François Coty
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Joseph Marie François Spoturno dit François Coty est un industriel et homme politique français (« Artiste, industriel, technicien, économiste, financier, sociologue » selon sa carte de visite), né à Ajaccio le 3 mai 1874 et mort à Louveciennes le 25 juillet 1934.
Né en 1874 à Ajaccio, orphelin très jeune, François Coty quitte l'école tôt et est élevé par son arrière-grand-mère. En 1900, il épouse Yvonne Alexandrine Le Baron et s'installe à Paris, où il adopte le nom de Coty - plus facile à prononcer et sans doute plus acceptable socialement que son patronyme original.
L'histoire veut qu'à cette époque, il ait eu l'habitude de jouer au piquet avec un pharmacien, lequel dut, un jour, remettre leur partie car il devait travailler, dans son laboratoire, à des préparations officinales. Coty l'y accompagna et se montra fasciné par le matériel de chimiste. Le pharmacien lui donna alors la recette de l'Eau de Cologne, à laquelle Coty s'essaya. Le résultat fut jugé satisfaisant et le pharmacien lui conseilla d'apprendre la parfumerie. Coty alla alors passer un an à Grasse pour se former aux techniques de la cosmétique auprès d'Antoine Chiris. Revenu à Paris, il débute en vendant des essences qu'il fait venir de Grasse aux barbiers de la capitale.
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[modifier] Un génial industriel de la parfumerie
Coty n'est pas seulement un "nez" talentueux ; il est le premier à comprendre que le parfum, jusque là réservé à une élite restreinte, peut et va devenir un produit de masse.
Il a ainsi l'idée d'associer les essences naturelles et les produits de synthèse que les progrès de la chimie organique permettent désormais de produire à bon marché, permettant ainsi à la parfumerie d'entrer dans l'ère industrielle. Dès 1905, il crée sa propre usine sur les bords de la Seine à Suresnes. Elle sera suivie de nombreuses autres : dans l'île de Puteaux pour les conditionnements métalliques, à Neuilly pour les boîtes de cuir et de carton, à Pantin et aux Lilas pour les flacons.
Il comprend l'importance du marketing, du packaging (faisant appel au célèbre verrier René Lalique qui crée pour lui le flacon de L'Effleurt, puis celui d'Ambre antique, mais aussi à Baccarat et au décorateur Léon Bakst) et de la publicité et résume ainsi sa philosophie commerciale : "Donnez à une femme le meilleur produit que vous puissiez préparer, présentez-le dans un flacon parfait d'une belle simplicité, mais d'un goût impeccable, faites le payer un prix raisonnable, et ce sera la naissance d'un grand commerce tel que le monde n'en a jamais vu." Il remporte de grands succès commerciaux avec La Rose Jacqueminot (1904), L'Origan (1905), Ambre Antique (1908), Le Muguet (1910), Lilas blanc (1910), Iris (1913, premier parfum soliflore) et surtout Chypre, lancé en 1917, le premier parfum grand public, dont le succès durera des décennies. La poudre "L'Origan", dans sa célèbre boîte orange et blanc, se vend à 16 millions d'exemplaires par an en France.
Alors que les parfumeurs ne commercialisaient leurs créations que dans leurs propres boutiques, Coty (qui dispose d'un magasin ouvert en 1905 rue La Boétie à Paris), décide de vendre ses parfums dans les grands magasins, se heurtant d'abord au scepticisme de ceux-ci. L'anecdote veut que Coty, sortant d'un rendez-vous avec le directeur des Magasins du Louvre qui lui avait refusé la possibilité de commercialiser dans ses rayons son nouveau parfum La Rose Jacqueminot, en ait jeté une bouteille en plein milieu du magasin bondé, provoquant une quasi-émeute alors que des dizaines de clientes se précipitaient pour demander où elles pouvaient en acheter. Les Magasins du Louvre acceptèrent le parfum dont plus de 500 flacons s'arrachèrent en quelques jours. Les autres grands magasins suivirent. Au bout de quatre mois, Coty avait gagné son premier million. A la veille de la guerre de 1914, les Parfums Coty étaient n° 1 dans le monde, avec des succursales à Moscou, New York, Londres et Buenos Aires, et Coty déjà très riche.
