Écologie politique
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L'écologie politique est un ensemble de courants de pensée, largement diffusés depuis les années 1970, qui insistent sur la prise en compte des enjeux écologiques dans l'action politique et dans l'organisation sociale. Versant politique de l'écologisme, elle utilise les résultats de l'écologie scientifique.
[modifier] Origine
Historiquement, il allait de soi - en tout cas dans le monde occidental - que l'homme était au centre de l'« environnement » et il était « normal » de penser que l'homme pouvait transformer son milieu sans toujours penser qu'il n'en était pas le créateur mais un de ses éléments, certes essentiel. Il était dans la norme de croire qu'il était possible de maîtriser la vie et les forces de la nature, qu'elles pourraient se plier à chacune de nos actions.
L'écologie s'était donnée pour objectif d'étudier les rapports entre un organisme et son milieu naturel. L'écologie politique fait en quelque sorte suite à la prise de conscience des limites de l'anthropocentrisme, mais pose aussi des questions essentielles en anthropologie.
L'écologie politique cherche à développer la prise de conscience de l'empreinte de l'être humain sur son milieu, y compris dans ses aspects politiques, sociaux, et sociétaux : le terme est apparu dans les années 1970, par opposition à certains mouvements "écologistes" qui avaient tendance à ne pas inclure ces aspects dans leur réflexion. Il s'agissait de remettre en question l'interaction entre l'être humain et son environnement, y compris dans les programmes politiques. Une première étude du Club de Rome avait été publiée au début des années 1970, mais son impact avait concerné des individus plus que des mouvements politiques en tant que tels.
Plusieurs mouvements et partis politiques sont apparus dans la foulée dans plusieurs pays développés. En France en 1977, ils obtenaient souvent aux élections municipales plus de 10% des voix, voire 15 ou 20%, y compris dans les plus grandes villes, dont Paris. Au début ces mouvements, qui aspiraient à une profonde remise en question de la société, ne se prononçaient (donc) pas pour la gauche ou la droite, toutes deux assez marquées par le productivisme et un certain conservatisme au niveau des questions environnementales.
A partir de la fin des années 1970, le mode de scrutin français imposant une alliance préalable pour obtenir le pouvoir et être associé à des changements politiques, les écologistes français se sont répartis sur l'échiquier politique : Les Verts ont opté pour une alliance à gauche, et des mouvements comme Génération écologie (Brice Lalonde) ou CAP 21 (Corinne Lepage) plutôt pour une alliance à droite. Notons cependant que certains mouvements écologistes (comme le Mouvement écologiste indépendant d'Antoine Waechter) sont toujours sur la ligne "ni droite ni gauche".
On nomme écologie politique une écologie de l'espèce humaine - espèce qui a recours à la politique pour assurer son avenir et celui de sa descendance. Elle constitue également un mouvement social pour transformer la société, dans un sens plus conforme à une vision écologique (globale, intégrant les générations ultérieures) des réalités. Plus qu'une politique, on peut la considérer comme une éthique, aspirant à une plus grande harmonie, autonomie, solidarité, efficacité et responsabilité.
En tant que politique sociale, elle prend en compte les conséquences de nos actes sur notre milieu, non seulement écologique, mais aussi humain, social et sociétal. Avec en particulier l'impact sur notre santé, celle des autres, et sur celles des générations futures.
[modifier] Philosophie
Les analyses qui ont amené à l'écologie politique viennent de ce que, peu à peu, les êtres humains prennent du recul sur leurs constructions collectives, même si penser que l'humanité en est capable peut sembler optimiste. Certains espèrent l'avènement d'une nouvelle révolution copernicienne, qui permettra de mieux prendre en compte les effets sur le vivant, sur les cycles et les ressources naturelles, de nos modes de vie, de consommation et de production, de nos activités de recherche et de nos technologies, y compris pour les générations futures.
L'écologie politique doit ainsi s'appuyer sur des principes de droit (droit de l'environnement, droit public,...), lesquels peuvent prendre leurs sources dans la philosophie de la nature, ou d'autres thèmes de la philosophie.
Les différentes idées et le système de valeurs utilisés par les penseurs de l'écologie politique sont regroupées sous le nom : écologisme.
En France, l'écologie politique est numériquement une minorité, bien que certaines de ses valeurs fondamentales (préserver nos ressources pour les générations futures) soient sans doute (sur le papier) partagées par le plus grand nombre. On peut lui attribuer l'inclusion en 2005 d'une Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution française et la généralisation croissante du recyclage des déchets.
