Particularités du génocide des Tutsi au Rwanda par rapport aux autres génocides
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[modifier] Un génocide populaire
Ce fut un génocide de masse. La participation de la population rwandaise au génocide a été d'une importance inimaginable, ce qui rend d'autant plus méritants les actes de résistances de Hutu. Paul Rusesabagina, dont le film Hotel Rwanda relate le témoignage, symbolise ces hutu qui refusèrent cet engrenage. Une grande partie des rescapés actuels le doivent à des protections hutu extrêmement courageuses. Mais certaines de ces protections furent ambiguës, car des hutu protégeaient quelques connaissances, et massacraient d'autres Tutsi. Cela leur sert d'alibi aujourd'hui devant les tribunaux. Ceux qui ont refusé de participer ont dû se cacher et ont souvent été massacrés comme traîtres.
Le génocide des Juifs, et des autres populations ciblées par le nazisme, est caractérisé par l'action de troupes spéciales qui agissent en secret. Dans le cas du Rwanda on a affaire à une notion très moderne : une campagne médiatique qui donne à toute une population le même objectif conscient, exterminer une minorité jusqu'au fœtus extrait du ventre de sa mère pour que la «race» s'éteigne. L'instrument de ce génocide n'est pas d'abord la machette, mais la radio des mille collines, créée dans ce but, et guidant globalement et en détail le travail des tueurs.
Le livre «une saison de machettes» de Jean Hatzfeld évoque, par la bouche même des tueurs qu'il interviewe, le caractère de travail collectif organisé, les pressions exercées au quotidien sur les populations réticentes, ceux qui font semblant d'aller au travail, les horaires du travail, etc. «Il faut finir le travail» est un leitmotiv des génocidaires. Aucun Rwandais n'a pu échapper à la conscience de l'événement en aucun point du pays. Comme tout génocide, celui-ci fut conçu comme un service public devant épurer le peuple du germe d'une «sale race».
L'emprise de cette campagne médiatique fut amplifiée par le fait que beaucoup de notables hutu ont participé activement à l'entraînement de la population dans cette aventure criminelle. Des prêtres, des pasteurs, des médecins, des instituteurs, des professeurs de faculté, des juges, des avocats, des officiers sont dans les prisons. Mais la majorité des tueurs, volontaires ou ayant agi sous la contrainte, échappe au jugement. Ils sont trop nombreux.
On estime aujourd'hui le nombre de tueurs directs, encore vivants, à 750 000, d'après les estimations construites sur les premières gacaca, tribunaux traditionnels, populaires comme l'est ce génocide. Mais les complices des tueurs sont incalculables. Beaucoup de ceux qui ont assisté sans rien dire, dénoncé, participé aux traques, aux pillages, etc., ne seront sans doute jamais inquiétés. Il était bien vu de se présenter aux «barrières» avec sa machette.