevoir, sa constance à travers les époques, sous des formes variables, invite à l’étudier.

Sommaire

[modifier] Principe du module

Soit M le module, unité de mesure conventionnelle. A partir de M, on détermine différentes dimensions Di d’un ensemble. Pour Vitruve, le rythme modulaire comprend [1]

  • les symetriae : Di = ni . M

Par exemple, dans l’ordre dorique, l’entablement vaut 3,5 modules, celui-ci correspondant au demi-diamètre des colonnes qui se mesure à la naissance du fût.

  • les proportiones : Di/Dj = M

Par exemple dans l’ordre dorique, « l’entablement est à la colonne comme 1 à 4 »

Lorsque M = \varphi (Nombre d'Or), les deux grandeurs Di et Dj sont dites dans la

Les engrenages nécessitent un module pour leur dimensionnement
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Les engrenages nécessitent un module pour leur dimensionnement

divine proportion.

Par suite il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on appelle module, le rapport de deux grandeurs, comme pour caractériser des propriétés physiques ou mécaniques :

  1. Quotient du diamètre primitif par le nombre de dents = module d’un engrenage
  2. Rapport entre la pression qui s’exerce sur un corps et la diminution du volume unitaire qui en résulte = module de compressibilité
  3. Débit moyen annuel (litre/seconde) par km2 = module spécifique ou relatif d’un bassin hydrographique
  4. Contrainte mécanique σ qui engendrerait un allongement \varepsilon de 100% de la longueur initiale d'un matériau = module de Young E tel que \sigma = E \varepsilon qui caractérise la rigidité d’un matériau
  5. Diamètre comparatif = module des médailles ou monnaies

Il n'y a rien d'étonnant non plus de retrouver ce terme associé à un élément constitutif d'un ensemble (module lunaire, module de commande, module d'une formation, etc.)

[modifier] Le Doryphore de Polyclète

Statue du diadumène
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Statue du diadumène

En sculpture, le canon est un ensemble de règles servant à déterminer les proportions idéales du corps humain .

La théorie du canon de Polyclète est l’une des bases du classicisme grec : il l’appliqua à ses statues viriles comme Diadumène et Doryphore avec laquelle Polyclète avait entrepris de démontrer, par une « statue dont toutes les parties seraient entre elles dans une proportion parfaite », quels sont les rapports de grandeur dans lesquels la nature a placé la perfection des formes humaines. Il atteignit si bien son but que la statue qu'il donna comme exemple et comme modèle fut considérée comme un chef d'œuvre incontestable. Dans cette œuvre, la tête entre au total sept fois dans le corps, deux fois entre les genoux et les pieds, deux fois dans la largeur des épaules et deux fois dans la hauteur du torse.

[modifier] Les mécaniciens grecs : de l'établissement des proportions au module

Principe de filiation entre ingénieurs de l'Antiquité
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Principe de filiation entre ingénieurs de l'Antiquité

[modifier] La genèse d’un corpus technique

Si on se perd en conjectures sur l’origine de la technique, l’origine de la technologie semble correspondre à l’avènement du traité qui suppose un début de rationalisation pour transmettre un savoir-faire. A partir du VI e siècle avant J.C s’établit une filiation, une tradition qui permet de transmettre l’acquis technique d’une génération à l’autre. Dans ce schéma, les savoir-faire individuels sont progressivement intégrés dans un corpus qui devient accessible à tous.

[modifier] La formation de l’esprit technique

Dans La formation de l’esprit scientifique, Gaston Bachelard distingue trois étapes décisives qui peuvent s’appliquer peu ou prou aux techniques grecs [2] :

  1. L’étape primitive dans laquelle les observations ne peuvent conduire à rien car elles butent sur des difficultés insurmontables
  2. L’étape intermédiaire dans laquelle on a su distinguer des éléments fondamentaux. C’est précisément l’étape qui permet de dégager soit un module pour la construction, soit une formule applicable.
  3. L’étape décisive dans laquelle le fait technique est relié à un système scientifique abstrait. La science grecque sera essentiellement axiomatique et ne permettra pas d’accéder au rêve des mécaniciens de lui donner une véritable formulation mathématique.

