Neutrino
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Neutrinos | |
---|---|
{{{image}}} | |
Propriétés générales | |
Composition | élémentaires |
Classification | Leptons |
Groupe | {{{groupe}}} |
Génération | {{{génération}}} |
Interaction(s) | {{{interactions}}} |
Propriétés physiques | |
Masse | • νe : < 2,5 eV.c-2 • νμ : < 170 keV.c-2 |
Charge | 0 |
Spin | ½ |
Durée de vie | Stable |
Prédiction | {{{prédiction}}} |
Découverte | {{{découverte}}} |
Le neutrino est une particule élémentaire du modèle standard de la physique des particules.
Il possède un spin de 1/2, c'est donc un fermion.
Longtemps sa masse fut supposée nulle. Toutefois, des expériences récentes (Super-Kamiokande) ont montré que celle-ci, bien que très petite, est différente de zéro.
L'existence du neutrino a été postulée pour la première fois par Wolfgang Pauli pour expliquer le spectre continu de la désintégration bêta ainsi que l'apparente non-conservation du moment cinétique.
Sommaire |
[modifier] Histoire
[modifier] 1896-1930
Quasiment toutes les découvertes scientifiques ont eu pour origine un problème auquel se heurtait la communauté scientifique de l'époque. Avant que ne naisse le concept de neutrino, il fallut qu'on découvre la désintégration bêta, qui est une forme de radioactivité.
[modifier] Prologue : la radioactivité
Henri Becquerel en 1896, puis Pierre et Marie Curie en furent les premiers acteurs. Tandis qu'Henri Becquerel découvrait des rayonnements étranges provenant des sels d'uranium, Pierre et Marie Curie isolaient le radium, substance bien plus radioactive que l'uranium.
En 1899, Ernest Rutherford montre qu'il existe deux sortes de rayonnement qu'il appelle α (alpha) et β (bêta). En 1900, Paul Villard met en évidence un troisième rayonnement provenant du radium et qui sera appelé rayonnement γ (gamma). En 1902, Pierre et Marie Curie montrent que le rayonnement β n'est autre que des électrons tandis que Frederick Soddy et Ernest Rutherford estiment que les rayonnements α, β et γ sont différentes sortes de radioactivités.
Une folle course commence pour étudier en détail les rayonnements provenant des substances radioactives. Vers 1904, Rutherford montre que le rayonnement α est constitué de quelque chose ressemblant à de l'hélium. Il existe bien finalement trois sortes de radioactivités:
- Le rayonnement α : un noyau d'Hélium 4 (deux protons et deux neutrons) s'échappe du noyau radioactif
- Le rayonnement γ : un photon de grande énergie (plusieurs MeV) s'échappe du noyau radioactif
- Le rayonnement β : un électron ou un positron s'échappe du noyau radioactif
[modifier] Problème
L'électron du rayonnement bêta, seule particule a priori éjectée, devrait avoir une énergie bien fixée. Or, après plusieurs études de ce rayonnement faites par Lise Meitner, Otto Hahn, Wilson et von Baeyer, James Chadwick montre en 1914 que tel n'est pas le cas: le spectre en énergie de l'électron est continu.
Faut-il renoncer au principe de la conservation de l'énergie, sacro-saint principe des scientifiques jusqu’ici toujours vérifié par les expériences ?... Niels Bohr, entre autres, ose y penser. Il faut attendre 1930 et Wolfgang Pauli pour voir apparaître une autre solution.