[modifier] Les enseignements de l'histoire
L'histoire nous montre deux civilisations dont le déclin semble lié à la méconnaissance des enjeux écologiques et de la nécessité de respecter des équilibres fondamentaux :
- L'île de Pâques : les Pascuans ayant déboisé leur île, les éléments fertiles des terres ont été peu à peu entraînés dans la mer, diminuant les rations alimentaires disponibles et menant à des guerres civiles. Lorsqu'on découvrit leur île, les Pascuans ne savaient plus ni comment leurs ancêtres avaient édifié leurs statues, ni même déchiffrer l'écriture qui se trouvait dessus (voir [1]).
- Les Mayas : Les Mayas dataient tous leurs bâtiments avec une précision extrême. On s'aperçoit que dans un laps de temps très bref ils ont abandonné leur capitale et commencé à en construire une autre 400 kilomètres plus loin. Des éléments historiques incitent à penser que cet abandon subit était lié aux difficultés d'approvisionnement de l'ancienne capitale dues à l'épuisement progressif des terres, et aux guerres intestines qui suivirent les famines correspondantes.
Ce qui est arrivé hier - très probablement - à deux civilisations pourrait se produire demain pour la planète. Rien en tout cas ne semble nous garantir le contraire. Qui ne tire pas les enseignements de l'histoire s'expose, dit-on, à la revivre.
Mesures écologiques :
L'Île Maurice est célèbre comme illustration de la disparition d'espèces avec le cas du Dodo, oiseau endémique de l'île, elle a connu les premières lois à caractère écologique.
Lorsqu'en 1710, elle passe sous le contrôle de la France, elle est renommée Île de France, son gouverneur est un botaniste qui, conscient des effets de la colonisation, va prendre des mesures législatives visant par exemple à obliger au maintien d'un quart des propriétés en forêts afin de lutter contre l'érosion des sols, garantir des microclimats favorables.
On pourrait même parler de mesures de développement durable qui combinent protection des ressources naturelles et productivité économique.
- voir aussi écologisme#Histoire de l'écologisme pour des premières lois protégeant l'environnement.
[modifier] Comparaisons
L'écologie politique s'inscrit dans la lignée des mouvements humains, tels que le mouvement ouvrier, la démocratie républicaine, le socialisme, le féminisme, le régionalisme, etc. Elle est née dans les années soixante-dix, suite aux événements de mai 68 et aux chocs pétroliers. Et aussi en réaction croissante de certains êtres humains (organismes) face à la destruction de l'écosystème (leur milieu). L'écologie politique lutte contre l'uniformisation de la culture et des productions. Elle se bat pour la reconnaissance des minorités et l'égalité de leurs droits. Une de ses originalités réside dans la mise en place de priorités différentes, dans une volonté de remettre le citoyen au centre du débat politique.
L'écologie politique, telle que vue par Alain Lipietz, André Gorz ou Murray Bookchin, présente des similitudes avec le marxisme, car elle s'appuie sur une critique et une connaissance théorique de « l'ordre des choses existant ». Cependant, elle intègre le rapport humanité/nature et le rapport des humains entre eux dans la nature. Et elle ne se borne pas à voir dans l'histoire un rapport de force entre détenteurs du capital et travailleurs, elle cherche à transcender cette dichotomie. Elle est avant tout matérialiste et progressiste.
Certains courants sont moins matérialistes, plus tournés vers l'écologie profonde, la spiritualité. D'autres vers les écovillages, la décroissance ou les économies d'energie. Il est fréquent que les Verts se voient reprocher leur fondamentalisme, leur réalisme ou au contraire leur gauchisme (suite à l'adhésion de militants venus de l'extrême gauche ou du PSU, aux alentours de 1992).
Certains courants s'affirment au contraire pour le libéralisme économique, l'étatisme soviétique ayant montré encore plus de mépris pour l'environnement que les sociétés capitalistes occidentales. De nombreux sites en Russie ou dans l'ancien bloc de l'Est font d'ailleurs peser d'extraordinaires menaces sur la planète : sous-marins nucléaires dépérissant, avec leurs matières fissiles -voire leurs ogives- non protégées, déchets nucléaires ou produits chimiques très toxiques relachés en grande quantité en pleine mer et dans des récipients très peu étanches, pour ne prendre que ces exemples. Plusieurs centrales nucléaires (du type de Tchernobyl) continuent de fonctionner dans les pays ayant été républiques socialistes, alors qu'elles représentent des risques importants pour leur environnement immédiat ou pour la planète entière.