[modifier] Les tours de Diadès

Diadès fut élève de Polyeidos et ingénieur d’Alexandre le Grand. Il composa un traité de machines de guerre aujourd’hui perdu et se donna comme l’inventeur de tours transportables ainsi que de divers engins tels le trépan, le corbeau, le pont volant [3]. Les tours étaient de hauteur variable et constituées de plusieurs étages bordés d’un chemin de ronde, et dont la hauteur allait en diminuant. La tradition affirme qu’on prenait soin de conserver toujours les mêmes proportions de dimension, de matériaux dans les tours de différentes hauteurs. Après « expérience » et réflexions, on était donc arrivé à des notations chiffrées, applicables à tous les cas. Pour chaque machine on possédait des tables de proportions qu’il fallait suivre rigoureusement : c’est là la première utilisation connue du principe du module.

[modifier] Philon d’Athènes et les proportions des temples

Philon d'Athènes vivait à la fin du IVe siècle. D’après Vitruve, il aurait travaillé au temple de Cérès et de Proserpine, à Eleusis [4]. Il aurait écrit un traité de poliorcétique et un traité sur les proportions des temples aujourd’hui perdu et dont on retrouve la mention dans l’œuvre de Vitruve.

[modifier] La vis d’Archimède

Vis d'Archimède utilisée pour pomper de l'eau
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Vis d'Archimède utilisée pour pomper de l'eau

Né et mort à Syracuse, Archimède n’appartient pas au sens strict à l’école d'Alexandrie dont il est pourtant proche tant par les problèmes étudiés que par les méthodes employées. A l’époque de l’auteur, la vis d'Archimède existait probablement depuis longtemps et l’attribution à Archimède est due à un commentaire erroné de Commandin au XVIe siècle.

Ce mécanisme nous fournit un autre exemple de l’utilisation du module par les mécaniciens grecs : dans la construction de la vis, on doit respecter des proportions qui sont énoncées sur la base d’un module qui, ici, est la longueur de la vis [5]. Le diamètre de la vis représente 1/16e de module, le pas de l'hélice 1/8e, le diamètre du cylindre enveloppe est égal au pas de l’hélice. L’inclinaison de l’ensemble doit être de 3 hauteurs pour 4 de base ce qui représente le triangle pythagoricien[6]

[modifier] Philon de Byzance et les machines de jet

Philon de Byzance, qui vécut à Alexandrie et à Rhodes, est le premier mécanicien dont l’œuvre nous soit en grande partie parvenue. Son traité des machines de jet montre clairement l’évolution vers l’artillerie névrobalistique. Il nous apprend que les premiers ingénieurs qui s’occupèrent de perfectionner ces machines n’agirent que par empirisme car « les anciens avaient seulement conçu la forme et la disposition générale de ces machines, ils n’obtenaient pas de portées remarquables parce que les proportions qu’ils utilisaient n’étaient pas bien adaptées. Leurs successeurs, enlevant de-ci, ajoutant de-là, ont rendu ces instruments harmonieux et efficaces »

Ces premiers techniciens n’avaient pas ce que Philon de Byzance appelait l’élément premier et qui permettait de déterminer les dimensions de chacune des pièces de la machine, lui assurant ainsi les proportions les meilleures. Ainsi apparaissent des éléments fondamentaux mesurables, comptabilisables et qui représentent la base d’une conceptualisation. On assiste alors au passage de la machine exceptionnelle à la machine rationnelle, standardisée, indéfiniment reproductible et finalement banale.

Baliste
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Baliste

Pour ce faire Philon de Byzance établit une relation élémentaire entre l’énergie disponible, c'est-à-dire produite par les faisceaux de fibres élastiques, et le poids du boulet. Pour déterminer l’énergie, il se base sur le diamètre du trou par lequel passent les faisceaux de fibres élastiques. La racine cubique du poids en drachmes du projectile, augmentée d’un dixième, représente le diamètre du trou du bâti exprimé en doigts (unité de mesure). Une traduction algébrique (les Grecs ne maîtrisaient pas l'algèbre) donnerait d = 1,1\sqrt[3]p avec d le diamètre du trou du bâti et p le poids du projectile. Une table permettait l’utilisation du module, que Philon de Byzance appel le ton : chaque pièce représentait alors un multiple ou une fraction du module [7]. Ainsi l’euthytone (catapulte) se trouvait tracée dans un carré dont les côtés avaient 16 modules et la palintone (baliste), dans un triangle isocèle de 19 modules de base et de hauteur. Si nous ne disposons pas des tables associées à ces machines, Philon nous livre quelques exemples :

