René Iché
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René Iché, né le 21 janvier 1897 à Sallèles-d’Aude, décédé le 23 décembre 1954, à Paris, est un sculpteur français du XXe siècle.
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[modifier] Biographie
[modifier] Enfance et guerre
Né le 21 janvier 1897 à Sallèles-d'Aude, village sur les rives du canal du Midi, où son père est pharmacien, René Iché poursuit ses études comme pensionnaire au lycée de Carcassonne. Il se lie d’amitié avec Joë Bousquet (qui deviendra l’un des plus originaux poètes du surréalisme). Dès l’âge de 12 ans, Iché exécute des portraits et des paysages à l’huile ou au pastel et remporte le Premier prix de dessin de l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 1914.
En mars 1915, Iché devance l’appel et s’engage à Béziers dans le 1er régiment de hussards. Il passe rapidement au 81e régiment d’Infanterie puis au 60e régiment d’Infanterie. Blessé à plusieurs reprises lors de la bataille de Verdun et dans la Somme, son seul répit est à Saint-Cyr où il suit une formation d’officier en 1917. Gazé très sérieusement en 1918, il sera décoré de la médaille militaire, de la croix de guerre et deviendra chevalier de la légion d’honneur. Pendant la première guerre mondiale, René Iché a très brièvement entamé des études de médecine à Montpellier, il côtoie Apollinaire, lie assidûment la revue d’avant-garde SIC, fondée par Pierre Albert-Birot et participe à la troupe théâtrale pacifiste Les Oberlé.
[modifier] La misère à Montparnasse
Démobilisé en 1919, il s’installe à Paris, rue Jacob, et s’oriente vers le droit et les sciences politiques. En 1921, il écrit une pièce de théâtre contre la guerre pour Gaston Baty, intitulée La Grande Boucherie.
À l’issue de ses études, il est embauché au sous-secrétariat de la Marine marchande et s’essaie au journalisme pour diverses revues et journaux. Quelques mois plus tard, à l’occasion d’une visite de l’atelier de Bourdelle, il se découvre une passion pour la sculpture et quitte l’administration. Il sera sculpteur malgré l’opposition de sa famille qui lui coupe les vivres. À l’Académie de la Grande Chaumière, Iché fait la connaissance de l’architecte Auguste Perret qui l’encourage à suivre sa propre voie. Iché quitte Bourdelle, suit les cours de Perret, passionné par les recherches sur les matériaux modernes et pour gagner sa vie travaille sur les grands chantiers de restauration de Reims, Amiens ou de Chantilly. Parallèlement, il suit les cours d’esthétique d’Henri Focillon à la Sorbonne.
Dès 1923, grâce au soutien de Maillol et de Bourdelle, peu rancunier de son départ, il expose au Salon des Indépendants. Mais son œuvre Forfaiture est censurée par la police le jour du vernissage. André Warnod (l’inventeur de l’École de Paris) dans les colonnes de Comoedia-journal le soutient, en vain... De même en 1925, un projet pour le monument aux morts de Canet d’Aude, jugé trop pacifiste, est refusé. Ce serait à Port-la-Nouvelle, avant son retour à Paris, qu’il assiste à une scène très émouvante entre un père et son fils. Dès qu’il retrouve son atelier de Montparnasse, il modèle Père et Fils, sa première œuvre importante.
[modifier] Premières œuvres
C’est avec un simple tournevis qu’il exécute sa première œuvre en taille directe Étude de Lutteurs, aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Narbonne. Il travaille alors pour Jeanne Poupelet, assurant le travail de ciselure. Le fondeur Alexis Rudier, l’aide également. En 1926, Il rencontre Rosa Achard qui travaille pour le couturier Poiret. Elle devient son modèle. Ils se marient en 1928.
En 1926-1927, Iché participe au mouvement La Douce France, qui regroupe des artistes recommandant le retour à la taille directe. Ils exposent à la galerie Louis-Carré puis chez le photographe Marc Vaux. Pourtant Iché très vite y expose des bronzes. En 1927, il conçoit le monument aux morts d’Ouveillan inauguré par Léon Blum et les frères Sarraut. L’œuvre est jugée très pacifiste mais 10 ans après Verdun, elle lui vaut les faveurs de toute la presse. Iché n’a fait cette fois qu’une seule concession : le monument montre bien des soldats, mais nul ne peut distinguer leur nationalité. Le père et le fils est acquis par un conservateur de Chicago.
