Jardin sauvage

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Un jardin sauvage (wild garden ou wildlife garden en anglais, Naturgarten ou naturnaher Garten en allemand, wilde tuin en néerlandais) est un jardin dans lequel la sauvegarde de la nature joue un rôle important. En effet, il reproduit, à son échelle, des milieux naturels locaux afin d'offrir un refuge à la vie sauvage, tant végétale qu'animale. Sa caractéristique principale est donc une forte présence de végétaux indigènes, qui servent de support à la faune sauvage. De ce fait, un jardin sauvage a une vocation de refuge naturel, qu'il soit créé de toutes pièces ou que l'on laisse les espèces s'établir d'elle-mêmes. Comme tout jardin, il fait l'objet d'une gestion, puisque, d'une part, il doit rester attrayant pour le jardinier et sa famille (aspects récréatif et esthétique) et que, d'autre part, les végétaux les mieux adaptés à la situation du jardin risquent de tout envahir si leur expansion n'est pas un tant soit peu contrôlée.

Les jardins sauvages sont parfois qualifiés de « jardins naturels », comme le fait par exemple l'association Ponema (association française qui promeut l'utilisation d'espèces sauvages dans les jardins). Toutefois, ce terme est plus vague et peut aussi être employé comme synonyme de « jardin écologique » ou « biologique ». Ces divers termes se recoupent et sont liés à une même philosophie du jardinage, plus respectueuse de l'environnement au sens large ; l'appellation « jardin sauvage » met l'accent sur la place accordée aux espèces végétales indigènes et à la création de milieux naturels, afin de contribuer à la sauvegarde de la biodiversité régionale.

[modifier] Philosophie

La notion de « jardin sauvage » remonte au XIXe siècle et est attribuée au jardinier irlandais William Robinson (1838-1935). Celui-ci rompt avec le conformisme des jardins de l'époque et promeut une forme de jardinage qui accorde une place aux fleurs rustiques et les laisse se naturaliser au lieu de les contrôler strictement. Le jardin acquiert ainsi un caractère plus naturel, plus romantique. Le souci de protection de la nature n'étant pas encore à l'ordre du jour, les espèces présentes dans ce type de jardin étaient alors aussi bien exotiques qu'indigènes. Aujourd'hui, on qualifierait plutôt ces jardins de « jardins naturels » ou « d'aspect naturel ».

La dimension de refuge naturel qui s'est greffée sur le concept de W. Robinson émane du constat que l'espace réservé à la vie sauvage se réduit de plus en plus. Sous la pression des activités humaines, les biotopes naturels sont détruits ou modifiés. Dans l'esprit de nombreuses personnes, la nature a sa place - et la trouve - en dehors des zones urbanisées. Or, dans les régions du globe à forte densité démographique, ce n'est souvent plus le cas. Les zones rurales, forestières et côtières ont été à ce point modifiées en vue de la satisfaction des besoins humains que le qualificatif de « naturel » ou « semi-naturel » ne peut plus leur être appliqué. Trop souvent, la forêt n'est envisagée que sous l'angle économique et se compose d'un nombre limité d'essences, exotiques dans le pire des cas (p.ex. épicéa en Belgique, eucalyptus en Méditerranée) ; l'agriculture intensive transforme le paysage en gigantesques monocultures arrosées de pesticides et d'engrais ; zones humides, friches, dunes, berges de rivières, parcelles de nature indomptée sont détruites ou modifiées pour favoriser des activités « rentables ». La nécessité de créer des réserves naturelles, strictement protégées, en témoigne. Mais leur superficie est bien trop réduite pour compenser la perte d'espace pour la vie sauvage. De plus, elles sont éloignées les unes des autres, ce qui réduit les possibilités de dispersion des populations végétales et animales et, par là, les possibilités de brassage génétique. Sans celui-ci, les espèces, en particulier animales, risquent de dégénérer. D'où l'idée de laisser une place à la nature dans des zones vertes pourtant strictement liées à un usage humain, à savoir les parcs et les jardins, qui représentent parfois une surface appréciable des zones urbanisées. Cette philosophie peut également s'appliquer aux bermes d'autoroutes, bords de chemins et petits éléments de verdure urbaine, comme les ronds-points. On consitue ainsi des mini-réserves et des couloirs pour le déplacement et la dissémination des espèces.