[modifier] Ecologie politique et approche systémique
Dans tous les cas, le caractère "politique" de ces courants invitent à des actions systémiques sur le monde : la plupart des interactions d'un individu avec son milieu dépend non de ses seules propres actions, mais des actions de ses voisins ou autres citoyens de la planète. Il faut alors agir sur les systèmes qui nous englobent, et ce qui diffère entre les courants d'écologie politique, c'est la façon proposée pour faire évoluer ces systèmes.
Le protocole de Kyōto, avec son option prévoyant la revente de « droits d’émission » de gaz à effet de serre, est un parfait exemple d'aboutissement (encore partiel, même s'il a nécessité de nombreuses années, avant et après le Deuxième Sommet de la Terre à Rio en 1992) de l'écologie politique, dans ses différentes composantes :
- il est clairement systémique : planétaire, il vise à limiter l'ampleur des catastrophes futures, liées au réchauffement climatique, au-delà des phénomènes déjà constatés, avec des conséquences importantes sur la santé
- il intègre un mécanisme "libéral" pour accélérer les actions visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
[modifier] Tendances de l'écologie politique
[modifier] En France
L'écologie politique s'est manifestée selon trois principaux courants depuis le début des années 1970 en France. Jean Jacob[1] repère dans un premier temps une opposition entre un « naturalisme subversif » qui se développe autour de Brice Lalonde et un « naturalisme conservateur » incarné par Antoine Waechter. C'est toutefois une écologie ancrée à gauche, depuis 1994, qui domine aujourd'hui au niveau des militants chez les Verts avec Dominique Voynet. Au-delà des querelles de personnes, ces courants se distinguent par leur pensée de l'écologie ainsi que par leur attitude à l'égard des clivages politiques traditionnels. Une remise en cause de cette orientation a lieu actuellement avec Nicolas_Hulot.
[modifier] Pour des structures souples œuvrant à une réconciliation entre l'homme et la nature (Brice Lalonde)
Dans le sillage de mai 68, des mouvements privilégient les droits des minorités, envisagent une cohabitation harmonieuse entre homme et nature et peuvent trouver leur place à différentes places de l'échiquier politique. Dans les années 1970, Brice Lalonde est le représentant le plus en vue de l'association Les Amis de la Terre. Il participe au Mouvement écologique, simple confédération d'associations. Il donne alors la priorité à la constitution de réseaux associatifs susceptibles d'avoir une action politique ponctuelle.
En 1981, face à Philippe Lebreton, il s'impose comme candidat unique des écologistes à l'élection présidentielle et obtient 3,9% des voix.
Il se retrouve marginalisé lors de la création des Verts, qui se veulent un véritable parti politique. Il créera son propre parti, Génération écologie, en 1990, mais continuera à évoluer politiquement : il soutient François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac en 1995 et se rapproche d'Alain Madelin.
Aux régionales de mars 1992, Génération écologie de Brice Lalonde et les Verts obtiennent chacun environ 7% des voix (en tout, plus de trois millions et demi de bulletins de vote portant la mention " écologie ").
[modifier] Pour un parti écologiste indépendant, luttant en faveur de la nature menacée par l'homme (A. Waechter)
Dès le début des années 1970, Antoine Waechter veut inscrire l'action politique des écologistes dans le cadre d'un parti politique : avec Solange Fernex, il crée en 1973 Écologie et survie, l'un des premiers partis politiques écologistes. Par la suite, il participe à la création du Mouvement d'écologie politique, version plus formalisée que le Mouvement écologiste qui l'a précédé. Il dirige les Verts de 1986 à sa mise en minorité en 1994. Il crée alors le Mouvement écologiste indépendant (MEI) mais perd une grande partie de son influence sur la scène politique.
Malgré cette inscription dans le cadre d'un parti politique de type traditionnel, Waechter insiste de manière permanente sur l'originalité de la démarche écologique, qui s'oppose à tout ralliement d'ensemble à un bord politique ou à un autre : « l'écologie politique n'est pas à marier ».
