Treize principes de Rabbi Ishmaël
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La Baraïta de Rabbi Ishmaël, qui contient ses treize principes d'herméneutique, se trouve en introduction au Sifra (commentaire sur le Lévitique, aussi appelé Torat Cohanim). Il s'agit d'un développement des sept principes de Hillel, eux aussi exposés dans l'introduction au Sifra, en vue de réaliser l'exégèse légalistique de la Torah. Il n'est pas certain que Rabbi Ishmaël ait établi cette classification lui-même, d'aucuns attribuant l'initiative à Rabbi Juda Hanassi.
Quoiqu'il en soit, cette baraïta a été incluse dans le rituel de l'office du matin (Shaharit), probablement afin de faciliter sa mémorisation.
[modifier] Premier principe : Kal va'homer (« léger et consistant »)
Le Kal Vah'omer (ou Qal va'Homer) est un principe logique d'a fortiori (à plus forte raison), déduisant une loi non connue dans une situation importante, à partir d'un principe énoncé dans une situation de moindre importance. Il s'applique pour restreindre comme pour élargir.
A rapprocher de Qui peut le plus peut le moins (et inversement).
Exemple talmudique (Traité H'oulin 60a) :
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- "Rabbi H'anina bar Papa explique: lorsque D. a ordonné aux arbres d'apparaître suivant des espèces distinctes, les herbes en ont déduit un KAL VAH'OMER en ce qui les concerne: si déjà D. a demandé aux arbres qui ne poussent pas dans un inséparable mélange, de conserver des espèces distinctes, à plus forte raison les herbes qui poussent complètement mélangées, le doivent aussi. Immédiatement, elles ont apparues chacune suivant son espèce. Alors l'ange du monde a entonné: 'Que la gloire de D. soit partout, que D. se réjouisse de ses œuvres'. (Psaumes 104-31)"
[modifier] second principe : Gzera Shava (« même sentence »)
Il s'agit d'une inférence par analogie : la similitude de deux expressions en deux occurrences a priori différentes permet de déduire que les règles appliquées à un cas sont applicables à l'autre.
En d'autres mots, lorsque la Torah utilise en deux endroits un terme similaire, et généralement rare, on en infère qu'il existe un rapport, tel que ce qui est dit à propos du verset et des lois qui en sont dérivées peut être appliqué dans l'autre cas.
Exemple talmudique (Traité Meguilla 17b) :
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- Deut 25:17 : Souviens-toi (zakhor) de ce que te fit Amalek pendant la route, lors de votre sortie d'Égypte
- Esther 9:28 : Ainsi commémorés (nizkarim) et célébrés de génération en génération, dans chaque famille, dans chaque province, chaque ville, ces jours des Pourim ne disparaîtront pas de chez les Juifs, leur souvenir ne périra pas au sein de leur semence.
ATTENTION: alors que tout un chacun peut suggérer un kal va'homer, une gzera shava ne peut être présentée que par des Rabbanim du Talmud, qui se basaient sur une tradition reçue.
[modifier] Troisième principe : Binyan Av (« construction d'après un principe »)
Littéralement, "construction d'un principe à partir d'un ou deux versets" : on déduit, sur base de l'énoncé en un ou deux versets d'un principe (av), ses applications dans un champ de situations similaires.
[modifier] Binyan Av miktav e'had
Inférence d'une règle à partir d'un principe exposé dans un seul verset
- Deut. 19:15:"Un seul témoin ne suffira pas contre un homme pour constater un crime ou un péché, quel qu`il soit; par la bouche de deux témoins, ou par la bouche de trois témoins, un fait pourra s'établir".
- Talmud (traité Sanhédrin 30 a) :
- "Où est-il dit 'un (au sens indéterminé) témoin ne peut valider', ne sais-je pas s'il ne s'agit que d'un (1) témoin ? (En fait,)lorsque la Torah précise ici 'un témoin', elle crée un binyan : là où la Torah dit 'un témoin', elle fait référence à deux témoins, sauf précision du contraire"
La validité d'un témoignage est discutée en beaucoup d'endroits dans la Torah, mais il n'y a que dans ce passage du Deutéronome où l'on insiste sur le fait que deux témoins sont requis pour établir un fait.
Partant, on applique ce principe à toutes les situations requérant un témoignage.
[modifier] Binyan Av mishnei ktouvim
Inférence à partir d'un enseignement général provenant de deux versets (congruents)
Exemple midrashique :
- Ex. 21:26-27
- Si un homme frappe l'œil de son esclave ou l'œil de sa servante et l'éborgne, il lui rendra la liberté en compensation de son œil.
- Et s'il fait tomber une dent de son esclave ou une dent de sa servante, il lui rendra la liberté en compensation de sa dent.
