Beau
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Vous avez de Dire d'une personne, d'un objet, ou même d'une idée qu'il est beau c'est lui reconnaitre une certaine propriété jugée comme positive : la beauté. Mais celle-ci n'est pas d'ordre scientifique : on ne peut affirmer qu'un objet est beau par les seules lois de la physique ou des mathématiques. Elle n'est pas d'ordre moral : un homme beau n'est pas nécessairement un homme vertueux. Elle n'est pas non plus d'ordre pratique : un bel objet n'est pas obligatoirement utile. Elle est esthétique au sens kantien c'est à dire qu'il appartient à l'individu seul de juger de ce qui est beau en fonction de ses sentiments. Dès lors la réflexion sur le beau pose des difficultés particulières.
La distinction entre ce qui est beau et ce qui ne l'est pas varie suivant les époques et les individus. Ce que l'on entend même par sentiment du beau diffère selon les penseurs et bien des cultures n'ont pas de mot qui corresponde exactement au beau du français actuel. On considérera ici le beau comme le concept fondamental de la philosophie esthétique occidentale : est beau ce qui sur le plan esthétique est totalement satisfaisant. C'est sur ce présupposé que cet article tentera de donner un aperçu de ce que les hommes jugent -ou ont jugé- beau, et de donner à la notion de beauté une consistance philosophique.
Sommaire |
[modifier] Multiplicité de sentiments et d'opinions sur le beau
[modifier] Diversité des beaux objets
Dans l' Hippias majeur, Socrate demande ce qu'est le beau. Une réponse d'Hippias est: "une belle vierge, voilà ce qu'est le beau". Contre cette affirmation, Socrate fait valoir qu'il existe aussi de belles juments et de belles lyres. La diversité des beaux objets semble décourager l'analyse de la beauté en soi, et, de fait, ce dialogue de Platon se termine par une aporie: aucune définition satisfaisante du beau n'est trouvée.
[modifier] Diversité historique des idéaux esthétiques
La difficulté apparait plus grande encore lorsque l'on considère la transformations des canons esthétiques dans le Temps.
On peut situer une rupture majeure à partir du XVIIe siècle: la conception classique de la beauté est contestée, c’est le monde personnel que l’artiste produit qui devient important (comparer Vermeer et Rembrandt). Assez grossièrement, l'on pourrait dire que l'artiste grec ou le peintre de la Renaissance cherche à exprimer une beauté universelle, témoin de l'ordre éternel du cosmos ou de l'harmonie des proportions (voir l'Homme de Vitruve, de Léonard de Vinci), et que l'artiste moderne, en revanche, cherche à produire une émotion esthétique à la singularité irréductible. "Elle est belle, et plus que belle; elle est surprenante" écrit par exemple Baudelaire dans "Le désir de peindre" (Le Spleen de Paris).
[modifier] Sources culturelles des jugements de goût
L'analyse du beau est plus complexe encore si l'on prend en compte le fait que tous les individus ne perçoivent pas de la même manière un même objet.
On ne peut considérer comme beau un objet que s'il jouit d'une certaine reconnaissance, généralement d'origine culturelle. Dans Histoire de la beauté, Umberto Eco ce que l'Occident a jugé beaux à différentes époques. Il relève par exemple le fait qu'une machine n'était jamais considérée comme belle dans la Grèce antique mais l'est souvent à l'époque contemporaine. Pour reprendre le dialogue de Platon, on peut penser à l'indignation d'Hippias lorsque Socrate lui demande s'il existe de belles marmites.
La contemplation des œuvres d'art peut modifier le regard que l'on porte sur monde. Selon un exemple célèbre d'Oscar Wilde, la plupart des gens ne voient la beauté des paysages embrumés que dans la mesure où certains peintres leur ont appris à les regarder. Le beau soulève donc une double difficulté : il n'est pas appréhendé de la même façon suivant l'objet auquel il se rapporte et il n'est pas ressenti également suivant le passé esthétique du sujet.
[modifier] Beauté et raison
[modifier] Aristote: le beau comme finalité
Chez Aristote, l’idée de beauté-finalité s’ajoute à celle de beauté-perfection : ce qui est beau n'est pas dû au hasard, mais est réalisé en vue d’un but et . Ainsi l’imitation de la nature est contestée par Platon qui n’y voit que simulacre, mais est soutenue par Aristote dans la mesure où pour lui, la nature agit selon des fins qui rendent les choses belles.
[modifier] Hegel et le beau artistique
Hegel, maître de l’idéalisme allemand affirme une différence conceptuel entre beau de naturel et beau artistique. Pour lui, le beau artistique est «très au-dessus de la nature », parce qu’il est œuvre de l’esprit. Il a pour but « la présentation de la vérité » sous sa forme sensible et permet à l’homme d’accéder à la conscience de soi.
La notion moderne de beaux-arts n’existe pas dans la culture des grecs, qui privilégie l’esprit.
[modifier] Unité de la beauté
[modifier] L'idée de beau par delà le sensible
Une des façons les plus simples de définir la beauté est de la considérer comme une valeur, s’opposant à d’autres, par exemple l’utilité ou la vérité. On peut contester cette opposition en affirmant comme dans certaines formes d’idéalisme qu'il y a unité des valeurs positives (le beau, le bien, le vrai), pourtant chacun sent bien que ces identifications ne vont pas de soi.