[modifier] Avantages

A côté de l'aspect de sauvegarde de la nature, le jardin sauvage présente d'autres aspects positifs. Les plantes indigènes, par essence parfaitement adaptées au climat et aux animaux présents dans l'environnement (leurs « prédateurs »), requièrent peu de soins. L'entretien d'un jardin sauvage ne nécessite pas d'engrais fortement dosés, d'arrosages copieux, de traitements insecticides ; pour autant que les végétaux soient adaptés au type de sol et à l'ensoleillement de la zone où ils sont plantés, ils résistent bien et le jardinier n'a qu'à limiter leur développement. Le tonneau ou la citerne pour la récolte de l'eau de pluie et le tas de compost suffisent pour soigner les plantes plus exigeantes que le jardinier aura souhaité cultiver. Le jardin sauvage apparaît donc comme une forme de jardin écologique, non polluant et respectueux des ressources en eau, et se révèle peu coûteux quant à son entretien.

Par ailleurs, un jardin sauvage, comme tout espace d'aspect naturel, offre un terrain de découvertes intéressant pour les enfants. L'usage moins fréquent de la tondeuse à gazon et du taille-haie contribuent au calme du quartier (et aux économies d'électricité). En zone rurale, par son aspect, il s'intègre harmonieusement dans le paysage. Enfin, un tel jardin attirera oiseaux et papillons ; c'est là un élément qui séduira de nombreux possesseurs de jardin. Un tel concept de jardinage plaît donc à ceux qui ne souhaitent pas devenir esclaves de leur jardin, mais préfèrent le contempler et observer la vie qui s'y développe. Si une plante dépérit malgré le bon équilibre du jardin, l'attitude du « jardinier sauvage » est plutôt de se dire qu'elle n'y était pas vraiment à sa place plutôt que de s'acharner à la faire pousser coûte que coûte.

[modifier] Milieux

Pour offrir un espace diversifié à la vie sauvage, un jardin sauvage peut présenter différents types de milieux :

Une zone « fermée » présente les caractéristiques d'un milieu boisé, forestier, avec divers étages de végétation. En fonction de la superficie du jardin, on prévilégie des essences plus ou moins hautes. Une partie des ligneux peut être entretenue en taillis, pour le bois de chauffe par exemple.

Une zone « ouverte » est un espace herbeux, qui peut être très fleuri. Les possibilités d'entretien sont multiples : cette zone peut être fauchée à différentes périodes de l'année, plus ou moins fréquemment, pour favoriser telles ou telles espèces végétales, mais elle peut aussi être tondue à ras la plupart du temps, pour favoriser les espèces les plus basses et offrir un terrain de chasse à certains oiseaux, ou au contraire être totalement laissée en friche, avec des interventions juste suffisantes pour empêcher l'évolution vers un milieu boisé (suppression des plantes ligneuses).

Une zone semi-ouverte est une zone intermédiaire entre zones fermée et ouverte. Elle est souvent présente dans les jardins sous la forme d'une haie, plantée pour sa fonction de délimitation, mais correspond aussi à la lisière du milieu boisé. Une haie libre (non taillée) a l'avantage de pouvoir fleurir et produire des fruits, et d'être ainsi plus attrayante pour les insectes, oiseaux et mammifères.

Une zone humide peut être constituée d'un plan d'eau plus ou moins vaste, d'une fontaine, d'un marais, d'un fossé ; un point important est que son aménagement ne risque pas de provoquer la noyade des animaux qui viennent y boire (berges en pente douce).

Une zone sèche prend la forme d'un talus, d'un sentier de gravier ou d'une rocaille, d'un muret ou d'un toit qu'on laisse se couvrir de végétation.

[modifier] Végétaux

Puisqu'un jardin sauvage reproduit l'environnement naturel de la région qui l'entoure, il accueille donc en majorité des plantes indigènes. Celles-ci accueillent toujours un nombre plus élevé d'espèces animales que les espèces « exotiques ». En effet, elles sont en relation étroite avec les insectes et autres animaux de la région, avec lesquels elles évoluent depuis des millénaires. Ainsi, les inflorescences des végétaux d'une région donnée sont parfaitement adaptées aux pollinisateurs (insectes, oiseaux, mammifères) de cette même région, qui sont attirés par leur nectar et leur pollen ; il en va de même de leurs fruits, dont les consommateurs disséminent les graines.

