Centre-ville reconstruit du Havre

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Sommaire 1 Destruction 2 Reconstruction 3 Plan 4 Immeubles d'habitation 5 Lieux 6 Le classement « patrimoine mondial de l'UNESCO » 6.1 Genèse du projet 6.2 Le classement 6.3 Les conséquences 7 Voir aussi 7.1 Notes 7.2 Liens internes 7.3 Bibliographie 7.4 Liens externes

[modifier] Destruction

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le port du Havre fut utilisé par l'armée britannique pour ravitailler ses troupes. Les Allemands bombardèrent la ville en mai 1940 et les britanniques la quittèrent. Après le traîté de paix, elle fut occupée par les Allemands qui préparèrent une attaque contre la Grande-Bretagne (Opération Seelöwe -lion de mer-). Les destructions les plus importantes surviennent les 5 et 6 septembre 1944 lorsque les britanniques bombardent le centre-ville et le port pour affaiblir l'occupant nazi (Opération Tabula Rasa). L'objectif était de faciliter le ravitaillement et la progression des troupes alliées débarquées trois mois plus tôt en Basse-Normandie. Le bilan des bombardements est lourd (la ville fut la proie incessante des bombardements alliés jusqu'en septembre 1944) : 5 000 morts, 80 000 sans-abris, 12 500 immeubles détruits^[1]. Le centre-ville est en ruine, la ville est à la libération, l'une des plus sinistrées d'Europe.

Aujourd'hui, l'intérêt militaire de cette opération alliée est profondément remis en cause. La Libération pour les Havrais eut un goût très amer et marqua la mémoire collective.

[modifier] Reconstruction

Au printemps 1945, le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme confie le projet de reconstruction du centre-ville du Havre à l'atelier Perret. Celui-ci souhaite faire table rase des anciennes structures et appliquer les théories du classicisme structurel pour édifier une nouvelle ville. Le matériau retenu pour l'édification des bâtiments est le béton. De 1945 à 1964, Le Havre fait alors l'objet d'une expérience de reconstruction unique en son genre par l'étendue de la zone à reconstruire d'un seul tenant, la cohérence théorique de l'équipe Perret, les procédures urbanistiques et les techniques de préfabrication mises en œuvre. Dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, il s'agit de l'une des réalisations les plus marquantes du XX^e siècle.

[modifier] Plan

Le plan du centre-ville du Havre est orthogonal : la trame est géométrique et les rues se coupent à angle droit. Un grand nombre de villes de l'Antiquité suivent ce plan dit hippodamien : il s'agit la plupart du temps de villes créées ex nihilo comme Alexandrie d'Égypte (IV^e siècle avant J.-C.) ou Pompéi. Les centres-villes nord-américains sont aussi construits sur ce modèle (Manhattan, le CBD de San Francisco, etc.). Cependant, la topographie orthogonale n'est pas strictement appliquée dans tous les quartiers de ces villes. C'est aussi le cas au Havre avec le boulevard François I^er qui passe en diagonale à l'ouest du centre et délimite des îlots triangulaires (et non rectangulaires). La trame en damier est également contrariée par les monuments anciens du Havre encore debouts après les bombardements, qui ont été incorporés au plan moderne (cathédrale Notre-Dame, muséum d'histoire naturelle).

D'un point de vue urbanistique, le plan en damier du Havre permet des alignements de façade, des tracés rectilignes et aérés, une organisation rigoureuse de l'espace urbain. La trame de référence mesure 6,24 mètres, c'est-à-dire la longueur de portée optimale pour une poutre de béton de l'époque. La réalisation de ce plan a été rendue possible par un arasement quasi total dû aux destructions de la Seconde Guerre mondiale. L'ancien plan de la ville n'est d'ailleurs plus guère visible aujourd'hui. Les artères principales dessinent trois axes majeurs :

• L'avenue Foch au nord, d'orientation est-ouest, prolonge le boulevard de Strasbourg (quartiers du XIX^e siècle) et se termine par la Porte Océane.
• La rue de Paris relie l'hôtel de ville au port.
• Le boulevard François I^er se trouve à l'ouest.

