Judaïsme libéral
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Le judaïsme libéral est l'un des courants héritiers du judaïsme progressiste apparu en Allemagne avec les Lumières. Au XIXe siècle, dans un contexte historique d’évolution vers l’émancipation des juifs, les tensions entre la société moderne et le mode de vie des communautés israélites traditionnelles se firent plus aiguës. Naquirent alors divers courants de pensée encourageant les juifs à embrasser la modernité et à se mêler à la société extérieure à divers degrés. Le premier à avoir une existence officielle fut le mouvement "réformé", avec les Jüdische Reform-Genossenschaft (unions judaïques réformées) de Frankfort et Berlin . L’une des figures de proue de ce courant fut Samuel Holdheim.
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[modifier] La réforme du judaïsme en Allemagne
Le mouvement réformé était en fait composé de divers courants préconisant des réformes parfois radicales dans la théologie et les pratiques judaïques. Se basant sur l’analyse historique et les Etudes juives (Wissenshaft des Jundentum) initiées par Leopold Zunz (1794-1886), ils déniaient valeur de parole divine intouchable à la Torah et au Talmud et jugeaient de nombreuses observances halakhiques inutilement contraignantes, sans fondement et obsolètes. Ainsi, certains proposèrent même l'abandon du cacheroute, du shabbat et de la circoncision. La liturgie fut simplifiée : on utilisa des livres de prières (siddour) en allemand, les services furent abrégés et s'enrichirent d'un sermon et d'un accompagnement musical.
Ces transformations étaient justifiées par une vision quelque peu hégelienne de l'histoire qui en faisait une révélation en marche, remplaçant la vision traditionnelle d'une révélation déjà accomplie. Les juifs n'étaient plus un peuple en exil attendant son propre salut replié sur lui-même, mais une communauté présente au monde, dont la mission était de proclamer le monothéisme. L'idée de rebâtir le temple de Jérusalem et d'y reprendre les sacrifices fut abandonnée, ainsi que les prières pour le rétablissement d'un État propre. Le mouvement réformé à ses débuts était anti-sioniste et préconisait l'allégeance nationale exclusive au pays de résidence.
Ces réformes manifestaient un besoin de renouveau religieux, mais également un désir de moins se démarquer du reste de la société, d'où certains aspects offrant une ressemblance extérieure avec le protestantisme : nouveau costume des rabbins, nom des lieux de culte ("synagogue" changé en "temple"), proposition d'un rite de confirmation pour les adolescents .
L'Union réformée de Berlin était la plus radicale, mais tous les partisans du mouvement progressiste ne souhaitaient pas des changements aussi poussés. Des rencontres rabbiniques eurent lieu à Brunswick en 1844, à Francfort en 1845 et à Breslau en 1846. L'unanimité ne fut pas atteinte et en 1854, Zacharias Frankel (1801-1875), directeur du séminaire de Breslau, fonda le mouvement Massorti dit "conservateur", progressiste mais moins radical que les Unions réformées. Ultérieurement, le mouvement réformé revint lui aussi sur certaines de ses positions les plus extrêmes.
[modifier] Implantation
Au milieu du XIXe siècle le mouvement réformé s'implanta sous le nom de Reform judaism aux États-Unis où il compte de très nombreux adhérents (plus de la moitié des pratiquants déclarés), ainsi qu’en Grande-Bretagne (liberal ou reform) et aux Pays Bas. Bien que né en Allemagne, le judaïsme libéral est aujourd'hui devenu un mouvement à nette prédominance américaine.
Le « judaïsme libéral », arrivé en France au début du XXe siècle par la création en 1907 de l'U.L.I. devenue par la suite l'U.L.I.F. (Union libérale israélite de France) plus généralement connue sous l'appellation "Copernic", y a connu des débuts discrets, comme tous les courants qui n’étaient pas déjà représentés dans le Consistoire israélite de France. Ces trente dernières années, le nombre de ses communautés s’est multiplié et il est préférable de dire aujourd'hui qu'il existe en France des mouvements libéraux plutôt qu'un mouvement libéral. En effet, les principes et les usages, s'ils sont généralement communs à ces mouvements, peuvent parfois être bien divergents sur certains points considérés dès lors comme fondamentaux (rôle des femmes dans la synagogue et leur accès aux fonctions du culte, etc.).
En Israël, les réformés (comme les conservateurs) n'ont eu longtemps aucun poids. Sous l'influence d'une immigration américaine, des communautés existent aujourd'hui, dont l'activité va croissante. Les tensions avec les orthodoxes (et plus encore avec les ultra-orthodoxes) sont parfois importantes.
Une majorité des communautés réformées est regroupée dans l'Union Mondiale du Judaïsme Libéral (World Union for Progressive Judaism), fondée à Londres en 1926, dont le siège se trouve à Jérusalem. La WUPJ regroupe environ 1,5 million de membres dans une quarantaine de pays.
