Choc des civilisations
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La théorie du choc des civilisations défendue par Samuel Huntington est très contestée dans le milieu intellectuel et universitaire nord-américain.
Elle constitue un tenant de la base idéologique de la guerre contre le terrorisme et influe les moyens de la lutte associée à ce programme.
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[modifier] Le livre de Samuel Huntington
Pour le professeur Huntington, la chute du mur de Berlin annonce le passage d'un monde caractérisé par des clivages idéologiques, entre communisme et capitalisme, ou impérialisme et anti-impérialisme, à un monde marqué par des clivages culturels. Pour appuyer cette thèse, Huntington montre que la chute des idéologies s'est accompagnée d'une résurgence des sentiments identitaires, que ce soit dans le monde musulman, avec le réveil de l'islam radical, qu'en Asie ou dans les pays d'Europe orientale, qui ont fait leur révolution au nom de leur nation et de leur culture, comme en Pologne.
Le deuxième temps de la thèse d'Huntington consiste à affirmer que ce réveil identitaire ne s'affirme plus par le biais des nations, comme au XIXe et au XXe siècle, ni des ethnies, mais à l'échelle civilisationnelle, du fait de la mondialisation des échanges. Or pour Huntington, les civilisations ont toutes pour origine une grande religion, qui en a formé le socle moral et politique.
[modifier] Les découpes de Huntington
Dans son livre, Huntington décrit les civilisations suivantes :
- la chrétienté occidentale (Europe de l'Ouest, États-Unis, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), fondée sur le christianisme catholique et protestant ;
- la civilisation orthodoxe (Russie, Ukraine, Balkans orientaux, Grèce...), fondée sur le christianisme orthodoxe ;
- la civilisation latino-américaine (du Rio Grande à la Terre de Feu), fondée sur le catholicisme et les structures politiques latino-américaines corporatistes héritées de la colonisation ;
- la civilisation africaine (sans l'Afrique du Nord et la Corne de l'Afrique), civilisation pour laquelle Huntington reconnaît qu'il n'y a pas de religion dominante, mais plutôt un ensemble de pratiques animistes ;
- la civilisation islamique (du Sénégal à la Nouvelle-Guinée), fondée sur la religion musulmane ;
- la civilisation hindoue (centrée sur l'Inde, le Sri Lanka et la diaspora indienne), fondée sur la religion hindouiste ;
- la civilisation chinoise (Chine, Corée et Viêt Nam, mais aussi les Philippines inclus) ;
- la civilisation bouddhiste (discontinue, depuis l'Asie du Sud-Est au Tibet et à la Mongolie) ;
- la civilisation japonaise.
Les conflits civilisationnels peuvent selon Huntington se manifester de plusieurs manières :
- entre deux civilisations sur leur frontière : cas de l'Islam au contact des autres civilisations (Bosnie-Herzégovine, Cachemire, Nigéria...) ;
- entre civilisations du fait de la domination de l'Occident : les autres civilisations cherchent à s'affirmer face à un Occident dominateur ;
- à l'intérieur d'une civilisation : lutte de pouvoir pour le contrôle d'une civilisation, comme la lutte entre islamistes et réformateurs dans le monde islamique ;
- lutte à l'intérieur d'un pays : cas d'un pays déchiré entre plusieurs civilisations (Huntington cite la Turquie, le Mexique, la Russie et l'Australie).
[modifier] Critiques de la thèse du choc des civilisations
Parmi les détracteurs de M. Huntington et de sa thèse géopolitique figurent Naipaul, auquel se joint Edward Said dans l'introduction à la nouvelle édition de son œuvre majeure L'Orientalisme ; ils s'inscrivent en faux par rapport à cette définition des rapports du Monde.
Certains pensent que Samuel Huntington fait une confusion entre civilisation et religion. Ils trouvent une incohérence dans le raisonnement de l'auteur en montrant qu'effectivement ces notions se recoupent pour les musulmans et les hindous, mais cessent de se recouper pour les occidentaux et les latinos-américains, classés en deux civilisations, alors qu'ils partagent les mêmes religions (catholique et/ou protestante).
Ses détracteurs discutent donc l'idée de Huntington et de nombreux experts qui expliquent avec lui de cette façon des « conflits de culture entre monde occidental et monde islamique » et des « conflits économiques entre monde occidental et monde asiatique (civilisations bouddhiste, chinoise et japonaise) ».