- La Mekhilta en déduit :
- Ici, dent et œil sont spécifiés. Puis-je ne déduire que cela s'applique à n'importe quelle partie du corps? On peut faire un binyan av mishnei ktouvim (à partir de deux versets): dents et yeux sont différents [en matière de dommage;la Torah mentionne "œil" au verset 26 et "dent" au verset 27, car si elle ne l'avait pas fait, on n'aurait pas pu extrapoler].
- Ce qu'ils ont en commun, c'est qu'il s'agit de blessures irréparables, visibles et que le tort est intentionnellement causé. En conséquence, "toute blessure irréparable, visible et intentionnellement infligées font que l'esclave canaanéen doit être affranchi."
[modifier] Quatrième principe : Klal oufrat (« règle générale et cas particulier »)
Lorsqu'une affirmation générale est suivie d'une affirmation particulière, celle-ci restreint la règle à première vue générale à ce cas spécifique.
Exemple biblique:
- Lev. 1:2 :Parle aux fils d'Israël, et dis-leur: si quelqu'un d'entre vous veut offrir une offrande à l'Éternel, vous présenterez votre offrande de bétail, du gros ou du menu bétail.
- "si quelqu'un d'entre vous veut offrir une offrande de bétail" : c'est le klal (la généralité)
- "une offrande de gros ou du menu bétail" : c'est le prat (le cas spécifique, l'exception) -- seuls le gros et le petit bétail sont prescrits par la Torah.
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- Le verset de la Torah cite d'abord ce qui est commun aux différents cas (le klal), avant de nommer ce qui est spécifique (le prat).
En ce cas, les détails nommés en dernier constitueront la seule règle et ne sont pas considérés comme une illustration de la règle générale (ils en limitent donc la portée).
- Le verset de la Torah cite d'abord ce qui est commun aux différents cas (le klal), avant de nommer ce qui est spécifique (le prat).
[modifier] Cinquième principe : Prat oukhlal (« cas particulier et règle »)
Lorsqu'un cas particulier, ou une série de cas particuliers, est suivi d'une affirmation générale, celle-ci indique le principe général sous-jacent aux cas exposés, et y inclut tout cas non nommément cité. En d'autres termes, la règle généralise le principe énoncé dans le cas.
- Deut. 22:3:Tu feras de même pour son âne, tu feras de même pour son vêtement, tu feras de même pour tout objet qu`il aurait perdu et que tu trouverais; tu ne devras point t'en détourner
Âne et vêtement (prat) sont des cas particuliers d'un principe (klal) : toute chose égarée par son propriétaire doit lui être rapportée
[modifier] Sixième principe : Klal ouFrat ouKhlal (« Règle, cas et règle »)
Lorsqu'un cas particulier, ou une liste de cas, est précédée et suivie de règles, il faut trouver le principe sous-jacent au cas particulier et l'étendre à la règle générale, y compris pour des cas non-cités, l'un des principes servant à étendre, l'autre à restreindre.
- Ex. 22:9:"Dans toute affaire frauduleuse concernant un bœuf, un âne, un agneau, un vêtement, ou tout objet perdu au sujet duquel on dira: C'est cela! -la cause des deux parties ira jusqu'à Dieu; celui que Dieu condamnera fera à son prochain une restitution au double".
- "Toute affaire frauduleuse" : c'est un klal
- "un bœuf, un âne, un agneau, un vêtement" : c'est la série d'exemples
- "ou tout objet perdu au sujet duquel on dira: C'est cela!" : c'est le second klal
On apprend de là que "tout objet perdu" doit ressembler aux cas pour pouvoir porter serment. Que représentent ces cas ? Des biens meubles ayant une valeur monétaire. Donc :
- on peut déposer serment sur tout bien meuble ayant valeur monétaire
- on ne peut déposer serment sur des biens immeubles
- on ne peut déposer serment sur des biens n'ayant pas de valeur monétaire (les actes, par exemple)
[modifier] Septième principe : Klal shehou tsarikh lifrat, prat shehou tsarikh likhlal (« une règle nécessitant un cas, un cas nécessitant une règle »)
Il s'agit d'une règle nécessitant un exemple pour être intelligible, ou, inversement, d'un exemple nécessitant une règle. Dans ce cas, on ne peut limiter la généralité au cas particulier, ni étendre le cas particulier à la généralité, et la loi est issue de la superposition des deux.
exemple biblique :
- Num. 3:40: L`Éternel dit à Moïse: Fais le dénombrement de tous les premiers-nés mâles parmi les enfants d`Israël, depuis l`âge d`un mois et au-dessus, et compte les d`après leurs noms.
- tous les premiers-nés : c'est le klal, qui pourrait inclure tant les aînés que les aînées
- mâles : c'est le prat, qui pourrait se rapporter aux aînés comme aux puinés.
Il est donc évident que klal et prat sont mutuellement nécessaires pour appliquer la règle.
[modifier] Huitième principe
Tout ce qui tenait de la règle générale, et en a été extraite afin de nous enseigner une règle, on ne doit pas la considérer comme applicable au cas extrait, mais à l'ensemble des cas.