  • Pour un poids de dix mines (soit 1000 drachmes), le diamètre des lucarnes devait être de onze doigts
  • Pour un poids d’un talent, il devait être de 21 doigts.

Il en était de même pour les pièces de la machine, le péritrète, le barillet, l’épaisseur du moyeu, l’hypothème (support), les bras, la longueur de la corde archère, qui était double de celle des bras. Le module devient ici unité de mesure et Philon de Byzance précisera que « nul n’a osé s’écarter du formulaire ». Ces machines deviennent faciles à démonter, à stocker, voir à réparer car leur mode de conception permet l’apparition des pièces détachées.

[modifier] Héron d’Alexandrie ou la tradition en marche

Le traité des machines de guerre d’ Héron d'Alexandrie distingue deux types de machines de jet :

  • Les machines euthytones qui ne lançaient que des traits (scorpions)
  • Les machines palintones (balistes) qui lançaient des traits ou des boulets de pierre (lithoboles)

Héron d’Alexandrie reprend exactement la formule de Philon de Byzance pour le calcul du module à partir duquel toute la machine doit être construite. Il y ajoute la formule pour les machines qui lancent des traits : dans ce cas, le diamètre du trou doit être égal au neuvième de la longueur du trait. Ainsi pour un trait de 3 coudées, le module sera de 8 doigts.

Comme chez Philon de Byzance, on retrouvera dans son traité une solution graphique du célèbre problème de la duplication du cube servant ici pour calculer l’échelle de proportion de deux machines dont les boulets ont leur poids dans un rapport donné. Ainsi, pour une machine qui lancerait des boulets deux fois plus lourds, soit p' = 2p, on obtient aisément d' = d\sqrt[3]2, ce qui correspond précisément au problème de la duplication du cube, problème qui consiste à multiplier une dimension par \sqrt[3]2

Désormais tout est défini, tout est coté, tout est mis en tables que personne ne peut ni ne veut modifier : cette technique est maintenant saturée.

[modifier] Vitruve le compilateur

L'homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Noter l'échelle de mesure au dessous du dessin qui comporte plusieurs repères linéaires servant de module
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L'homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Noter l'échelle de mesure au dessous du dessin qui comporte plusieurs repères linéaires servant de module

Le module a été clairement décrit par Vitruve et c'est dans ses écrits qu'apparaît pour la première fois le terme. Pourtant Vitruve ne semble être que le dépositaire d’une tradition déjà ancienne.

L’homme inscrit dans un cercle et dans un carré, réalisé sur le même dessin par Léonard de Vinci, illustre un passage du livre « De Architectura » de Vitruve (Marcus Vitruvius Pollo, Ier siècle av. J.-C., actif sous Jules César et Auguste) que la Renaissance a réédité et adulé.

Les proportions de l'homme ne concernent qu'un passage relativement court (781 mots latins) dans le chapitre 1 du livre III. Un extrait du paragraphe 2 indique clairement la mise en œuvre par l'artiste d'un rythme modulaire :

§. 2 « La nature a en effet ordonné le corps humain selon les normes suivantes : le visage, depuis le menton jusqu'au sommet du front et à la racine des cheveux vaut le dixième de sa hauteur, de même que la main ouverte, depuis l'articulation du poignet jusqu'à l'extrémité du majeur : la tête, depuis le menton jusqu'au sommet du crâne, vaut un huitième ; du sommet de la poitrine mesuré à la base du cou jusqu'à la racine des cheveux on compte un sixième ; du milieu de la poitrine au sommet du crâne, un quart. Quant au visage, le tiers de sa hauteur se mesure de la base du menton à la base du nez ; le nez, de la base des narines jusqu'au milieu de la ligne des sourcils, en vaut autant ; de cette limite jusqu'à la racine des cheveux on définit le front qui constitue ainsi le troisième tiers. Le pied correspond à un sixième de la hauteur du corps, l'avant-bras à un quart, ainsi que la poitrine. Les autres membres ont également des proportions spécifiques, qui les rendent commensurables entre eux.... »