[modifier] 1930-1934
L'idée du neutrino est née seulement en 1930, lorsque Wolfgang Pauli tenta une opération désespérée de sauvetage du « principe de conservation de l'énergie ». Le 4 décembre 1930, invité à une réunion de physiciens à Tübingen, il envoie à ses collègues une lettre étrange et humoristique dont voici le texte :
Chers dames et messieurs radioactifs
Je vous prie d'écouter avec beaucoup de bienveillance le message de cette lettre. Il vous dira que pour pallier la « mauvaise » statistique des noyaux N et 6Li et le spectre bêta continu, j'ai découvert un remède inespéré pour sauver les lois de conservation de l'énergie et les statistiques. Il s'agit de la possibilité d'existence dans les noyaux de particules neutres de spin ½, obéissant au principe d'exclusion, mais différentes des photons parce qu'elles ne se meuvent pas à la vitesse de la lumière, et que j'appelle neutrons. La masse des neutrons devrait être du même ordre de grandeur que celle des électrons et ne doit en aucun cas excéder 0,01 fois la masse du proton. Le spectre β serait alors compréhensible si l'on suppose que pendant la désintégration β, avec chaque électron est émis un neutron, de manière que la somme des énergies du neutron et de l'électron soit constante… J'admets que mon remède puisse paraître invraisemblable, car on aurait dû voir ces neutrons bien plus tôt si réellement ils existaient. Mais seul celui qui ose gagne, et la gravité de la situation, due à la nature continue du spectre β, est éclairée par une remarque de mon honoré prédécesseur, monsieur Debye, qui me disait récemment à Bruxelles : « Oh! Il vaut mieux ne pas y penser du tout, comme pour les nouveaux impôts. » Dorénavant, on doit discuter sérieusement toute voie d'issue. Ainsi, cher peuple radioactif, examinez et jugez. Malheureusement, je ne pourrai pas être moi-même à Tübingen, ma présence étant indispensable ici pour un bal qui aura lieu pendant la nuit du 6 au 7 décembre.
Votre serviteur le plus dévoué,
W. Pauli
En Février 1932, James Chadwick découvre le neutron, mais le neutron est trop lourd et ne correspond donc pas à la particule imaginée par Pauli.
Au Congrès Solvay de Bruxelles, en octobre 1933, Pauli déclare à propos de ses particules:
«…leur masse ne peut pas dépasser beaucoup celle de l'électron. Pour les distinguer des neutrons lourds, monsieur Fermi a proposé le nom de neutrinos. Il est possible que la masse propre des neutrinos soit égale a zéro… Il me paraît admissible que les neutrinos possèdent un spin ½… Nous ne savons rien de l'interaction des neutrinos avec les autres particules matérielles et avec les photons : l'hypothèse qu'ils possèdent un moment magnétique ne me paraît pas du tout fondée. »
En 1933, Francis Perrin montre que la masse du neutrino doit être nulle ou beaucoup plus petite que celle de l'électron. La même année, Anderson découvre le positron, première particule d'anti-matière, vérifiant ainsi la théorie de Dirac et confirmant l'idée du neutrino dans l'esprit de Pauli et Fermi. Fin 1933, tandis que Frédéric Joliot-Curie découvre la radioactivité β+ (émission d'un positron au lieu d'un électron), Enrico Fermi reprend l'hypothèse du neutrino et élabore sa théorie de la désintégration β (interaction faible).
La quête du neutrino commence, mais il fallait être bien téméraire et persévérant en ces années car, dès 1934, Hans Bethe et Rudolf Peierls montrent que la section efficace (la probabilité d'interaction) entre les neutrinos et la matière doit être extrêmement faible : des milliards de fois plus faible que celle de l'électron. Cette particule interagit si peu qu'elle peut traverser la Terre entière sans dévier de sa trajectoire.
[modifier] 1935-1956
Jusqu'à la fin des années 40, les physiciens tentent de mesurer le recul du noyau lors de la désintégration bêta. Toutes leurs mesures sont en accord avec l'hypothèse d'un seul neutrino émis avec l'électron. Mais aucune détection directe de neutrino n'est en vue, car, vu sa faible probabilité d'interaction, il faudrait une source abondante et un énorme détecteur très sensible et très massif. En 1939, Luis Alvarez montre que le tritium est radioactif. C'est jusqu'à ce jour la mesure de la désintégration bêta du tritium qui a fourni la meilleure limite sur la masse du neutrino.
En 1945 explose la première bombe atomique. Malgré l'horreur qu'elle inspire, c'est pour les physiciens une source formidablement puissante de neutrinos. Frederick Reines, qui travaille alors au Laboratoire national de Los Alamos, parle à Fermi, en 1951, de son idée d'installer un détecteur de neutrinos auprès d'une explosion atomique. En 1952, il rencontre Clyde Cowan et tous deux se décident finalement pour une source plus « pacifique »: le réacteur nucléaire de Hanford, dans l'État de Washington. Le détecteur est très vite réalisé. Leur expérience est proposée en février 1953, réalisée au printemps et leurs résultats sortent durant l'été 1953. Mais le signal n'est pas convaincant. Ils recommencent leur expérience en 1956, de façon plus méticuleuse et auprès du réacteur de Savannah River, en Caroline du Sud. Les améliorations apportées, notamment vis a vis du bruit de fond, leur permettent de décrocher le jack-pot! Le neutrino est là. Sa signature est nettement visible dans le détecteur, largement au-dessus des bruits de fond comme ceux dus aux rayons cosmiques.