En 1918, pour relancer les ventes, Coty a l'idée de génie de conditionner ses parfums en petites bouteilles, ce qui en fait le cadeau idéal que les soldats américains revenus du front vont ramener à leur femme ou à leur petite amie. Le succès est colossal.
[modifier] Le milliardaire
En 1920, la fortune de Coty se compte en centaines de millions de francs. Il est même considéré alors comme l'un des hommes les plus riches du monde. Charles Maurras - l'un de ses adversaires politiques (voir ci-dessous) - le surnomme "le ploutocrate".
Son apparence physique a été généralement jugée énigmatique, voire dérangeante. Coty a des cheveux roux, qu'il finira par teindre en blond, et l'œil droit immobile, comme s'il était en verre. Il porte au doigt un énorme saphir, fuit la foule et les mondanités, et mène une vie recluse et mystérieuse. Ainsi, il achète à Paris l'énorme hôtel particulier de George Kessler, situé 24 et 26 avenue Raphaël au Ranelagh (aujourd'hui détruit), considéré comme l'une des plus grandes réussites architecturales d'Ernest Sanson, mais il ne l'utilise que comme adresse postale et pour entreposer ses collections de meubles et de tableaux, préférant résider à l'hôtel Claridge avenue des Champs-Elysées.
Le 30 juillet 1912, Coty acquiert pour 600.000 francs le château d'Artigny à Montbazon, près de Tours, édifié durant la guerre de Cent Ans autour d'un donjon d'époque médiévale. Séduit par le site et sa vue magnifique sur la vallée de l'Indre, il l'est moins par les bâtiments. Comme Edmond de Fels à Voisins, il fait raser cet ensemble assez hétéroclite pour faire construire, entre 1912 et 1929, un magnifique château dans le style du XVIIIe siècle, inspiré du château de Champlâtreux, la demeure familiale des Molé, œuvre impressionnante de l'architecte Jean-Michel Chevotet. Coty et sa famille résident à Artigny la moitié de l'année, le maître travaillant au premier étage, ce qui explique le choix - inhabituel - de construire les cuisines sous les combles pour que l'odeur de la nourriture ne vienne pas perturber l'élaboration des parfums. Le décor intérieur est somptueux, avec une chapelle inspirée de celle de Versailles et une fresque de Charles Hoffbauer représentant la famille du parfumeur et ses amis. Des serres magnifiques sont construites dans les jardins.
A Louveciennes, Coty achète en 1923 un domaine comprenant le pavillon édifié par Claude-Nicolas Ledoux en 1771 pour la comtesse du Barry. Sous le prétexte d'édifier en sous-sol un laboratoire de parfumerie, un générateur électrique, des cuisines et une piscine, il n'hésite pas à faire déplacer ce dernier de plusieurs mètres, ce qui aura d'ailleurs pour effet de le préserver, quelques années plus tard, d'un affaissement de la falaise au bord de laquelle il avait été bâti. Le pavillon est néanmoins profondément altéré par la surélévation d'un étage, commandée à l'architecte Charles Mewès, afin de créer cinq chambres à coucher supplémentaires. Des serres tropicales sont créées, reliées au pavillon par des passages souterrains. C'est dans ce domaine que Coty mourra en 1934, victime d'un accident vasculaire cérébral.
Dans les années 20, il possède le château Saint-Hélène à Nice (acquis en 1922 et qui abrite aujourd'hui le Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky), la villa Nanouna à Beaulieu-sur-Mer, le château de la Filolie à Thiviers (Dordogne), une villa à Biarritz et deux propriétés en Corse dont le Scudo à Ajaccio, acquis dans les années 60 par le chanteur Tino Rossi. En 1926, il loue à la Ville de Paris le château de Longchamp, situé dans le Bois de Boulogne, autrefois résidence du baron Haussmann, préfet de la Seine et laissé à l'abandon. Il le fait démolir et fait construire, dans le style du XVIIIe siècle, le château qui s'y trouve encore aujourd'hui.
