La Chute d'Icare
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De val van Icarus |
Pieter Bruegel l'Ancien, 1558 |
Huile sur bois, montée sur bois |
74 × 112 cm |
Musées Royaux des Beaux-Arts |
La Chute d'Icare est un tableau de Pieter Bruegel l'Ancien exposé aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
[modifier] Authenticité
Les experts et les critiques ne s'accordent pas tous sur l'authenticité de cette œuvre. En résumé, il existe deux versions (l'une sur toile et l'autre sur panneau), inventoriées sous le même titre, sans signature ni date. Pour certains, il s'agirait même de deux copies. Aujourd'hui, il semble attesté que l'huile sur bois où l'on voit Dédale volant dans le ciel, soit une copie, bien que des critiques la considèrent d'une meilleure facture.
[modifier] Description
Laissons ces hypothèses aux spécialistes pour décrire simplement cette toile. Dans une vue plongeante, le regard s'arrête d'abord sur les personnages : un paysan qui laboure son champ, un berger appuyé sur son bâton, un pêcheur de dos qui tend son fil. Le rouge de la blouse du laboureur et de l'écharpe du pêcheur attire l'attention sur leurs occupations. Quand les yeux peuvent s'en détacher, on découvre la profondeur de l'espace quasi infini. À l'horizon, le Soleil forme un disque qui irradie et unit le violet du ciel à l'émeraude de la mer. Les montagnes qui bordent celle-ci paraissent irréelles, blanches et légères, comme le port qui s'éveille dans une lumière rose.
L'esprit se plaît à admirer ce paysage harmonieux et paisible mais l'œil, irrésistiblement revient au rouge sang du premier plan, vers ce paysan absorbé par sa tâche. Nous le voyons de biais, la scène étant construite en diagonale et l'impression d'un travail continu, méthodique, en train de se faire, en est accentuée. Derrière lui, les taches claires des brebis guident le regard vers les voiles beiges du navire qui passe. Il est temps alors de découvrir les « détails » de cette scène quotidienne.
Près du bateau, justement, devant le rocher, la mer se ride... et deux jambes s'agitent. C'est qu'Icare est en train de se noyer dans l'indifférence de l'entourage et de la nature! Icare, coupable de s'être approché un peu trop près du soleil, Icare qui a cru braver les lois de la gravité et de la condition humaine, plonge dans le vert émeraude profond et personne ne le remarque. Pas même la perdrix dont le regard vague et lointain rappelle celui du berger qui tourne le dos au drame. On a beaucoup écrit sur le sens de cette représentaion du mythe d'Icare et les interprétations divergent.
[modifier] Analyse
Bruegel illustre un passage des Métamorphoses d'Ovide. Comme souvent, le peintre prend l'inverse de la tradition, l'envers des choses et distille discrètement son ironie. Si les personnages d'Ovide sont représentés pour la première fois, l'essentiel est inversé : les gens à l'aube d'une journée de travail n'ont pas de temps à perdre avec l'ambition d'un fou ou d'un rêveur. Il faut ensemencer et pêcher, il faut retendre les cordages afin que le navire, comme la vie, avance vers la lumière ou l'or philosophal, selon une lecture ésotérique.
Stoïcien et humaniste, Bruegel exprime l'accord de l'homme avec les lois de l'Univers dont il n'est qu'une petite partie. À l'avant-plan, l'épée et la bourse, posées près du laboureur, renvoie au proverbe populaire :
Pierre Francastel développe une autre théorie qui a le mérite de situer le peintre dans le contexte historique de son pays. Icare incarne aussi le courage, l'aventure positive de ceux qui osent. Prisonnier de Minos, il a la volonté de s'enfuir et l'audace d'essayer. C'est l'ingéniosité de son père, Dédale, qui lui en fournit le moyen. Son seul « défaut » est de succomber à la griserie de la réussite. Il est jeune encore. Dédale reste le forgeron, l'artiste et le créateur génial. Au XVIe siècle, le mythe trouve un écho dans ce pays sous domination étrangère : c'est l'appel de la liberté et le rêve d'évasion... La vie continue, oui mais les questions restent posées : toute tentative libératrice est-elle voué à l'échec ? N'y a-t-il plus place pour le rêve ? L'indifférence n'est-elle pas l'écueil le plus dangereux pour l'aventure humaine et le progrès ?
Condamnation ironique de la vanité d'Icare, égale à celle de Nemrod (voir La Tour de Babel), critique de l'indifférence populaire, échec d'une tentative d'évasion, séparation en diagonale du rêve et de la réalité ? A chacun d'en décider !
La toile est un chef d'œuvre qui nous conduit des bords sombres à la lumière d'un jour qui commence. La charrue est toujours féconde et la naissance est une moisson.
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Cet article fait partie de la série Peinture |
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