Le principe de l'expérience de Reines et Cowan consistait à utiliser comme cible environ 400 litres d'un mélange d'eau et de chlorure de cadmium. L'anti-neutrino provenant du réacteur nucléaire interagit avec un proton de la cible, donnant naissance à un positron et un neutron. Le positron s'annihile en donnant deux photons simultanés et le neutron ralentit avant d'être éventuellement capturé par le cadmium, ce qui provoque l'émission de photons environ 15 microsecondes après ceux du positron. Ces photons sont détectés et les 15 microsecondes identifient l'interaction d'un neutrino.
Auprès du même réacteur, d'autres physiciens, comme Alvarez ou Raymond Davis, avaient déjà tenté sans succès de détecter les neutrinos avec une solution de chlorure de carbone qui aurait dû se transformer en argon radioactif par interaction avec un neutrino. Malheureusement pour eux, un réacteur nucléaire ne donne que des anti-neutrinos !
[modifier] 1957-1962
Le neutrino (ou plus exactement l'anti-neutrino) provenant d'un réacteur nucléaire est un neutrino de type électronique (νe ), car, dans la désintégration bêta, il est toujours émis avec un électron. Est-il différent du neutrino de type muonique (νμ ), associable au muon (une autre particule que l'on observait alors dans les rayons cosmiques) ?... Ou bien cette différence n'est-elle qu'un arbitraire théorique de confort? Reines n'eut pas le loisir de poursuivre ses recherches. Il dut retourner à Los Alamos.
D'autres prirent le relais et, en 1959, à la cafétéria de l'université de Columbia, à New York, commence la quête du neutrino νμ. À la suite d'une discussion entre Tsung-Dao Lee et Melvin Schwartz, ce dernier prend conscience de la possibilité de fabriquer un faisceau de neutrinos provenant de la désintégration du pion, particule produite en grande quantité lorsqu'un faisceau de protons de plusieurs GeV rencontre de la matière. T.D. Lee et C.N. Yang s'enthousiasment et commencent à calculer les sections efficaces attendues, tandis que Schwartz s'associe à Leon Lederman, Jack Steinberger et, plus tard, un jeune physicien d'Orsay Jean-Marc Gaillard. Ils trouvent le détecteur idéal pour leur expérience en découvrant la chambre à étincelles construite par J. Cronin et son équipe, à Princeton.
En 1960, Lee et Yang sont de plus en plus convaincus que si une réaction comme celle là n'est pas observée, c'est parce qu'il existe deux types de neutrinos. Pendant ce temps, la construction des chambres à étincelles (un ensemble de 10 tonnes rempli de néon), avance rapidement. Début 1962, tout est prêt. L'accélérateur délivre quelques centaines de millions de neutrinos par heure, dont 40 environ interagissent avec l'appareillage de façon claire. Dans 6 cas sur 40 la particule provenant de l'interaction du neutrino est reconnue comme étant un électron, ce qui était le bruit de fond attendu. Dans 34 cas sur 40, c'est un muon. Conclusion: le νμ est une particule différente.
Si le νμ et le νe avaient été un seul et même neutrino, nos chasseurs de neutrinos auraient obtenu la même proportion d'électrons et de muons.
[modifier] 1963-1983
La découverte du νe puis celle du νμ provoquèrent une fièvre naturelle chez les physiciens. Toute une série d'expériences et de découvertes quasiment en parallèle, concernant les quarks et les leptons, vont se succéder.
Dans les années 60 et 70, les électrons et les neutrinos de haute énergie vont servir de sondes pour aller voir de quoi sont composés les nucléons (protons et neutrons).