- Ex. 31:15:On travaillera six jours; mais le septième jour est le shabbat, le jour du repos, consacré à l'Éternel. Celui qui fera quelque ouvrage le jour du shabbat, sera puni de mort.
- Ex. 35:3:Vous n`allumerez point de feu, dans aucune de vos demeures, le jour du shabbat.
Le premier énoncé est suffisamment clair. Pourquoi préciser le second ? Afin d'enseigner que le feu est un travail, donc punissable en cas de transgression, comme chaque travail'. Donc, il faudra offrir un sacrifice en rachat de chaque transgression, et non un sacrifice pour toutes les transgressions.
[modifier] Neuvième principe
Tout ce qui était inclus dans une règle générale et en a été exclu pour être applicable à une autre règle qui fait partie de son contexte [premier], n'a été extrait que pour allévier (assouplir), non pour renforcer.
- Lev. 13:4 (et seq.):S'il y a sur la peau du corps une tache blanche qui ne paraisse pas plus profonde que la peau, et que le poil ne soit pas devenu blanc, le sacrificateur enfermera pendant sept jours celui qui a la plaie.
- Lev. 13:18:Lorsqu'un homme aura eu sur la peau de son corps un ulcère qui a été guéri,
Pourquoi consacrer un passage à l'ulcère cutané, alors que les affections cutanées viennent d'être discutées dans leur ensemble ? Afin d'enseigner, comme une période d'isolement supplémentaire n'est pas mentionnée, qu'un ulcère est traité, comme l'ensemble des affections cutanées,par un isolement de 7 jours, et pas davantage.
[modifier] Dixième principe
Tout ce qui était inclus dans une règle générale et en a été exclu pour être applicable à une [autre] règle qui ne fait pas partie de son contexte [premier], l'a été afin d'être assoupli [dans certains cas] et renforcé [dans d'autres].
Le même chapitre traite au verset Lev. 13:29 d'une plaie à la tête et au menton, alors qu'elle a précédemment traité des affections "de la peau et de la chair". C'est donc que la peau et la chair sortent du contexte général précédemment établi : elles traitent non plus des affections cutanées mais de la tinea capitis. Et, dans ce contexte particulier, un poil blanc ne sera pas aussi grave qu'une tache blanche sur la peau, par contre, un poil jaune sera impur.
[modifier] Onzième principe
Tout ce qui était inclus dans une règle générale, qui en a été exclu pour être traité par une nouvelle règle, on ne peut le rattacher à la règle générale, sauf si la Torah le fait elle-même (de façon explicite).
La Torah apporte ici des modifications à des cas particuliers d'une règle précédemment établie.
Ainsi, dans le cas de la terouma, réservée à la classe sacerdotale, la Torah dit (Lev. 22:11) qu'une personne née dans la maison du prêtre peut en consommer. Cependant, la fille d'un prêtre mariée à un profane en est exclue.
[modifier] Douzième principe : Davar haLamed me'inyano vedavar halamed misoufo (« un enseignement appris de son contexte, un enseignement appris de sa fin »)
- Un enseignement appris de son contexte :
Dans les Dix Commandements, le vol est placé entre l'homicide et l'adultère, tous deux passibles de la peine capitale. On en déduit que le "vol" passible de peine capitale ne concerne pas les biens mais les personnes.
- Un enseignement appris de sa fin :
Dans le chapitre 14 du Lévitique, on parle de la lèpre des murs. Ce passage est assez obscur jusqu'au verset Lev. 14:45 : "On abattra la maison, les pierres, le bois, et tout le mortier de la maison; et l'on portera ces choses hors de la ville dans un lieu impur".
On en déduit qu'une maison ne peut recevoir l'impureté que si elle contient des pierres, du bois et du mortier (qui retiennent les agents responsables de l'impureté).
[modifier] Treizième principe
Deux versets qui se contredisent [ne peuvent être résolus qu']au moment où un troisième verset vient résoudre leur apparente contradiction.
L'exemple le plus connu est celui des "deux récits de la Genèse" chère aux tenants de l'hypothèse documentaire.
- Dans le premier récit (Gen. 1:1), les cieux précèdent la terre dans la création.
- Dans le second récit, (Gen. 2:4), la terre précède les cieux.
Un verset d'Isaïe Is. 48:13 (Ma main a fondé la terre, Et ma droite a étendu les cieux: Je les appelle, et aussitôt ils se présentent.) résout la difficulté. : cieux et terre furent créés comme une marmite, en même temps.
[modifier] Bibliographie
- Siddour Ish Maçliah', pp 73-78, éditions Saraël, 5761 (2001)
- Scripture as Logos - Rabbi Ishmael and the Origins of Midrash
- Leçons sur les sept principes de Hillel
- Les treize règles de rabbi Ishmaël, par le Rav Jack Abramowitz