Les plantes indigènes constitutent donc la base des pyramides alimentaires. La dépendance la plus forte vis-à-vis d'elles se situe au niveau des insectes, et plus particulièrement leur larves ; ces dernières dépendent strictement, pour se nourrir, de la présence de végétaux spécifiques, parfois même d'une seule plante. Or, plus les insectes sont nombreux, plus le jardin attirera d'oiseaux, et ainsi de suite. En résumé, une grande diversité de plantes indigènes favorise une grande diversité d'espèces animales qui se nourrissent les unes des autres ; de la sorte, aucune espèce ne devient abondante au point de nuire aux plantations. Cet équilibre entre ravageurs et prédateurs est recherché par les partisans de l'agriculture et du jardinage biologiques.

Cependant, un jardin sauvage peut très bien accueillir des espèces non indigènes. Certaines d'entre elles sont en effet de grandes productrices de nectar, de graines ou de fruits, ou bien fleurissent très tôt ou très tard dans la saison et assurent par là une plus longue période de nourrisage aux animaux. Elles ne devraient toutefois pas constituer la majorité des végétaux d'un jardin sauvage, mais plutôt être considérées comme un « plus ». Exemple : le tournesol n'est indigène qu'en Amérique du Nord, mais il est intéressant dans tout jardin sauvage en raison de son importante production de graines et parce qu'il s'agit d'une plante mellifère.

Il faut également souligner le problème que peuvent constituer les cultivars (c'est-à-dire les variétés cultivées, les créations horticoles). Lorsqu'un cultivar résulte de l'« amélioration » d'une espèce existante pour donner des fleurs doubles, il ne produit souvent plus de nectar ni de graines, ou en moindre quantité, et perd ainsi tout ou partie de son intérêt pour la vie sauvage. Lorsqu'une couleur particulière de feuillage est favorisée par sélection, les insectes qui vivent sur cette plante et s'en nourrissent sont menacés d'une autre façon ; l'effet de mimétisme chromatique qui les protège sur la plante dans sa forme originelle est réduit à néant et ils sont beaucoup plus visibles pour leur prédateurs (risque de modification de l'équilibre écologique). Lorsqu'un cultivar est un hybride entre deux ou plusieurs espèces, on a affaire à une espèce « nouvelle » ; celle-ci pourra nourrir certains insectes, mais probablement pas autant qu'une espèce existant à l'état sauvage (cf. espèces exotiques).

[modifier] Abris et nourrissage

Pour attirer un maximum de vie sauvage, toutes sortes d'aménagements sont possibles : plates-bandes fleuries, table de nourrissage et mangeoires, nids pour différentes espèces d'oiseaux, abris à hérissons, à insectes et à chauves-souris... Le jardinier peut également multiplier à l'envi toutes sortes de micro-milieux favorables à la diversité de la vie sauvage : tas de bois, de feuilles, de pierres, fagots de tiges creuses, souche ou tronc d'arbre mort qui sera colonisé par les champignons, carré de fleurs annuelles retourné tous les ans...

[modifier] Bibliographie

ALBOUY Vincent et LEMOINE Guillaume, Le jardin naturel. 148 espèces de fleurs sauvages à introduire au jardin, Delachaux et Niestlé, 2005.
BAINES Chris, Créez votre jardin sauvage, Terre Vivante, Paris, 1989.
LAUROY Nicole, Jardins sauvages, Nathan, Paris, 1992.
STEVENSON Violet, Créer un jardin sauvage, Nathan, Paris, 1995.
WILKE Hartmut, Une mare naturelle dans votre jardin, Terre Vivante, Paris, 1989.
Association Ponema, Attirez les papillons dans votre jardin, Eveil Editeur, Saint-Yrieix (France), 1995.
"Refuges naturels" (1991) et "Accueillir la nature au jardin" (1998), brochures de l'association belge RNOB (aujourd'hui Natagora).
"Jardin sauvage" (2000), dossier technique de la Gazette des Terriers réalisé par la Fédération des clubs CPN (Connaître et Protéger la Nature), France.