C'est de cette époque que provient l'idée, encore admise maintenant que protons et neutrons sont composés chacun de trois quarks. La désintégration β s'explique alors par la transformation d'un des quark en un autre, avec émission d'un boson W± qui se désintègre en un positon et un neutrino (respectivement : électron et anti-neutrino).
La mise en évidence des quarks, puis leur étude, doit donc beaucoup au neutrino. On voit fleurir au CERN, durant les années 70, notamment en 1975 et 1976, les expériences CDHS, CHARM et CHARM II, puis BEBC, qui toutes apporteront des résultats marquants pour la compréhension de la structure en quarks des nucléons et permettront surtout de mieux cerner cette drôle de force qu'est l'interaction faible.
En 1970, Sheldon Glashow, Iliopoulos et Maiani font l'hypothèse de l'existence d'une deuxième famille de quark. Fin 1974, leur hypothèse est confirmée expérimentalement par deux équipes américaines. Deuxième famille de neutrinos, Deuxième famille de quarks: un joli pont se dessine entre les familles de leptons et les familles de quarks.
En 1973, après une course effrénée entre l'équipe du Fermilab et l'équipe de la chambre a bulles « Gargamelle », au CERN, les courants neutres (interaction d'un neutrino avec la matière sans que le neutrino soit transformé en une autre particule comme le muon ou l'électron) sont découverts. En 1977, l'équipe de Leon Lederman découvre auprès de l'accélérateur de Stanford le quark b, qui ouvre ainsi la troisième famille de quarks. À peu près au même moment, Martin Perl découvre le tau (τ), troisième de la famille de lepton. Le neutrino ντ est là: on le sent mais on ne le voit pas! En 2000, on ne l'a toujours pas observé expérimentalement!
En 1983, le boson W signale sa présence à l'expérience UA1 en se désintégrant en électron + anti-neutrino. Puis c'est le boson Z. L'interaction faible et le neutrino impriment définitivement leur marque dans la physique. Un long chemin a été parcouru depuis les premières désintégrations β reconnues par Curie et Rutherford en 1898.
[modifier] 1983-1989
Dans les années 80, des « considérations théoriques et pratiques » amènent peu à peu certains physiciens à accorder leurs faveurs au neutrino de masse non nulle. La mécanique quantique permet alors aux neutrinos d'osciller. Un νe peut, au long de son parcours dans l'univers, devenir un νμ et vice-versa.
En 1979, une expérience menée par F. Reines, toujours auprès du réacteur nucléaire de Savannah River, entreprend de mesurer la proportion de courants neutres par l'interaction d'anti-neutrinos sur du deutérium. Le résultat ne correspond pas aux prévisions théoriques et pourrait s'expliquer par le phénomène d'oscillation du neutrino. Mais pas de conclusion hâtive.
Sous l'impulsion de ce résultat (qui plus tard sera corrigé par d'autres expériences), une équipe de l'ILL (Institut Laue Langevin) de Grenoble tente de chercher l'oscillation des neutrinos auprès du réacteur de son Institut. Puis, plusieurs expériences recherchent d'oscillations de neutrinos auprès des réacteurs nucléaires à travers le monde. Notamment, l'équipe de l'ILL engendre deux équipes : Gösgen en Suisse et Bugey, auprès du réacteur du Bugey, entre Chambéry et Lyon. Cette dernière regroupe cinq laboratoires français, dont le LAPP et le PCC. Les deux expériences de Gösgen et de Bugey trouvent en 1984 deux résultats différents : Bugey voit des oscillations tandis que Gösgen n'en voit pas. Finalement, Bugey corrige le tir et repousse les limites sur les oscillations du neutrino. Donc, toujours pas d'oscillation des neutrinos. Résultat : à moins que la différence de masse entre νμ et νe soit très petite (inférieure a 0.1 eV), il n'y pas plus de 10% de mélange entre ces neutrinos, c'est a dire qu'un νe n'a pas plus de 10% de chance de se transformer en νμ .
Mais l'histoire ne s'arrête pas là car le neutrino est facétieux. Depuis 1969, Raymond Davis tente, dans la mine de Homestake, sous 3000 mètres de terre et de roche, d'attraper quelques neutrinos solaires par an dans un immense détecteur de 600 tonnes de solvant industriel à base de chlore. Ses premiers résultats surprennent. Ils sont confirmés aujourd'hui après plus de 20 ans de prise de données : pour des neutrinos d'énergie supérieure à 1 MeV, le soleil émettrait trois fois moins de neutrinos que prévu.
