Controverse Karmapa
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La controverse des Karmapas est une dispute concenant l’identité du dix-septième Karmapa, chef de la lignée Karma Kagyu, école du bouddhisme tibétain la mieux implantée dans le monde occidental. Depuis 1994, deux candidats, Orgyen (Urgyen) Trinley Dorje et Trinley Thaye Dorje, appuyés respectivement par Situ Rinpoche (Tai Situpa) et Shamar Rinpoche (Shamarpa), revendiquent ce titre. Malgré le soutien apporté au premier par le Dalai Lama et le gouvernement chinois, le conflit n’est toujours pas résolu en 2006
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[modifier] Contexte
Les Gyalwa Karmapas, chefs de l'école Karma Kagyu, l’un des grands courants du bouddhisme tibétain, constituent la première lignée déclarée de tulkus, réincarnations de Düsum Khyenpa (XIIe siècle). Les critères de reconnaissance d'un successeur (indications orales ou écrites laissées par le précédent Karmapa, rêves et intuitions de lamas consacrés, comportement de l’enfant etc..) ne sont en général pas suffisamment précis pour écarter toute contestation quant à son identité. Les tulkus détenant traditionnellement un grand pouvoir, la période s’étendant entre la mort d'un grand lama et la confirmation de sa réincarnation était presque toujours marquée par des rivalités, des luttes, des intrigues et des machinations. Ainsi, dans la lignée kagyupa, la reconnaissance des huitième, dixième et douzième Karmapas donna à chaque fois lieu à des conflits qui furent cependant vite résolus.
[modifier] Origines du conflit
Le conflit actuel s’enracine dans les luttes de préséance entre deux régents en charge des destinées de l’école et de la recherche du nouveau Karmapa après la mort en 1981 de Rangjung Rigpe Dorje, seizième du titre. Ce conflit est compliqué par des enjeux financiers et politiques.
[modifier] Rivalité entre lignées
Le Shamarpa ( [zhwa dmar pa], actuellement Mipham Chokyi Lodro), est à la fois le second et le double du Karmapa, considéré à son instar comme une manifestation du premier Karmapa. Cette fonction fut abolie au milieu du XVIIIe siècle par le Dalai Lama et le gouvernement chinois à la suite de conflits politiques, puis rétablie en 1964 avec l'accord de l'actuel Dalai Lama. Le retour du Shamarpa ne faisait pas l’affaire du Tai Situ pa, représentant du monastère de Palpung (dpal spung) situé à Dergué (sde dge) dans la région du Khams (Tibet oriental). Les Tai Situ Rinpoche avaient en effet bénéficié de la disparition du Shamarpa pour s’élever dans la hiérarchie Karma Kagyu. On est donc tout d’abord en présence de deux factions qui essaient de tirer chacune son épingle du jeu dans le contexte du bouddhisme tibétain actuel, rendu encore plus complexe avec l'exil.
[modifier] Contrôle du Karmapa Charitable Trust
En 1961, le seizième Karmapa, installé dans le monastère de Rumtek (Sikkim), y a créé un fonds humanitaire (Karmapa Charitable Trust). Administré tout d’abord comme un bien monastique (labrang) traditionnel par un intendant indépendant, il a été transformé après la mort du fondateur en un organisme conforme à la législation indienne sur les œuvres humanitaires. Ce fonds, dont l’exécuteur principal était un cousin de Shamar Rinpoche, constituait un enjeu important, bien que les estimations de sa valeur varient grandement selon les sources. En 1992, le parti de Situ Rinpoche investit le monastère avec l’approbation des autorités du Sikkim et fit remplacer le conseil d’administration. Néanmoins, en raison de protestations issues de différents centres Karmapa, ce changement ne fut pas entériné par les autorités. En 1993, après une année de confusion pendant laquelle chaque parti avait dans le monastère sa propre administration, Rumtek fut attaqué et les moines du parti de Shamar Rinpoché en furent chassés. Néanmoins, Orgyen Trinley Dorje ne vint pas s'y installer comme Situ Rinpoche l'espérait, la Chine s'y opposant. Le 17 mai 2006, Trinley Thaye Dorje a été déclaré successeur légal du seizième Karmapa par le conseil d’administration du Karmapa Charitable Trust. Il reste néanmoins à Kalimpong (Inde) en attendant que la situation se stabilise.
[modifier] Ingérences politiques
Certains voient dans le conflit l’action d’agents chinois ayant infiltré les deux partis pour affaiblir l’école Karma Kagyu et l’obliger à se rapprocher du Dalai Lama (école gelugpa). L'objectif final serait d'instituer progressivement une école bouddhique tibétaine unique telle que la souhaitait le mouvement rimé, plus facilement contrôlable que les quatre grandes lignées actuelles. Certains pensent que le Karmapa pourrait à l'avenir remplacer le Dalai Lama à la tête du gouvernement tibétain. Orgyen Trinley Dorje est le premier tulku reconnu par la Chine depuis 1959 et a déclaré après sa rencontre avec Jiang Zemin vouloir « œuvrer à l’unification du territoire et à l’unité nationale ». L’Inde, de son côté, souhaiterait voir Trinley Thaye Dorje, avec lequel elle a de meilleures relations, occuper le monastère de Rumtek au Sikkim, territoire dont elle revendique la souveraineté.