« La proportion est le rapport que tout l'œuvre a avec ses parties, et qu'elles ont séparément, comparativement au tout, suivant la mesure d'une certaine partie. Car, de même que dans le corps humain, il y a un rapport entre le coude, le pied, la paume de la main, le doigt et les autres parties, ainsi dans les ouvrages qui ont atteint leur perfection, un membre en particulier fait juger de la grandeur de tout l'œuvre » Chapitre II En quoi consiste l’architecture

« L'ordonnance d'un édifice consiste dans la proportion qui doit être soigneusement observée par les architectes. Or, la proportion dépend du rapport que les Grecs appellent analogie ; et, par rapport, il faut entendre la subordination des mesures au module, dans tout l'ensemble de l'ouvrage, ce par quoi toutes les proportions sont réglées ; car jamais un bâtiment ne pourra être bien ordonné s'il n'a cette proportion et ce rapport, et si toutes les parties ne sont, les unes par rapport aux autres, comme le sont celles du corps d'un homme bien formé »

Si donc la nature a tellement composé le corps de l'homme, que chaque membre a une proportion avec le tout, ce n'est pas sans raison que les anciens ont voulu que dans leurs ouvrages ce même rapport des parties avec le tout fût exactement observé.

Mais parmi tous les ouvrages dont ils ont réglé les mesures, ils se sont principalement attachés à déterminer les proportions des temples des dieux, dans lesquels ce qu'il y a de bien ou de mal fait est exposé au jugement de la postérité.

La division et même la nomenclature de toutes les mesures pour les différents ouvrages ont été prises sur les parties du corps humain ; c'est ainsi que l'on a eu le doigt, la palme, le pied, la coudée, etc., et ces divisions ont été réduites à un nombre parfait, que les Grecs appellent telion. » Chapitre premier du livre III

Ainsi dans l’architecture antique et classique, le module est la commune mesure conventionnelle d’une ordonnance correspondant en général au demi-diamètre du fût de la colonne dans sa partie basse.

Parmi les éléments originaux notés dans l'œuvre de Vitruve, on remarque une extension remarquable de la pratique du module[8]. Pour les machines de jet, la formule des mécaniciens d'Alexandrie est adaptée aux unités de mesure romaines. Les temples sont construits à partir de modules avec la définition des ordres architecturaux (ionique, dorique). Il n'est pas jusqu'au navire où il n'est question de module et qui consiste ici en l'intervalle des chevilles sur lesquelles les rames prennent leur appui.

[modifier] La table de Frontin

Frontin appartenait à la classe sénatoriale romaine et comme tel faisait partie des personnages appelés par leur carrière à des postes militaires ou à l’administration civile [9]. En 97, on lui confie l’administration du service des eaux de Rome et il rédigera un traité des acqueducs de Rome. Tout ce qui intéressait la jauge et le calibrage des conduites concernait au premier chef l’administration : « tout calibre est déterminé par son diamètre, ou par son périmètre ou par la mesure de sa section ». La table de Frontin est faite à partir de la quineria, tuyau de 5, jusqu’au tuyau de 125 qui permettait une classification des calibres : on parle alors de module quinaire.

Par la suite, Frontin constatera que le modèle n’est pas nécessairement la réduction, à la même échelle de tous les éléments de l’ensemble. Ainsi pour le module des tuyaux d’adduction d’eau, l’échelle des modules quant au diamètre des tuyaux fonctionne par progression arithmétique du 5 au 20. Au dessus, il procède comme la série des racines carrées des termes d’une progression arithmétique. James Watt, des siècles plus tard, l’observera dans le modèle réduit de la machine de Thomas Newcomen.