[modifier] Immeubles d'habitation

• Des niveaux ordonnés de façon classique :
  • Soubassement : deux niveaux de boutiques ou logements.
  • Développement : balcon filant, deux niveaux de logements, second balcon filant.
  • Couronnement : étage supérieur en retrait.
  • Toiture terrasse

• Le décor :
  • Colonnes
  • Bas-relief : notamment avenue Foch.
  • Chapiteaux de style égyptien.
  • Entablement
  • Corniche
  • Des fenêtres larges qui laissent pénétrer la lumière dans le salon, la cuisine et les chambres.

• La plupart des biens reconstruits dans le centre sont soit des propriétés publiques, soit des "copropriétés", concept novateur pour l'époque.
• L'espace intérieur, très lumineux est distribué de façon optimale. Immeubles équipés pour certains de chauffage collectif à air pulsé, ou du chauffage central, placards encastrés, vide ordures, garage à vélos et voitures d'enfant, sous-sol, garage à automobiles, isolation thermique et phonique, ascenseur...
• L'utilisation des terrasses sur le toit (voir illustration) n'a pas été retenue.

[modifier] Lieux

• Square Saint-Roch

Splendide jardin, liaison entre la reconstruction et le reste de la ville épargnée par les bombes.

• Église Saint-Joseph du Havre

C'est le dernier manifeste d'Auguste Perret. La nouvelle église, dessinée de sa main, fut conçue à la fois comme un sanctuaire dédié au culte et un monument honorant la mémoire des victimes de la seconde guerre mondiale. La réalisation de l'édifice fut confiée à Raymond Audigier. À la mort de Perret, en 1954, l'église fut terminée par Georges Brochard qui tenta de traduire ce que désirait réellement son maître pour la forme du clocher. Les travaux débutèrent fin 1951 pour se terminer en décembre 1956 avec l'achèvement de la tour. La nouvelle église Saint-Joseph consacrée en 1964 sera protégée au titre de la loi sur les monuments historiques l'année suivante. L'église a un plan centré en croix grecque et une flèche à base octogonale de 110 mètres de hauteur. La tour-lanterne fait entrer la lumière dans l'édifice grâce à des vitraux multicolores conçus par Marguerite Huré. En 1997, l'église est parée d'un habillage lumineux. D'importants travaux de restauration sont entrepris entre 2003 et 2005. La tribune a été nouvellement dotée de son orgue à tuyaux, inauguré le 25 septembre 2005 avec l'Orchestre des Concerts André Caplet pour la réouverture de l'église.

• Église Saint-Michel

La reconstruction de l'église Saint-Michel (1960-1964) fut confiée à Henri Colboc, un des architectes locaux actifs dans la reconstruction du Havre. La forme de la toiture représente une bible ouverte. Pas de clocher, mais un campanile de 42 mètres de haut, séparé de l'église, évoquant un cierge.

• Hôtel de ville du Havre

Œuvre des architectes Perret et Tournant, l'hôtel de ville est inauguré en 1958. Le premier pieu du corps central est coulé en 1953, la tour de 18 étages et 72 mètres de haut évoquant un beffroi est commencée en 1954. Le théâtre attenant sera terminé en octobre 1967. L'extension sur la façade nord de l'édifice, esthétiquement discutable, date de 1987. Le jardin de la partie sud de la place de l'hôtel de ville a été dessiné personnellement par Perret. Cette place, immense et magnifique, a été transformée dans les années 1980 (jardin redessiné qui a perdu son aspect minéral : ajout de fontaines, d'arbres et de treillages en bois exotique. Agrandissement des pelouses et des espaces fleuris).

• Casino

Le casino du Havre donne sur la place Jules-Ferry et sur le bassin du commerce. Il occupe depuis le 1^er juin 2006 l'ancien palais de la bourse qui abritait la chambre de commerce. Ce bâtiment majestueux de trois étages, créé par l'architecte Othello Zavaroni et inauguré le 22 juillet 1957,

entièrement réhabilité par le casinotier, a pratiquement conservé son aspect extérieur originel. L'intérieur a été profondement modifié, les deux fresques monumentales (dont une visible depuis l'esplanade) ont été conservées. Les 12 000 m² accueillent aujourd'hui un ensemble comprenant casino, restaurants, salle de spectacle modulable de 500 places, bars, centre de remise en forme avec patio à ciel ouvert, hôtel, salles de réception.