Dans le Banquet, Platon montre comment on peut passer du désir des beaux corps à l’amour des belles âmes pour parvenir à la contemplation de la beauté en soi. Etre beau, c’est alors se rapprocher d’un idéal, c’est être ce qui doit être, ce qui assimile la beauté à la perfection esthétique. On associe parfois l’harmonie avec l’ordonnancement mathématique, comme en musique ou dans la fameuse sectio aurea ou encore chez Platon et les pythagoriciens.
Platon distingue 3 étapes dans l'initiation à la Beauté : la purification, l'ascension et la contemplation.
Platon, comme Aristote après lui, associe le beau et l’harmonieux, dans lequel chaque partie d’un ensemble est accordée au tout. (voir par exemple la conception tripartite de l’âme ou de la cité dans La République)
[modifier] Des critères universels du beau
[modifier] Critères subjectifs (Hume)
Pour Hume « La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente », de plus « le plaisir et la douleur ne sont pas seulement les compagnons nécessaires de la beauté et de la laideur, ils en sont l’essence même ». L’empirisme tente alors une réduction de l’esthétique à la notion empirique de plaisir. On pourrait de ce point de vue définir la beauté comme une propriété qu'un homme attiribue à un objet qui lui procure une certaine forme de plaisir.
[modifier] La position kantienne
Le relativisme absolu qui en découle gêne Hume lui-même : dans La norme du goût, il évoque l’unité de l’espèce humaine et le rôle de l’éducation pour expliquer l’accord général des hommes au sujet du beau.
Kant, dans la Critique de la faculté de juger, accorde à l’école empiriste qu’il n’y a ni règle ni de critère de beauté. Mais Kant remarque aussi que la beauté n’est pas nécessaire au plaisir et réciproquement. De plus il souligne qu’il y a dans tout jugement esthétique une prétention à l’universalité et à l’objectivité. Elle n’est simplement pas démontrable : « le beau est ce qui plait universellement et sans concept. » La beauté est pour Kant une « satisfaction désintéressée », une finalité sans représentation, une impression que tout est à sa place.
[modifier] L'irréductible diversité des émotions esthétiques
[modifier] Le sublime
Edmund Burke, puis Kant estiment que la beauté n’est pas l’unique valeur esthétique. On peut lier leur réfkexion à l'essor du préromantisme à partir de milieu XVIIIe siècle. Devant une tempête déchaînée ou une symphonie de Beethoven, c’est le sentiment du sublime, plus que du beau, qui domine. Né de la volonté d’exprimer l’inexprimable, le goût du sublime va peu à peu détrôner celui du beau.
[modifier] La conception moderne de la beauté artistique
À partir du XIXe siècle, la beauté au sens classique n’intéresse plus guère les philosophes qui se consacrent plutôt à l’analyse de la signification des œuvres d’art. Les qualités valorisées sont l’inventivité, la richesse d’imagination, la force subversive. La stridence et la dissonance remplacent souvent l’harmonie, suscitant un plaisir esthétique paradoxal, mais authentique.
[modifier] Les effets du beau
La contemplation du beau peut s'accompagner d'une libération des troubles de l'âme et du corps qui touchent l'homme au plus profond de lui même.
[modifier] La beauté dans la vie
[modifier] Un idéal toujours d'actualité
Malgré l'évolution des conceptions artistiques modernes, la beauté occupe une place importante dans notre vie. Nous aimons ce qui est beau et nous aimons vivre dans un bel environnement. Nous voulons atteindre la beauté parfaite car nous sommes des êtres insatisfaits désirant toujours et toujours plus (cf. Jean-Jacques Rousseau).
[modifier] Un idéal subjectif
Ce désir de beauté parfaite nous montre que nous ne vivons pas dans un rapport harmonieux avec la nature car nous voulons sans cesse la dépasser et rivaliser malgré tout avec elle. En ce sens, la notion est avant tout subjective, les critères de la beauté n'ayant pu recevoir de définition universelle.
[modifier] Beauté et transcendance
Le pape Pie XII, dans sa Lettre aux artistes, notait : « Le beau doit nous élever. La fonction de tout art consiste à briser l'espace étroit et angoissant du fini dans lequel est plongé l'Homme tant qu'il vit ici-bas, pour ouvrir une sorte de fenêtre à son esprit qui tend vers l'infini. »
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
textes antiques:
- Platon, Hippias majeur, Phèdre, Le Banquet (-IVe siècle)
- Plotin, "Du beau" (dans la première Ennéade) (-IIIe siècle)
Philosophie moderne:
- Kant, Critique de la faculté de juger (première partie) (1790)
- Hegel, Esthétique
autres textes:
- Jean Lacoste, L’idée de beau, Bordas, 1986
- Umberto Eco (sous la direction d'), Histoire de la beauté, Flammarion 2004
- François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel 2006
[modifier] Articles connexes
 |
Portail de la philosophie – Accédez aux articles de Wikipédia concernant la philosophie. |
