Entrisme

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L'entrisme est une stratégie organisationelle qui consiste à faire entrer individuellement, mais de façon concertée, les membres d'une organisation politique dans une autre organisation aux idées proches, mais concurrentes. Le terme entrisme est intrinsèquement lié à l'histoire du trotskysme, mais est aussi employé depuis lors pour décrire des pratiques du même ordre (infiltration, noyautage, etc.).

L'objectif est d'influer sur l'orientation et la puissance d'un courant au sein de l'organisation ciblée, dans le but de parvenir à infléchir la stratégie de l'ensemble de l'organisation. Il existe deux types d'entrisme : officiel (que Trotsky appelle « à drapeaux déployés ») et clandestin.

Le recours à l'entrisme a été envisagé lorsque le mouvement trotskyste se sent trop faible et trop peu influent face aux soubresauts de l'histoire ou au contraire face à l'apathie des masses ouvrières qui se tournent plutôt du coté des PC nationaux ou des partis sociaux-démocrates. Pour les trotskystes, la seule voie pour donner une efficacité concrète à leurs idées reste alors de chercher à influer sur des mouvements moins radicaux mais ayant un rôle réel dans la vie politique.

Il a donc été recouru à l'entrisme sur des périodes relativement courtes, avant que le mouvement ne change une nouvelle fois de stratégie. De plus, son opportunité a fait débat au sein du mouvement, provoquant parfois des affrontements voire des scissions.

Sommaire 1 Histoire 1.1 1934 : L'entrisme comme stratégie de court terme 1.2 1952 - 1953 : l'entrisme comme stratégie de long terme 1.3 Années 1960 - 1970 : l'entrisme lambertiste 2 Emploi journalistique du terme 2.1 Motivations 3 Références

[modifier] Histoire

[modifier] 1934 : L'entrisme comme stratégie de court terme

La genèse de l'entrisme est à chercher dans le contexte difficile des années 1930, de la montée des fascisme et de leur endiguement devenant un objectif prioritaire pour la plupart des gauches. L'époque est déroutante y compris pour le mouvement trotskyste. C'est ainsi que « les recommandations de Trotsky pendant les années 30 épousent au mois près les fluctuations d'une situation mouvante »^[1]. La stratégie va donc varier, et l'entrisme correspond à l'une de ses orientations au cours de l'année 1934.

Cette année est en effet marquée par l'émergence de courants mettant en danger la social-démocratie. En Autriche, l'insurrection ouvrière est brutalement réprimée tandis que les événements du 6 février 1934 ^[2] déstabilisent la république parlementaire en France. Face à cela, Trotsky décide de la création d'ailes gauches actives au sein des partis socialistes. Il écrit à Marceau Pivert, un socialiste de gauche : « Les Bolcheviques-léninistes se considèrent comme une fraction de l'Internationale qui se bâtit. Ils sont prêts à travailler la main dans la main avec les autres fractions réellement révolutionnaires ».^[3] Trotsky se perçoit donc à ce moment dans le même camp que la IIIe Internationale pourtant dirigée par Staline et que l'aile gauche des PS, pourtant accusés de manquer de vigueur révolutionnaire.

C'est ainsi que au cours de l'année 1934, l'entrisme « à drapeau déployé » - des partisans issus d'une organisation X se regroupent en « tendance », « courant » et tentent d'infléchir les orientations de la SFIO - se développe.

Malgré le refus de la vieille tradition d'influence de la Franc-maçonnerie dont Trotsky écrivait qu'elle « est une plaie mauvaise sur le corps du communisme français. Il faut la brûler au fer rouge. »^[4], en 1938, Trotski, dans son pamphlet Leur morale est la notre, se rappelle :

« Je développai en 1935, dans des lettres à mes amis belges l'idée qu'un jeune parti révolutionnaire qui tenterait de créer « ses propres » syndicats irait au suicide. Il faut aller trouver les ouvriers là où ils sont.
- Mais c'est cotiser pour l'entretien d'un appareil opportuniste ?
- Évidemment, répondais-je, le droit de saper les réformistes, il faut le leur payer.
- Mais les réformistes ne nous permettront pas de faire contre eux un travail de sape ?
- Évidemment, répondais-je encore, le travail de sape exige quelques précautions conspiratives. »

[modifier] 1952 - 1953 : l'entrisme comme stratégie de long terme

Les années 1950 correspondent à une vague d'entrisme clandestin au sein des PC nationaux. L'époque correspond à une critallisation de la guerre froide. Les trotskystes se sentent plus que jamais impuissants dans le jeu politique mondial. C'est alors qu'une partie de leurs dirigeants sont tentés par cette stratégie, cette fois tournée vers les partis communistes alignées sur Moscou. C'est ainsi que Michel Pablo propose cette stratégie. Il constate que « La réalité sociale objective [...] est composée essentiellement du régime capitaliste et du monde stalinien »^[5]. Il en déduit que le seul moyen pour les trotskystes d'influer réellement sur la vie politique et de tester l'efficacité de leurs théories est de se confronter aux travailleurs et aux partis qui les représentent. Il s'agit à l'époque des puissants partis communistes des pays occidentaux. Il précise que « cette intégration doit commencer par les organisations périphériques pour arriver jusqu'au parti communiste même »^[6]. Selon Pablo, le militant doit « mettre tout à fait à l'arrière-plan sa qualité de trotskyste ». Il cite enfin les organisations visées.