[modifier] Les deux Karmapas
Il semblait au départ que les indices principaux concernant la prochaine renaissance du Karmapa étaient contenus dans deux lettres connues des quatre régents, laissées par le dernier Karmapa, et une prédiction du deuxième Karmapa. Assez vagues, ils sont considérés par les deux partis comme correspondant aux caractéristique de leur candidat. Par ailleurs, dans un « coup de théâtre », l’authenticité des lettres a été ultérieurement remise en question par Tai Situ Rinpoche. C’est donc principalement à partir d’indices connus d’eux seuls que le Tai Situ pa et le Shamarpa ont découvert chacun leur candidat.
- Urgyen (Orgyen) Trinley Dorje est né en 1985 dans une famille de nomades du Kham, de Karma Döndrub Tashi et de sa femme Loga. Découvert par une équipe menée par Situ Rinpoche, il fut intronisé en 1992 au monastère de Tsurphu au Tibet, siège traditionnel des Karmapas. Il quitta en cachette le Tibet fin 1999 pour parvenir à Dharamsala, résidence du Dalai Lama, le 5 janvier 2000. Il s’est rendu depuis en Chine où il a rencontré des personnalités officielles telles que Jiang Zemin. Il réside actuellement (2006) au monastère de Gyuto à Sidhbari près de Dharamsala. Pour l’identifier, Situ Rinpoche s’est appuyé essentiellement sur un poème dissimulé dans un talisman que lui aurait remis le seizième Karmapa.
- Trinley Thaye Dorje est né le 6 mai 1983 à Lhasa de Mipham Rinpoche, important tulku nyingmapa et de Dechen Wangmo, descendante du roi Gesar de Ling. Il fut découvert par le Shamarpa en 1988 d’après un rêve de Chobgye Tri Rinpoche, chef d’une lignée sakyapa. En 1994, il est passé avec sa famille en Inde où il a été investi au Karmapa International Buddhist Institute de New Delhi, malgré la présence à l’extérieur de manifestants de l’autre bord. Durant ses études, il a voyagé à l’étranger et suivi à l’Institut des cours avec divers instructeurs anglais et australiens. Il a en particulier étudié la philosophie occidentale avec Harrison Pemberton de l’université américaine Washington and Lee. Il a été intronisé Vidhyadhara (dépositaire de la connaissance) en décembre 2003. Le 17 mai 2006 il a été officiellement appointé successeur légal du seizième Karmapa par le conseil d’administration du Karmapa Charitable Trust. Autorisé à prendre possession de Rumtek, il reste néanmoins à Kalimpong (Inde) en attendant que la situation se stabilise.
[modifier] Quelques points d’opposition
Les partisans d'Orgyen Trinley Dorje considèrent que le poème qui a permis de l’identifier a vraiment été remis par le Karmapa à Tai Situ Rinpoche. Celui-ci a recueilli le cœur du Karmapa après l’incinération, indication que c’était un disciple très proche. L’approbation du Dalai Lama est un argument important, d’autant plus que Shamar Rimpoche lui-même a signé la lettre de reconnaissance de Orgyen Trinley Dorje avant de se rétracter. Les partisans de Trinley Thaye Dorje soutiennent pour leur part que c’est par fraude que Situ Rinpoche s’est emparé du cœur du seizième Karmapa et que le poème est un faux. Ils ont demandé une expertise qui n'a pas été accordée. Shamar Rinpoché déclare avoir signé la reconnaissance uniquement par respect pour le Dalai Lama qui l’avait déjà approuvée, avant d’apprendre qu’on aurait précipité la signature de ce dernier en lui disant que tous les régents étaient d’accord, ce qui n’était pas le cas.
Le parti d’Orgyen Trinley Dorje est mieux implanté, surtout parmi les Tibétains qui voient en lui une promesse d’unité pour le bouddhisme, du fait de ses rapports privilégiés avec le Dalai Lama. Au départ, l’image a aussi compté : alors que le « débutant » Orgyen Trinley Dorje était charismatique, avec un physique sportif et un visage ressemblant à celui du précédent Karmapa, le jeune Trinley Thaye Dorje semblait en comparaison maigrichon et pâle, portant de plus des lunettes. Hors du Tibet et de Chine, le parti de Trinley Thaye Dorje se rapproche de son concurrent, surtout en Autriche, Allemagne, France et au Danemark où ses partisans sont majoritaires. Il bénéficie d’une grande liberté de mouvement qui lui permet de nombreux déplacements à l’étranger durant lesquels il peut mettre en évidence l’aspect international et moderne de son éducation. Orgyen Trinley Dorje est sous haute surveillance et ses déplacements sont contrôlés.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- Gilles Van Grasdorff La fuite du petit Bouddha , éd. Michel Lafon, mars-avril 2000 (sur Orgyen Trinley Dorje).
- Gilles Van Grasdorff Le livre bouddhiste de la sagesse et de l’amour, Ed. Michel Lafon, 2000 (sur Thayé Dorje)