Ils ont pour argument que le bloc asiatique, par exemple, est bien loin de constituer un ensemble homogène, et rappellent les dominations ou tentatives de domination des Birmans sur les Thaïs, des Thaïs sur les Khmers, des Vietnamiens sur les Khmers, des Chinois sur les Vietnamiens, des Chinois qui avaient été occupés par les Japonais, qui avaient aussi envahi la Corée, etc. Ils réfutent l'idée de bloc asiatique en constatant la faiblesse de la coopération régionale en Asie sur les plans militaire et économique.
Concernant le choc Occident-Asie, ils rappellent qu'il y a une très importante communauté asiatique en Amérique du Nord, que les investissements américains sont très importants en Asie et que le Japon détient depuis très longtemps une partie des bons du Trésor américain. Cela s'appelle une communauté d'intérêt.
À propos de ce que l'auteur appelle « civilisation islamique » : ses détracteurs admettent la notion de terre d'Islam, mais font remarquer que le monde musulman s'est divisé dès la mort de Mahomet entre les chiites et les sunnites, qui eux-mêmes se sont plus tard divisés respectivement en chiites duodécimains en Iran et Druzes au Liban et en Syrie, et entre sunnite malékites et chafiites en Afrique (respectivement ouest et est de l'Afrique), et qu'à chacun de ces courants, son interprétation du droit, de tradition, de la pratique, etc.
Ils font remarquer également qu'au sein de ce monde musulman, il y a plusieurs peuples, parfois hostiles entre eux : les Arabes, tout d'abord, en Afrique du Nord et au Moyen Orient, qui ne représentent que 20% des musulmans du monde, mais dont les nations qui constituent cette communauté se jalousent et se guerroient depuis leurs indépendances. Il y a ensuite les peuples turcs (Turquie, Turkménistan, Kazakstan, etc), perses (Iran, Tadjiks), les Pakistanais, le Penjabis du nord de l'Inde, les Javanais en Indonésie, les Pribumis de Malaisie, etc. Autant de peuples que d'histoires, parfois conflictuelles entre elles.
D'autres critiques enfin concernent les guerres, dont selon eux beaucoup ne répondent pas à cette notion de choc entre ces « civilisations » :
- entre 1980 et 1988, la guerre entre l'Iran et l'Irak (musulmans arabes et sunnites d'Irak contre musulmans perses et chiites d'Iran)
- entre 1990 et 1991, la guerre du Golfe, dans la coalition anti-Irak, on trouvait des musulmans (Égypte, Arabie-Saoudite, Turquie par exemple), alliés à des occidentaux, chrétiens.
- entre l'Erytrée et l'Ethiopie et autres ethnies d'Afrique.
Ils évoquent également les guerres possibles, entre Chinois de Taiwan et Chinois du continent, entre les deux Corée, etc. Passées ou potentielles, ces guerres selon eux ne répondent pas aux thèses de Huntington.
[modifier] Remarques
Certains affirment qu'il reprend (sans le citer, peut-être aussi sans le connaître) un travail de Mahdi Elmandjra, professeur d'économie à l'université de Rabat (Maroc) : pour lui, si la période du colonialisme a été caractérisée par des enjeux d'ordre économique, la période la suivant immédiatement, qu'il qualifie de "néocoloniale" par des enjeux d'ordre politique, le post-colonialisme pourrait être déterminé par des enjeux culturels, d'où le risque de « guerres civilisationnelles ».
Les thèses d’Huntington ont été développées dans le livre de Laurent Artur du Plessis La Troisième guerre mondiale a commencé paru en 2002.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
- Fin de l'histoire, une théorie qui lui fut opposée dans les années 1990.
- Civilisation universelle
- Concert des nations : définition géopolitique issue du XIXe siècle
- Terme repris et développé dans Manhattan-Kaboul
- Culture
[modifier] Liens externes
- (en) The Clash of civilisation , article de Foreign Affairs, Summer 1993, v72, n3, texte intégral
- (en) La thèse revisitée dans le "contexte post-11 septembre"
- (fr) Contre le choc des civilisations: un dialogue entre les cultures
- (fr) Le 'Choc des Civilisations' aura vécu, Afidora.
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