[modifier] Principes et valeurs du judaïsme libéral
- Peuple élu et place dans le monde : le judaïsme doit se concevoir comme la force motrice de l'humanité selon la prophétie d’Isaïe : “ Je t’ai placé comme une lumière pour les nations “. Le peuple choisi est chargé d'une mission auprès de tous les êtres humains. La notion de tzédaka (justice) doit s’appliquer à l’égard de toute la société et pas seulement à l’égard de la société juive. Chacun doit agir pour la rédemption du monde (tikkun olam) et l’avènement de l’ère messianique . C’est d’ailleurs l’ère messianique qui est attendue et non pas forcément le messie en tant que personne humaine.
- Ecritures : la lecture critique du Tanakh et du Talmud est admise.
- Interprétation de la Halakha (loi juive) : comme le montre l'histoire du judaïsme, la tradition est évolutive et la révélation progressive. L'interprétation de la Halakha doit donc rester ouverte au monde, prendre en compte la raison et l’éthique actuelles et poursuivre son évolution. La liberté individuelle de conscience doit être exercée pour comprendre l’esprit qui sous-tend les mitzvot (commandements) et redéfinir leur mode d’application en fonction du monde présent. Si leur aspect spirituel et moral est toujours fondamental, l'aspect rituel ne l'est pas toujours car le rite est un moyen et non une fin en soi. En opposition avec la position orthodoxe typique, le judaïsme libéral rejette la logique du “ tout ou rien “ qui exige une pratique intégrale de la Loi sans laquelle l'acte religieux serait sans valeur.
- Néanmoins, tout en laissant au croyant beaucoup de jeu dans les modalités concrètes du rituel, le mouvement libéral contemporain insiste plus que les anciens mouvements réformés radicaux sur l'importance des rites marquant la vie juive : shabbat, jours de fête, rites de passage.
- Les mariages mixtes ne sont pas acceptés, mais la conversion des futurs conjoints est acceptée. La cacheroute n’exige pas de changement de vaisselle et ne doit pas entrainer l’isolement des juifs la pratiquant.
- Liturgie : le judaïsme libéral a introduit un certain nombre de réformes pour permettre aux fidèles de mieux suivre le culte : utilisation de la langue du pays parallèlement à l'hébreu, suppression des répétitions et des passages dont le contenu n'est plus en phase avec le monde moderne (place et rôle des femmes par ex.), utilisation d’instruments de musique et de choristes pour entraîner la communauté.
- Egalitarisme : Hommes et femmes participent ensemble et sans séparation physique aux offices, parfois aux groupes de prières dans certaines communautés (minian). Les rites de passage (excepté la circoncision) sont les mêmes pour les deux sexes. En fonction des usages et conceptions propres à chaque communauté, les femmes peuvent avoir ou non accès à toutes les fonctions du culte (chantre, lecture de la Torah etc.), porter des châles de prière (Talit) ou des phylactères (Téfiline). En cas de divorce, le "guett" (divorce selon la loi juive) est accordé de façon égalitaire : la femme et l’homme signent tous deux le certificat et il est accordé dès que le divorce civil a été enregistré. Chez les orthodoxes, l’homme doit “libérer” son épouse qui, sans cela, ne peut se remarier légalement selon la loi juive. Si le mari fait traîner les choses, aucune contrainte légale ne peut le forcer à signer. Ce refus de divorce est parfois utilisé en Israël comme moyen de chantage de la part du mari pour soutirer une compensation financière à son ex-épouse. Les mouvements Massorti et les mouvements libéraux ont prévu des dispositions légales permettant aux femmes d’obtenir le guett.
- Judaïté
- Le mouvement libéral accepte généralement de considérer comme juifs les enfants dont seul le père est juif et qui ont reçu une éducation juive, alors que pour les orthodoxes l'appartenance religieuse est rigoureusement fonction de la mère. Les demandes de conversion, très rarement acceptées par les orthodoxes en dehors d'Israël, sont reçues pourvu que le postulant fasse preuve de sincérité et suive un enseignement religieux complet d’environ deux ans. Aux États-Unis, certains rabbins réformés célèbrent les mariages mixtes si le couple promet de mener une vie juive et d'élever leurs enfants dans cette religion, et acceptent les conjoints non-juifs comme membres de la synagogue, ou même comme titulaires de certaines fonctions pendant les offices (chantre par exemple).
- Israel
- Après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, le mouvement réformé/libéral a abandonné la position anti-sioniste qu'il avait adoptée lors de sa création. Il ne fait pas activement la promotion de l'immigration en Israel, mais assiste ceux qui désirent le faire. Il soutient le processus de paix.
[modifier] Bibliographie
- "Le judaïsme libéral", Pauline Bebe, éd. Jacques Grancher,1993 ISBN 27339044167
