Leszek Kolakowski

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Leszek Kołakowski pour Znak

Leszek Kołakowski, né le 23 octobre 1927 à Radom (Pologne), philosophe, historien de la philosophie et essayiste polonais.

Kolakowski est un esprit sceptique, d’une curiosité universelle, s’inscrivant dans une tradition intellectuelle universaliste et rationaliste, héritière des Lumières européennes. Écrivain ironique et laconique, écrivant dans quatre langues, il a publié une trentaine d’ouvrages, allant de très sérieux traités de philosophie, comme son essai sur La philosophie positiviste de 1966, ou son Traité sur la mortalité de la Raison, publié en allemand en 1967, à des essais littéraires d’un esprit assez voltairien, comportant aussi bien un recueil de réflexions que des contes (comme Treize fables du royaume de Lailonie pour petits et grands, en polonais en 1963), des fictions, et même un scénario de film (Exilés du Paradis, en 1963).

Il demeure aujourd’hui comme le meilleur connaisseur des développements du marxisme, auxquels il a consacré une passionnante étude en trois volumes Les Courants principaux du marxisme (1°Naissance, 2° Evolution, 3° Effondrement). L’auteur nous dit combien il déplore que traduction française de cette œuvre monumentale ait été, hélas, interrompue après la publication du 2° volume ; ce qui nous prive du 3°, consacré au stalinisme, mais aussi aux pensées de Trotski, de Antonio Gramsci, de Lukacs, de Karl Korsch, à l’École de Francfort, aux œuvres de Marcuse, et d’Ernst Bloch.

Ce qui est le plus étonnant chez Kolakowski, c’est peut-être la constance d’un dialogue avec le christianisme, dont il connaît excellemment l’histoire des moindres sectes hérétiques. Etudiant les courants du marxisme, d’un côté et l’histoire religieuse, de l’autre, il établit des comparaisons très éclairantes et démontre la nocivité historique de toutes les formes de manichéisme et de millénarisme.

[modifier] Biographie

Trop jeune pour la Résistance, Kolakowski passe son bac en 1945, puis s’inscrit en philosophie à l’Université « rouge » de Lodz, où il poursuit ses études jusqu’en 1949. Dans ce pays où l’influence du marxisme, profonde à la fin du XIX° siècle, avait connu un sérieux déclin, il s’engage très tôt dans le militantisme communiste (membre de l’Union de Combat des Jeunes, ZWM). Il poursuit ses études de philosophie à l’Université de Varsovie à partir de 1949 et y fait la carrière classique d’un grand professeur. Dès la fin de ses études, il se fait remarquer en rompant quelques lances, dans la presse culturelle, avec les courants intellectuels chrétiens, néo-thomistes en particulier, dont il étudie attentivement la pensée. (Cf. ses Essais sur la philosophie catholique de 1956.) A partir de 1956, il apparaît comme le chef de file du « révisionnisme » philosophique dans l’ensemble des démocraties populaires. La tactique de ces jeunes contestataires, dans des pays récemment « déstalinisés », consiste à retourner contre les régimes en place les armes et les slogans du marxisme ; à confronter les promesses d’égalité, de liberté et d’abondance de la propagande avec la vie quotidienne misérable et assujettie des masses. Il s’agit donc d’une critique « de gauche », qui recherche une forme de dialogue avec certaines tendances au sein des partis communistes, et qui se réclame d’un socialisme ouvert et non dogmatique. Kolakowski livre ce combat, en assumant, dans la deuxième moitié des années 50, la rédaction en chef de la revue La Pensée contemporaine et en participant au comité de rédaction du grand hebdomadaire Nouvelle Culture. Mais la tentative des « révisionnistes » échoue. Dix ans après octobre 1956, qui a vu le remplacement, à la tête du pouvoir, des staliniens envoyés de Moscou, par des communistes « autochtones », la désillusion est complète. Kolakowski prononce une conférence à l’Université de philosophie de Varsovie où il se livre à un bilan ironique des dix ans de relative libéralisation. « Qu’avons-nous à célébrer ? Nous n’avons rien à célébrer. » Il est exclu du Parti dont le secrétaire général, Gomulka, le désigne, comme « le principal adversaire ». Que d’honneur pour un philosophe !

A la suite des « événements » de mars 68, durant lesquels les étudiants polonais descendent dans la rue et affrontent la police pour protester contre la censure, Kolakowski est exclu de l’Université, puis chassé de Pologne Populaire, en compagnie des derniers représentants, dans ce pays, d’un marxisme non dogmatique (Bronislaw Baczko, Zygmunt Bauman, Krzysztof Pomian, Wlodzimierz Brus, etc.). On remarque, parmi ces intellectuels de nombreux Juifs, accusés de « sionisme » ; cette exclusion en masse présente bien des aspects d’un pogrom à froid.

Il émigre d’abord en Amérique du nord où il enseigne durant les années universitaires 1968-70. D’abord à Mc Gill, au Québec, puis et surtout à Berkeley, en plein «Summer of love» hippie. Là, il est confronté aux thèses de la contre-culture des sixties occidentales. Il en conservera une exaspération tenace envers les formes contemporaines du relativisme culturel et deviendra l’un des adversaires les plus sardoniques du post-modernisme. Dorénavant, il se consacrera aussi à déconstruire les mythologies révolutionnaires. (Voir, en particulier L’Esprit révolutionnaire, publié en français en 1978. En 1970, il rejoint en tant que fellow les rangs du plus prestigieux des collèges d’Oxford, All Souls. Ses séminaires y constituent de véritables événements. Professeur en retraite, il vit et continue de travailler à Oxford.

[modifier] Bibliographie

Ouvrages traduits en français:

Chrétiens sans Église : la conscience religieuse et le lien confessionnel au xviie siècle, Gallimard (1966)
L'Esprit révolutionnaire ; (suivi de) Marxisme, utopie et anti-utopie, Editions Complexe, Bruxelles (1974)
La Philosophie positiviste, La philosophie positiviste, Denoël, Paris (1976)
Le Village introuvable, Editions Complexe, Bruxelles (1986)
Histoire du marxisme I, Les Fondateurs, Marx, Engels et leurs prédécesseurs, Fayard (1987)
Histoire du marxisme II, L'âge d'or de Kautsky à Lénine, Fayard (1987)
Horreur métaphysique, Payot (1989)
Husserl et la recherche de la certitude, L'Age d'Homme (1991)
Dieu ne nous doit rien : brève remarque sur la religion de Pascal et l'esprit du jansénisme, Albin Michel (1997)
Philosophie de la religion, 10/18, (1999)
Petite philosophie de la vie quotidienne, Editions du Rocher (2001)
La clef céleste ou Récits édifiants de l'histoire sainte réunis pour l'instruction et l'avertissement, Bayard (2004)