[modifier] Ses grandes œuvres
René Iché est très proche des surréalistes et exécute les masques de Paul Éluard et André Breton. Il rend hommage à Apollinaire avec La femme assise. En 1929, sa rencontre avec Léopold Zborowski, le marchand de Modigliani, Chaïm Soutine et Derain, l’emmène vers un naturalisme de portée symbolique. En 1931, lors de sa première exposition personnelle à la Galerie Léopold Zborowski, il vend Nu au musée national d’art moderne, et Portrait de Mme I au musée Boijmans de Rotterdam. De 1931 à 1934, Iché séjourne en Provence où il réalise le Tombeau du poète Charloun Rieu. À son retour à Paris, une grande exposition à la Galerie du Portique lui vaut les faveurs de la critique. L’État acquiert le Portrait de Laurence et La Contrefleur aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Villeneuve-sur-Lot.
En 1934 René Iché réalise avec Chagall un numéro spécial de la revue Esprit sur l’esthétique. En 1935, très affecté par les décès successifs de son père et de sa mère, et sous l’influence de Max Jacob et Emmanuel Mounier il entre dans une période mystique et produit une série de Christ qui choquent par leur humanité. En 1936, il participe au Front populaire au côté de Louis Aragon et travaille pour trois pavillons de l’Exposition Universelle de Paris. Suite au non-engagement de la France aux côtés des Républicains espagnols, Iché sculpte dans la foulée de sa Guernica, Melpomène 36 pour dénoncer la tragédie à venir. En 1938, révolté par Munich il devient dépressif et rejoint son ami Joë Bousquet. Cette association donnera Le mal d’enfance, illustré par René Iché et dédié à Paul Eluard. Le sculpteur s’attelle également à composer un ensemble architecturale dans un parc de Carcassonne en hommage à André Chénier, le poète révolutionnaire. Iché a déjà réalisé au début des années trente l’œuvre surréaliste Fragments de la Jeune Captive et La Jeune Tarentine. Mais les sculptures seront achetées finalement par musées et collectionneurs...
[modifier] De nouveau la guerre
En 1939 avec Hélène six ans, Iché participe à l’Exposition universelle de New York. Une exposition itinérante de sculpteurs français voyagera ensuite aux États-Unis, permettant à l’œuvre de rester en Amérique pendant la guerre. Mobilisé et bien que souffrant des séquelles de ses blessures, il rejoint la région de Paris. Dès la défaite, il entre dans la Résistance et le 1er septembre 1940 devient agent des FFC au sein du Groupe du musée de l'Homme. Avec Raymond Burgard, son vieux camarade du 60e RI, il participe à la création du groupe de résistance Valmy. Il crée et diffuse l’édition parisienne des Petites Ailes qui deviendra en zone sud Combat.
Certains allemands admirent l’œuvre d’Iché, mais il refuse habilement leurs appels à la collaboration et cache chez lui des juifs et des résistants. Sa fille Laurence Iché épouse le poète surréaliste Robert Rius, qui sera parmi les créateurs de La main à plume, la revue surréaliste. Iché accepte quelques commandes publiques notamment passées par des maires favorables à la résistance: Paul Cabanis de Beaune-la-Rolande et Kérautret de Vanves. Il sculpte une Jeanne d'Arc pour l’église de Boulogne-Billancourt. Cette héroine est aussi le symbole du groupe Valmy et le surnom affectueux donné par Churchill au Général de Gaulle. En juillet 1942, après la chute dramatique du Réseau Hauet-Vildé, il rentre comme agent P1 au réseau Cohors-Asturies. En 1942, il fait parvenir à Londres au Général de Gaulle sa sculpture La France Déchirée qui symbolise la Résistance. Cette épreuve est aujourd’hui conservée à La Boisserie. Grace à des fonds qui lui sont envoyés de Londres René Iché loue, à Paris, rue du Cherche-Midi, plusieurs appartements où il cache des résistants et des aviateurs. Son atelier depuis 1936, au 55 de la même rue, sert de boîte aux lettres aux FFL. Il cache des armes dans les moules de ses sculptures et détient les dossiers de l’affaire Dreyfus, confiés par l’avocate Andrée Dunant. Il abrite les réunions du Groupe Cohors mené par Jean Cavaillès puis par Jean Gosset. Dans les Messages de Londres son pseudonyme est "Alban". Il participe à la préparation de l’opération Tortue devant faciliter le débarquement de Normandie et propose de rejoindre le maquis FFI de Thouais dans les Deux-Sèvres. Le 21 juillet 1944, son gendre Robert Rius, après trois semaines de torture et sans avoir parlé est exécuté par la Gestapo en Forêt de Fontainebleau.