Ami des arts et mécène Coty finance de nombreuses expositions, mais aussi la traversée de l'Atlantique Paris - New York par Costes et Bellonte ou le nouveau laboratoire du physicien Edouard Branly, dans l'enceinte de l'Institut catholique de Paris.
[modifier] Un politicien controversé
François Coty se lance dans la politique dans les années 20. Viscéralement anti-communiste, il admire le fascisme italien qu'il va contribuer à acclimater en France.
En février 1922, il prend le contrôle du Figaro, qu'il rebaptise Figaro et qu'il installe rond-point des Champs-Elysées. En 1925, il nomme Lucien Romier rédacteur en chef, mais s'en sépare deux ans plus tard. Le journal adopte une ligne éditoriale résolument à droite et perd une grande partie de ses lecteurs : en 1932, la diffusion est tombée à 10.000 exemplaires. En 1928, Coty rachète Le Gaulois qu'il fusionne avec le Figaro.
Il fonde en 1928 le populaire L'Ami du peuple, dont les bureaux sont installés rue de Bassano. Destiné aux classes populaires, le quotidien est vendu deux sous, ce qui lui vaut un procès retentissant intenté par les grands quotidiens à cinq sous comme Le Matin, Le Journal et Le Petit Parisien. Déboutés, ceux-ci seront condamnés à lui verser deux millions de dommages intérêts.
En 1923, Coty est élu Sénateur de la Corse mais son élection est invalidée par la Haute Assemblée. En 1931, il est élu maire d'Ajaccio (le stade de la ville, inauguré en 1910, porte toujours son nom).
En 1927, il soutient la création des Croix de Feu par le Comte Maurice d'Hartois, qui s'installent d'ailleurs, au départ, dans les locaux du Figaro. En 1933, il fonde son propre mouvement : Solidarité Française, qui annonce près de 10.000 adhérents et participe aux émeutes du 6 février 1934. Après la mort de son fondateur, peu de temps après, le mouvement fusionne avec le Francisme de Marcel Bucard.
[modifier] L'héritage de François Coty
Les activités politiques de Coty n'ont pas fait que ternir sa mémoire : elles l'ont laissé complètement ruiné.
A sa mort, la plupart de ses biens sont placés sous séquestre à la demande de ses nombreux créanciers. Son ex-femme, Yvonne Cotnaréanu, ne rentrera ainsi en possession du château d'Artigny qu'en 1947, qu'elle revendra en 1959. Dès 1934 néanmoins, elle devient la première actionnaire du Figaro. Elle cédera la moitié de ses actions, le 15 mai 1950, à un groupe constitué autour de Jean Prouvost. En 1964, elle vend l'autre moitié au groupe Prouvost-Béghin.
La société des Parfums Coty existe toujours aujourd'hui. Elle détient des marques comme Jennifer Lopez, Céline Dion, les parfums Adidas, Rimmel, et Lancaster (Site de Lancaster).
Ses grandes créations, comme "Le Chypre" qui donna son nom à la famille des parfums chyprés, "Ambre Antique", "L'Origan", "Emeraude", "L'Aimant", "Le jasmin de Corse" ou son premier parfum "La Rose Jacqueminot", peuvent toujours êtes sentis au Conservatoire International des Parfums de Versailles. (Osmothèque)
L'Association François Coty, qui perpétue sa mémoire, remet chaque année un prix à un parfumeur, pour l'ensemble de son œuvre.
[modifier] Œuvres de François Coty
- Contre le communisme, Grasset, Paris, 1928
[modifier] Bibliographie
- Elisabeth Barillé et Keiichi Tahara, Coty, parfumeur et visionnaire, Assouline, 1995
- Orla Healy, Coty, la marque d'un visionnaire, Assouline, 2004.
- Louis Latzarus, Un ami du peuple, Monsieur Coty, Librairie Valois, Paris, 1929
- Robert Soucy, Fascismes français ?, éd. Autrement, 2004