Cette clandestinité répond au monolithisme aligné sur Moscou des PC de l'époque, mais aussi anticipe sur les ruptures radicales qui ne pourront manquer de se produire d'après les trotskystes. C'est pourquoi Daniel Bensaïd parle d'un « entrisme spéculatif »^[1]. Il apparaît que cette stratégie est le seul moyen d'action d'un mouvement qui dénonce « L'usurpation du pouvoir par une bureaucratie privilégiée » en URSS^[7].

Elle provoque cependant de nombreux antagonismes et sera l'une des causes du plus grave déchirement qu'ait connu la IVème Internationale depuis sa création. En effet, dès l'énoncé de ses thèses, Michel Pablo est critiqué. Marcel Bleibtreu, secrétaire du PCI, refuse cette stratégie. La rupture a lieu avec le congrès de juillet 1952. La majorité lambertiste refuse l'entrisme. Celui-ci acte la stratégie d'entrisme, mais provoque de gaves scissions.

Ce n'est qu'à partir de 1963 que le courant parvient à se réunifier.

De nombreuses personnalités du troskysme telles que Félix Guattari, Denis Berger, Gabriel Cohn-Bendit, Lucien Sebag se montrent critique vis-à-vis de cette pratique.

[modifier] Années 1960 - 1970 : l'entrisme lambertiste

Le terme entrisme a également été employé pour qualifier une toute autre pratique de noyautage de l'organisation communiste internationaliste (OCI) issu de la scission de 1952. Paradoxalement, c'est ce mouvement opposé à l'entrisme qui utilisera ces méthodes au cours des deux décennies suivantes.

Il faut noter que cette stratégie ne donne pas nécessairement de résultat notable. Par exemple, bien au contraire, Lionel Jospin, dont Edwy Plenel affirme^[8] qu'il avait été infiltré de l'OCI au PS, aurait peu à peu renoncé à ses idéaux de jeunesse en adhérant au PS.

[modifier] Emploi journalistique du terme

Il est fréquent que des mouvements politiques ou sociaux soient accusés d'être infiltrés et manipulés par des organisations plus radicales. Ainsi :

• l'Opus Dei, dans la dictature de Pinochet. L'Opus est également influant dans la politique espagnole, notamment dans le gouvernement de José-Maria Aznar^[9], et auprès de personnalités de la droite française, selon le Monde diplomatique (22 Septembre 2003) et l'Humanité ;
• l'association Attac (selon un journaliste du Figaro le 5 août 2005) et l'extrême droite française dans le mouvement altermondialiste. Dans ce cas, les organisations concernées ont démenti ces affirmations.

Il est enfin fait mention des méthodes de la Franc-maçonnerie.

En ce qui concerne le trotskysme, le fait de militer dans plusieurs mouvements est en fait une pratique courante et le plus souvent à double sens. Il est naturel pour un militant politique de s'intéresser au racisme, au syndicalisme, à l'économie, etc. De même qu'il est naturel pour un militant antiraciste de s'engager en politique. Mais dans ce cas-là on ne peut plus parler d'entrisme au sens usuel. De plus, on peut remarquer que quand un militant trotskiste milite aussi dans un syndicat, on l'accuse souvent de faire de l'entrisme, ce qui n'est pas le cas d'un militant du PS ou du PCF. Bien que l'entrisme soit souvent jugé comme un terme péjoratif, certaines organisations trotskystes acceptent ce qualificatif.

[modifier] Motivations

Les motivations qui conduisent à pratiquer l'entrisme sont de deux ordres :

• les organisations ne sont pas de même nature :
  • un parti politique et un syndicat ou une organisation du mouvement social : les membres de la LCR espéreraient, en adhérant à Ras l'front, y défendre leur point de vue et/ou contrôler la politique de l'organisation. Certains refusent le terme d'entrisme dans ce cas, considérant qu'il s'agit d'une adhésion individuelle découlant d'un accord sur l'action de l'association concernée.
• les organisations sont de même nature et agissent sur le même terrain :
  • deux partis politiques ou deux organisations de consommateurs.

Cette pratique est le plus souvent reprochée aux organisations minoritaires. Ainsi, on ne qualifie pas habituellement d'entrisme la double appartenance à une parti politique et à une direction syndicale, au Parti socialiste et à la direction d'un syndicat de la CFDT, par exemple.

[modifier] Références