[modifier] Après la Libération
À la Libération, Iché reçoit la médaille de la Résistance et siège au Comité d’épuration des artistes où il préside la section sculpture mais démissionne pour marquer son désaccord avec la condamnation de Charles Despiau. Le MOMA de New York fait l’acquisition d’Hélène 6 ans restée aux États-Unis. Le journal l’Équipe achète Les Lutteurs. En 1947, la Monnaie de Paris acquiert les médailles de Max Jacob et Louise Hervieu. En 1947-48 Jean Cassou organise une exposition itinérante de sculpteurs contemporains en Allemagne, Autriche et Tchécoslovaquie. Les œuvres de Giacometti, Lipchitz, Germaine Richier et Iché y remportent un énorme succès.
En 1948, Iché est invité par la France à la Biennale de Venise en compagnie de Germaine Richier, Henri Laurens, Marc Chagall et Georges Braque. Il réalise plusieurs monuments à la résistance dont les plus connus sont ceux de Puiseaux et Carcassonne. Il rend hommage à son compagnon d’armes Jean Cavaillès et à sa vieille amie Émilie Tillion, mère de Germaine Tillion, et accepte qu’une de ses œuvres orne la tombe de Max Jacob à Saint-Benoît sur Loire. Le Musée national d’art moderne et le Musée Fabre de Montpellier achètent chacun une épreuve de Jacob et l’Ange, allégorie de "et ils luttèrent jusqu’à l’aurore”, la phrase de l’Ancien Testament. En 1949, Iché lance le Premier Manifeste des Sculpteurs et fonde le Syndicat National de la profession. Il agit pour la sécurité sociale et la retraite des artistes, participe à la fondation de l’ADAGP et milite en faveur de la paix. Plusieurs rétrospectives saluent son œuvre en Province et à Paris.
Très affaibli par un cancer du sang, il voyage néanmoins en Espagne, en Autriche et en Pologne. En 1953, la galerie Berheim-Jeune organise une rétrospective de ses œuvres. Les critiques sont élogieuses mais on lui reproche son retrait et son silence. Il accepte le Grand prix de sculpture de la ville de Paris pour Melpomène 36 alors qu’il avait refusé une promotion de la Légion d’honneur.
En 1954, le gouvernement polonais lui commande un Monument aux Déportés d’Auschwitz. Iché propose d’en faire une œuvre collective par la participation d’une œuvre issue de chaque nation touchée par la Déportation. À son retour de Pologne, après avoir brièvement inauguré l’exposition hommage qu’on lui rend à Toulouse, il décède brusquement à Paris le 23 décembre à l’âge de 57 ans.
[modifier] Sources bibliographiques récentes
- Koutouzis Philippe, Iché Rose-Hélène : René Iché, en DVD-Rom La Résistance en Île-de-France, AERI, 2004.
- Cariou André, Klinka Isabelle, Max Jacob, portraits d’artistes, Ed. Somogy, 2004.
- Imbernon Laurence, Tena Marjorie, René Iché, sculpteur. Ed. Tarabuste, 1997.
[modifier] Ses œuvres monumentales
- 1923, Étude de Lutteurs, granit,
- 1927, Monument aux morts 14-18 d'Ouveillan, marbre de Saint-Béat,
- 1932-34, Tombe de Charloun Rieu, 12 hauts-reliefs, pierre des Baux,
- 1932-34, La Jeune Tarentine, marbre de Carrare,
- 1932-34, Fragment de la Jeune Captive, marbre de Carrare,
- 1934, La Contrefleur, bois de chêne
- 1936-37, Exposition Universelle, Jacob et l'ange, l'homme et la pieuvre etc, béton armé,
- 1937, Guernica, plâtre
- 1939, Melpomène 36, pierre de lézinnes
- 1940, La Déchirée, marbre de Carrare
- 1942-46, Lutteurs à terre, béton
- 1945, Lutteurs, marbre rose du Portugal
- 1948, Monument à la Résistance de Carcassonne, pierre
- 1948, Monument aux Otages de Puiseaux, pierre
- 1949, Tombe de Max Jacob, bronze
- 1949, Plaque à Germaine et Émilie Tillion, granit
- 1951-53, Palais des Arts de Narbonne, béton
- 1954, Projet pour Auschwitz, plâtre (inédit)