[modifier] Module et calligraphie arabe : de la formule d’atelier aux jeux de l’esprit

Exemple de naskhî dans un manuscrit médical (livre des dioscorides) du XIVe siècle
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Exemple de naskhî dans un manuscrit médical (livre des dioscorides) du XIVe siècle

Les véritables successeurs des mécaniciens grecs furent certainement les arabes qui firent traduire les traités grecs avant de s'en servir comme base pour leurs propres travaux. Par ailleurs, il semble naturel que toute civilisation[10] développe un « système esthétique » fondé sur l’amour de l’harmonie et qui peut revêtir une grande diversité de formes. L’un des grands principes de l’esthétique, déjà énoncé par Platon, est celui de « l’harmonie des parties et du tout par laquelle l’unité de ce dernier s’impose à la multiplicité des parties ». Contrairement aux arts du monde occidental, héritiers de Platon et d’Aristote, l’art du monde musulman ne montre guère d’intérêt pour l’étude des proportions du corps humain. Si, dans le Coran, « Dieu a créé l’homme harmonieusement » (XXXII,9), la préoccupation des artistes musulmans ne sera précisément pas de rivaliser avec cette divine justesse. En revanche, un champ de l’art tout à fait spécifique au monde musulman est fourni par la calligraphie arabe [11]. Celle-ci est d’abord développée pour la copie du Coran et les usages de la chancellerie califale et sera codifiée en une « écriture proportionnée » (al-khatt al-mansûb) attribuée au vizir Ibn Muqla (885/886-940). Dans son « traité sur l’écriture et le calame » (Risâlat al-khatt wa-l-qalam), l’auteur donne les bases d’un système de proportions fondé sur la lettre alif, en forme de hampe verticale et qui est inscrite dans un cercle servant d' étalon (module). Chaque lettre est ensuite formée à partir de ce cercle ce qui donnera les six styles de la calligraphie arabe classique (naskhî, muhaqqaq, thuluth, riqa’, rayhânî et tawqî), chacun se caractérisant par la proportion des lettres par rapport au alif.

Dans une feuille de format A, le rapport longueur/largeur est dans une proportion de √2
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Dans une feuille de format A, le rapport longueur/largeur est dans une proportion de √2

Cette conception très intellectualisée de la calligraphie sera reprise ensuite par toutes les grandes écoles de calligraphie. Dès le début du XIVe siècle, chez les Mamelouks d’Egypte ou chez les Mongols d’Iran, on observe dans la production de manuscrits de prestige un développement du souci de mise en page. Ainsi le format des feuillets de papier présente souvent des proportions remarquables : les plus fréquentes sont A (1 x 1,414)[12], le double rectangle de Pythagore (1 x 1,5) et plus rarement, le rectangle d’or (1 x 1,618). Le champ de la page est divisé entre le rectangle calligraphique, ou espace écrit, et la marge, tous deux répondant à des rapports précis. De même la surface écrite est divisée par la réglure, la largeur de la page divisée par un nombre entier donne alors le nombre de lignes.

[modifier] Du module aux figures de référence

Architectes médiévaux - Dictionnaire raisonné de l'architecture française (Viollet-le-Duc)
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Architectes médiévaux - Dictionnaire raisonné de l'architecture française (Viollet-le-Duc)

De nombreuses constructions à la règle et au compas conduisent à la mise en œuvre de figures géométriques types telle que le pentagone, figures elles-même associées à des modules particuliers.

[modifier] Intérêt du module en technique : hypothèses

En architecture, l’utilisation du module permet de respecter des proportions et ainsi de s’affranchir de calculs précis sur la résistance des matériaux, calculs aujourd’hui indispensables pour assurer la solidité des édifices (flambage…). En ce sens, le module a sans doute permis d’obtenir des solutions approchées mais satisfaisantes pour résoudre des problèmes concrets de dimensionnement.

L’exemple de la lutherie montre que le module permet d’aider à définir diverses dimensions utiles au technicien dans sa recherche d’une solution adaptée. Le module constitue en ce sens une recette largement répandue comme le montre les études sur les équerres médiévales qui mettent en œuvre quelques angles caractéristiques comme 36° pour le triangle d’or, 30 et 60 ° voir plus rarement 54 ou 26 °.