La place Jules-Ferry, dotée à présent d'un bel aménagement paysager démode définitivement le square Erignac voisin. Viellot et cloisonné, il bouche malheureusement la vue du casino depuis le boulevard de Strasbourg et forme une barrière sur le chemin du centre commercial Coty. L'accès depuis la zone piétonne semble à présent demander de sérieux aménagements.

• Collège Raoul-Dufy (1953)

Anciennement Lycée de filles, Pierre-Edouard Lambert a édifié le premier établisement scolaire de la reconstruction. Architecturalement traité comme un monument, il a bénéficié d'une restauration complète. Au nord, une extension récente a été intégrée sur un bâtiment d'origine.

• Grand magasin du Printemps (1953)

Construit par Alexandre Franche, Henri Vernot et Noël Boucher, architectes havrais, cet immeuble diffère des autres de la reconstruction car il a été dessiné en courbe. Le bâtiment était à l'époque presque complètement vitré, ce qui le rendait "transparent" et très esthétique (le magasin n'a malheureusement pas bénéficié d'une restauration extérieure digne de ce nom : tous les vitrages des étages sont encore occultés. Les vitrines, plus petites qu'à l'origine, ont été enlaidies récemment par l'ajout de soupirails sans style).

• École de commerce (1954)
  

  

  Immeuble d'habitation et école de commerce, rue Émile Zola

L'architecte Robert Royon, fidèle à l'esprit de l'atelier Perret, édifie ce bâtiment d'angle aux colonnes majestueuses. L'immense quadrillage vitré laissait apparaître un escalier hélicoïdal jusqu'en 1993, année où il fut sacrifié pour étendre la superficie des étages.

• Musée des Beaux-Arts André Malraux^[2].

Réalisé de 1959 à 1961 par Guy Lagneau, Michel Weill, Jean Dimitrijevic et Raymond Audigier, c’est le premier musée de France à être reconstruit après la guerre. Le bâtiment se présente comme une élégante boite de verre, d’aluminium et d’acier. La lumière, filtrée par des brises soleil, pénètre de tous les côtés. Mis en service en 1961, ce lieu à l'intérieur modulable abritait la 1ère Maison de la Culture de France jusqu’en 1967 où il devint le musée des beaux-arts. La Maison de la Culture sera transférée au théâtre de l'Hôtel de ville cette même année (actuellement au Volcan, espace Oscar Niemeyer, depuis sa construction).

• Bibliothèque (1963)

Architectes : Jacques Tournant et Jacques Lamy. Elle est formée de deux bâtiments perpendiculaires. Le toit du bâtiment principal, à l'instar de l'église Saint-Michel, évoque un livre ouvert.

• Avenue Foch

C'est l'une des avenues les plus larges d'Europe, d'ailleurs plus large que les Champs-Élysées à Paris. Elle relie la place de l'hôtel de ville (à l'est) à la Porte Océane (à l'ouest). Elle est constituée d'une avenue centrale et de contre-allées où sont installés des commerces, des habitations de standing, des bureaux et un cinéma. Les immeubles ont été achevés en 1954 et comportent cinq étages. Les façades sont agrémentées de bas-relief rendant hommage aux personnages marquants du Havre d'avant-guerre.

• Porte Océane

Sortant des plans de l'Atelier de Reconstruction Perret en 1950, il s'agit d'un ensemble constitué de deux tours jumelles de 13 étages hautes de 47,50 mètres, et de deux immeubles bas, situés à l'extrémité de l'avenue Foch. La Porte Océane forme un décor monumental et représente de manière symbolique la porte de la cité, le passage entre la mer et la ville. La partie nord, construite par Jacques Poirrier de 1951 à 1953, a bénéficié des techniques de préfabrication. La partie sud a été construite par André Hermant de 1951 à 1956 à l’aide de la technique plus traditionnelle du coffrage en bois.

• Rue de Paris

Dès 1945, Auguste Perret travaillait sur la typologie des immeubles de la rue de Paris. Une quarantaine d'architectes havrais ont participé au chantier dans les années 50 en respectant les principes définis par Perret. En prenant pour modèle la rue de Rivoli à Paris, l'artère est bordée au rez-de-chaussée et à l'entresol par des commerces, protégés par une galerie ouverte sous colonnes et par trois étages d'habitation.

