Motte féodale
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Le terme de motte féodale était utilisé en castellologie pour définir un ouvrage de défense construit en terre et bois. Autres dénominations qui tendent désormais à être utilisées : motte castrale, château à motte.
La motte castrale est généralement composée d'un rehaussement important de terre rapportée et tassée, de forme circulaire, la motte, au sommet de laquelle est élevée une tour centrale, ayant fonction de donjon, un puits est parfois creusé à l'intérieur.
Une première enceinte de bois entoure le sommet de la motte (la haute cour). Une seconde enceinte plus vaste, renforcée de fossés, (la basse cour), de forme variable (circulaire, ovoïde, etc.) est créée autour de la motte elle-même. Cet ensemble constitue parfois un refuge ultime pour les populations environnantes, et est souvent à l'origine de châteaux forts ou de villages fortifiés. Aucune motte castrale n'est parvenue jusqu'à nous dans son état originel, les constructions de bois ont disparu et la motte elle-même a parfois été arasée volontairement. La toponymie, cependant, garde de nombreuses traces de l'existence de mottes disparues, noms de villes ou villages, Lamotte-Beuvron, Lamothe-Cassel, lieux dits la Motte, le Mottier etc.
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[modifier] Aire de diffusion
L'aire de diffusion de la motte concerne essentiellement les territoires du Nord-Ouest de l'Europe (Irlande après le colonisation normande, Bretagne, Angleterre, Normandie, Pays de la Loire, Île-de-France, Picardie, Pays-Bas méridionaux et septentrionaux). À mesure que l'on avance vers le sud, elle se raréfie. Elle n'est cependant pas absente en France méridionale (Tuc en Gascogne) et dans le nord-ouest de la Péninsule ibérique, et a été introduite en Italie méridionale et en Sicile par les conquérants normands dans la deuxième moitié du XIe siècle. Il existe des établissements tout à fait comparables au Japon où les structures sociales sont également fondées, à partir du XVIe siècle de notre ère, sur des relations sociales dites féodales.
[modifier] Origine historique
Le discours le plus courant les fait remonter au XIe siècle, période qui verrait la dissolution de l'autorité publique au profit de petits seigneurs locaux s'affirmant par la construction de châteaux. Cette vague de constructions à motte verrait donc la domination du groupe aristocratique s'affirmer sur les hommes que l'on regroupe dans la basse-cour : c'est l'encellullement, corollaire de l'incastellamento en Italie centrale. Même si, d'un point de vue historiographique, ce paradigme de la « mutation féodale » (c.à d. l'évolution brutale des structures de la société vers une organisation féodale aux alentours de l'an Mil) est largement remis en question, l'émergence des mottes à cette époque pose de plus en plus problème. De récents travaux archéologiques ont bien montré que les mottes occupent bien souvent le site d'une aula (palais) seigneuriale antérieure qu'elles recouvrent. Certaines fouilles de mottes ont également montré que l'apparition de levées de terre portant un habitat aristocratique pouvait précéder (par ex : à Boves, Picardie) ou, au contraire, être bien postérieures à l'an mil et dater de la fin du XIe siècle.
La motte, d'après les travaux de Jean-François Maréchal, spécialiste de la question, ne servait pas de support, toujours artificiel, du moins en partie, à l'élévation d'une tour de guet, contrairement à qu'on pense généralement (c'est un non-sens de croire qu'une butte artificielle de terre fraîche puisse supporter une tour de plusieurs étages sans risque d'affaissement), mais constitue un « emmottement » ou talutage des fondations d'une véritable tour de défense qui est même à l'origine du donjon. Cette technique avait pour but de les préserver de l'attaque au bélier, de la sape, et d'éloigner les beffroys ou tours roulantes. Ce « fruit » de terre a précédé celui de pierre destiné à renforcer la base d'une construction de pierre et à servir en plus de contrefort. Sur la tapisserie de Bayeux on peut d'ailleurs voir les soldats de Guillaume en train d'"emmotter" une tour en cours d'élévation et dont les pièces détachées ont été apportées par bateau. Les fouilles de Doué-la-Fontaine par Michel de Bouärd, autre archéologue qui a beaucoup travaillé sur la question, ont révélé aussi le renforcement d'une maison carolingienne par emmottement de ses murs dont les ouvertures ont été préalablement obstruées et qui ont été surélevés en vue de la transformer en véritable donjon. Nous tenons donc là, selon J.-F. Maréchal, l'origine de ce donjon qui devait connaître un extraordinaire développement par la suite et perdurer pendant trois siècles… il a même encore servi pendant la Guerre de Cent Ans !
Le donjon-à-motte est un véritable chef d'œuvre d'architecture militaire, très efficace, difficile à prendre et ne requérant qu'un minimum de défenseurs. Les pentes de la motte devaient être, toujours suivant cet auteur, plantées d'arbustes épineux qui jouaient le rôle de « fils de fer barbelés », comme le faisaient déjà les Gaulois, d'après César, pour défendre leurs camps ou même leurs habitations. D'où son succès à travers toute l'Europe qui se hérisse de ces premiers châteaux forts comprenant déjà « chemise », murs crénelés, souterrain et puits dans la "cavea" servant en outre de magasin d'armes et de provisions (et même de « glacière »), passerelles préfigurant le pont-levis, et basse-cour fossoyée et palissadée…
[modifier] Un aspect symbolique de la motte
Au même titre que la tour (donjon) ou, à l'époque moderne, le pigeonnier, la motte est véritablement le symbole du pouvoir féodal détenu par les seigneurs. L'écrasante majorité des mottes, dans l'ouest de la France notamment, ne présente aucune valeur militaire efficiente et, par leur situation en bordure des limites paroissiales, témoignent de la volonté des seigneurs de créer un autre pôle de pouvoir, distinct du pouvoir ecclésiastique symbolisé par l'église et son clocher.
Par la suite, certaines mottes féodales seront réutilisées pour des constructions en pierres remplaçant les constructions en bois et deviendront le centre d'un château féodal, un exemple parfait étant le château de Gisors (Eure).
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- Gabiel Fournier, Le Château dans la France médiévale, Aubier Montaigne, coll. « Sciences Humaines », Paris, 1978.
[modifier] Liens externes
- Visite de la motte castrale de Boves (Picardie)
- Fouilles de la motte dite Butte du château à Bretoncelles
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