La tradition persistera jusqu’à la machine à vapeur, pour laquelle Sébastien de Maillard et ses prédécesseurs tenteront de contourner les obstacles scientifiques à l’aide de modules. Dans ce cas l'emploi des proportions permet de ne pas expliciter des constantes souvent difficiles à déterminer. Ainsi, dans ses expériences pratiques, Galilée ignorait que le roulement de la boule sur le plan incliné « absorbait » les 2/7e de g : en procédant par comparaisons avec un jet de référence (un module) il s'affranchissait de la connaissance de cette donnée inaccessible à l’époque [13].

En caractérisant les propriétés mécaniques de certains matériaux, le module permet ensuite d’utiliser des formules algébriques pour résoudre des problèmes concrets. Ainsi le module de Young, qui caractérise la rigidité des matériaux, sera intégré dans « l’équation d’équarrissage » qui servira à dimensionner les poutres des abattoirs grâce aux calculs de déformation des poutres en flexion.

[modifier] Module en mathématique

Le terme de module est aussi employé en mathématiques (arithmétique modulaire, forme modulaire, problème de module, module d'un nombre complexe, module d'une échelle logarithmique, module sur un anneau) avec plusieurs sens différents. Le fait que les mathématiciens aient éprouvé le besoin d'utiliser le même terme de module dans tous ces cas est un peu obscur. Concernant l'échelle logarithmique, le module est effectivement l'unité de longueur qui sépare 0,1 de 1, 1 de 10 et 10 de 100. En arithmétique modulaire, le module est aussi une unité de référence. Si le module est 5 par exemple, on dira que deux nombres sont congrus modulo 5 si leur différence est un multiple de 5. Le terme de module employé dans les complexes provient de Jean-Robert Argand qui est un des premiers à associer à un nombre complexe une ligne dirigée (on dirait aujourd'hui vecteur) : dans le complexe a + ib, \sqrt{a^2 + b^2} est appelé le module car il est l'unité du cercle qui permet de retrouver la direction de la ligne (ou argument du complexe)[14]. Quant au module sur un anneau, il faut y voir, semble-t-il, comme dans le corps ou le groupe, un élément constitutif d'une théorie, tout comme le module lunaire ou le module d'une formation constituent les éléments d'un ensemble.

[modifier] Notes

  1. (s. dir.) Bertrand Gille : Histoire des techniques
  2. Les mécaniciens grecs p 219
  3. Les mécaniciens grecs p 42
  4. Les mécaniciens grecs, p 49
  5. Les mécaniciens grecs, p 155
  6. Le triangle pythagoricien est le triangle rectangle par excellence : côtés de l'angle droit de 3 unités et 4 unités, hypoténuse 5 unités. Ce triangle a donné lieu à la création de la corde à 13 nœuds (12 intervalles) qui permet de le reconstituer facilement car 3 + 4 + 5 = 12
  7. Les mécaniciens grecs p 113
  8. Les mécaniciens grecs p 155
  9. Les mécaniciens grecs p 160
  10. Au Japon la dimension du tatami, appelé alors jō (畳, じょう), constitue une unité de mesure pour les pièces de la maison : encore aujourd'hui, on parle couramment d'une pièce de 8 tatamis, comprenez une pièce qui peut accueillir 8 tatamis. De ce fait la largeur du tatami devient le module de référence dans la construction de l'habitat traditionnel : les pièces, mais aussi les portes, les fenêtres, les volets, sont dimensionnés dans cette unité.
  11. L'Âge d'or des sciences arabes, Actes Sud / Institut du monde arabe p 251
  12. Le rapport de la longueur à la largeur de la feuille de base vaut \sqrt{2}. Ce rapport (module) est remarquable au sens où il a la propriété de se conserver lorsqu'on plie ou coupe la feuille en deux dans sa grande dimension. Voir aussi Racine carrée de deux
  13. Galilée et l'expérimentation - [[La Recherche en histoire des sciences p 134
  14. Reflexions sur la nouvelle théorie des imaginaires, annexe V dans Essai sur une manière de représenter des quantités imaginaires dans les constructions géométriques, Robert Argand, 2e édition, Paris Gauthier Villars (1874)

[modifier] Articles annexes

[modifier] Bibliographie

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