[modifier] Le classement « patrimoine mondial de l'UNESCO »

[modifier] Genèse du projet

La candidature du Havre au classement du patrimoine mondial de l'humanité n'a pas été facile. L'œuvre d'Auguste Perret est très critiquée et l'UNESCO n'a pas pour habitude de classer des sites contemporains. Cependant, le projet répondait aux critères d'admission fixée par l'institution :

• chef d'œuvre du génie créateur humain ;
• un témoignage unique sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ;
• un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural.

La constitution du dossier présenté au comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a été menée par Vincent Duteurtre depuis 1999, même si le projet remonte à 1995. Il a reçu le soutien du conseil général de la Seine-Maritime (subvention de 120 000 euros). Il a d'abord dû être sélectionné au niveau français et se trouvait alors en concurrence avec d'autres candidatures (Parc national des Cévennes, rives de la Gironde, barrière de corail de Nouvelle-Calédonie).

[modifier] Le classement

• L'UNESCO a inscrit le centre-ville du Havre le 15 juillet 2005 au patrimoine mondial de l'humanité, saluant l'« exploitation novatrice du potentiel du béton ». L'espace de 133 hectares représentant selon l'UNESCO "un exemple exceptionnel de l'architecture et de l'urbanisme de l'après-guerre" est un des rares sites contemporains inscrits en Europe, rejoignant le Parc Güell à Barcelone, les maisons Art nouveau de Victor Horta en Belgique ou encore les anciennes aciéries de Völklingen en Allemagne.
• Citation du maire du Havre, Antoine Rufenacht après le résultat :

La modernité du Havre, insufflée par Auguste Perret au lendemain de la guerre, devient désormais une composante assumée de l'identité havraise. Elle doit constituer le socle du nouveau rayonnement de la ville.

[modifier] Les conséquences

• Conséquences immédiates

Un grand rassemblement populaire fut organisé le 18 juillet 2005 sur la place de l'hôtel-de-ville pour célébrer le classement. Désormais, les constructions d'Auguste Perret devront être entretenues dans le respect de l'œuvre originale en utilisant les mêmes couleurs et les mêmes matériaux. Les commerces devront s'en tenir à l'esprit Perret.

La municipalité a acquis un appartement de 99 m², faisant face à l'hôtel de ville, pour en faire un musée. Meublé à l'identique des années 1950 et restauré, il donne aux visiteurs une idée de la vie quotidienne à cette époque.

• Conséquences attendues

Grâce à ce label, la ville espère attirer plus de touristes, en particulier étrangers, et engager sa reconversion. Le classement au patrimoine mondial de l'humanité vient s'ajouter à d'autres atouts touristiques : station balnéaire (pavillon bleu en 2005), Musée des Beaux-Arts André Malraux, label Ville d'art et d'histoire, station nautique, casino, accueil de paquebots, etc.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

[modifier] Liens internes

• Auguste Perret
• Le Havre

[modifier] Bibliographie

• Claire Etienne-Steiner, Le Havre. Ville, port et agglomération, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, Rouen, 1999, (ISBN 2-910316-19-X)
• Claire Etienne-Steiner, Le Havre. Auguste Perret et la reconstruction, Connaissance du patrimoine de Haute-Normandie, déc. 1999, (ISBN 2-910316-21-1)
• « Le Havre patrimoine mondial », numéro spécial du quotidien Havre Libre, n^o 18.677, 16 juillet 2005
• Stéphane Siret, « Le Havre : ville laboratoire », dans Le Point, n^o 1695, 10 mars 2005

[modifier] Liens externes

• Un très bel album de photographies du Havre : attention, copyright sur les images !
• « Dix-sept nouveaux sites inscrits au Patrimoine mondial de l'humanité », Le Monde, 16 juillet 2005
• « Le Havre inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO », Le Nouvel Observateur, 15 juillet 2005
• Site havrais consacré au centre reconstruit
• DOCOMOMO France : Le Havre (consacre ses actions à l'étude et à la mise en valeur des édifices et des ensembles bâtis du Mouvement moderne pour aider à leur conservation)
• Historique du Havre et reconstruction