Waechter adopte une position de type conservatrice face à la nature, qui doit être préservée dans son état originel autant que possible. Face à l'explosion démographique, à l'augmentation des mobilités et à un développement non maîtrisé des techniques, il conviendrait de limiter l'emprise de l'homme sur la nature et de lutter contre une production illimitée de biens matériels et de richesses. Il préconise la sauvegarde de la diversité, non seulement des espèces, mais aussi des communautés et des cultures en soulignant l'attachement des hommes à leur territoire[2].
[modifier] Pour une écologie ancrée à gauche (R. Dumont, D. Voynet)
René Dumont est la première grande figure de l'écologie politique en France. Tiers-mondiste réputé dans les années 1960, il s'intéresse aux questions écologistes développées par le rapport au Club de Rome de 1972 et se présente à l'élection présidentielle de 1974. Il bénéficie du soutien de la plupart des associations écologistes.
Au début des années 1990, la tendance favorable à une alliance à gauche l'emporte chez les Verts avec Dominique Voynet et Yves Cochet, notamment suite à l'adhésion de militants venus de l'extrême gauche ou du PSU, vers 1992. Après le départ d'Antoine Waechter, Dominique Voynet est choisie comme candidate à l'élection présidentielle de 1995 (3,32% des voix). Elle occupe un poste important de ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement dans le gouvernement de Lionel Jospin.
En juin 1999, Daniel Cohn-Bendit, qui se revendiquera la même année libéral-libertaire, est tête de liste des Verts en France (sa liste obtient 9,72% des voix (1 715 729), second meilleur résultat des Verts français aux élections européennes après celui d'Antoine Waechter (10,6% des voix, 1 922 945) en 1989.
C'est Noël Mamère, ancien de Génération écologie, qui représentera les Verts en 2002, où il sera le premier candidat écologiste à obtenir aux élections présidentielles plus de 5 % des suffrages.
[modifier] La démarche de Corinne Lepage et CAP21
Considérée par les médias comme écologiste de droite de par sa participation au gouvernement Juppé (Ministre de l'Environnement entre 1995 et 1997), Corinne Lepage se réclame ni de droite ni de gauche. Elle se présente aux élections présidentielles de 2002 et recueille 1,88% des voix. La liste qu’elle conduit aux élections européennes de juin 2004 sur la circonscription Ile de France recueillera 3,6% des voix.
[modifier] La démarche originale de Nicolas Hulot
Aujourd'hui, Nicolas Hulot tente d'influencer les politiques de l'environnement par le contact direct avec les décideurs politiques, en demandant aux candidats à la présidentielle de répondre à une série de questions, notamment sur le dérèglement climatique ; se limitant aux questions purement écologiques, il ne crée pas de parti politique mais n'exclut pas toutefois de se présenter à l'élection présidentielle, devant le peu d'empressement des candidats des partis traditionnels à répondre à ces questions.
Sa démarche vise à faire pression sur les hommes et appareils politiques :" Il faut placer les enjeux écologiques au cœur des élections présidentielles ! 9 Français sur 10 estiment nécessaire de changer profondément de politique pour faire face au risque écologique, 52% souhaitent que la protection de l’environnement soit parmi les objectifs prioritaires du futur président."
[modifier] Voir aussi
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[modifier] Articles connexes
- éthique environnementale
- Droit de l'environnement
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- écologie profonde
- Ecologie
- Mouvements et partis politiques
- Politique
[modifier] Partis écologistes
[modifier] Autres mouvements se réclamant de l'écologie politique
- Chiche!
- Alternative rouge et verte (Arev)
- la Fédération des Jeunes Écolos Européens (FJEE)
- éco-socialisme
- Décroissance soutenable
- Technophobie
- Courants anti-industriels
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- EcoRev'
- Cosmopolitiques
- The Ecologist ou L'Écologiste
- Combat Nature
[modifier] Des outils d'écologie politique
- Le développement durable
- Le commerce équitable
- La démocratie participative
- L'agriculture biologique
- L'écologie du travail
- La dette écologique
- La décroissance soutenable
[modifier] Des penseurs de l'écologie politique
- Bernard Charbonneau
- Jacques Ellul
- Ivan Illich
- René Dumont
- André Gorz
- Alain Lipietz
- Jean Zin
- Edward Goldsmith
- Jean Ouimet
- Félix Guattari
[modifier] Notes et références
- ↑ Jean Jacob, Histoire de l'écologie politique, Albin Michel, 1999.
- ↑ Textes fondateurs du MEI d'Antoine Waechter, 1994.
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