Les astrophysiciens se grattent la tête et d'autres expériences se mettent en place afin de vérifier ce déficit inattendu et notamment trois : GALLEX, SAGE et KAMIOKANDE. L'expérience de Davis, HOMESTAKE, utilise le chlore, GALLEX utilise le gallium et KAMIOKANDE l'eau. En théorie, chacune de ces expériences ne voient pas les mêmes neutrinos, selon leur provenance lors des réactions thermonucléaires dans le soleil.
Le déficit observé en νe solaires pourrait-il provenir des oscillations de neutrinos?… L'idée est séduisante, mais les résultats des expériences vont montrer qu'elle est difficile à rendre pratique.
D'autre part, en 1985, S.P. Mikheyev et A.Y. Smirnov reprennent le travail de L. Wolfenstein et développent l'idée d'une oscillation des neutrinos renforcée par la présence de matière : c'est l'effet MSW. Le déficit en neutrinos pourrait alors provenir d'une oscillation durant leur parcours à l'intérieur du soleil. Mais l'expérience est seule juge.
[modifier] 1989-1998
En 1989, dès les premiers mois de prises de données du LEP, le nouveau collisionneur de particules du CERN, l'étude de la durée de vie du boson Z permet de montrer qu'il n'existe que trois familles de neutrinos légers. C'est un résultat de physique majeur!
Plus une particule se désintègre rapidement, plus sa masse est indéterminée. On dit que sa distribution de masse possède une certaine largeur. Et cette largeur augmente avec le nombre de possibilités de désintégrations de la particule. Le Z, qui ne vit en moyenne que 10-23 seconde, peut se désintégrer en paires particule/anti-particule, comme par exemple neutrino/anti-neutrino. Plus il y a de familles de neutrinos, plus la largeur de la distribution de masse du Z est grande.
En 1991, se préparent deux expériences au CERN pour détecter l'oscillation des neutrinos: NOMAD et CHORUS, qui, grâce au phénomène d'oscillation, espèrent détecter des neutrinos ντ au sein d'un faisceau de νμ obtenu à partir des protons de l'accélérateur de particules SPS du CERN. La prise de données commence en 1994 et les premiers résultats sont publiés en 1998.
En 1995, l'expérience GALLEX publie ses résultats: un déficit d'environ 40% pour la quasi-totalité des neutrinos solaires. SAGE confirme sagement ce chiffre et KAMIOKANDE observe un déficit de 50%, mais pour les neutrinos du bore seulement (au-dessus de 7.5 MeV). Le mystère reste entier car l'expérience de Davis, sensible aux neutrinos du bore et du béryllium, observait un déficit de 70%. Selon l'énergie des neutrinos solaires, le déficit en neutrinos varie.
L'effet MSW pourrait-il expliquer ce déficit sélectif ?
Enfin, KAMIOKANDE observe un déficit de νμ dans les gerbes de rayons cosmiques. Tenter d'expliquer tout ces déficits par les oscillations neutrino n'est pas chose aisée!… Et cela devient quasiment impossible si l'on tente d'incorporer le résultat préliminaire obtenu par l'expérience LSND à Los Alamos: une oscillation entre anti-νe et anti-νμ .
En 1996, l'expérience LSND annonce de nouveaux résultats: 22 interactions d'anti-νe alors que 4 interactions de ce type étaient attendues. Le fait que les neutrinos aient une masse semble se confirmer.
En 1998, la confirmation de LSND est arrivée et une expérience japonaise, Super-Kamiokande, a vu également une anomalie dans les neutrinos atmosphériques et dans les neutrinos solaires. Les résultats ne sont encore qu'embryonnaires mais tout semble en place pour un neutrino massif ou un nouveau cadeau de la nature, c'est-à-dire une nouvelle découverte scientifique.
[modifier] Caractéristiques physiques
Les neutrinos interagissent uniquement par l'intermédiaire de l'interaction faible et de la gravité. Ils sont insensibles à l'interaction forte et aux interactions électromagnétiques.
La force de gravitation agit sur le mouvement et l'énergie des neutrinos.
Puisque le neutrino n'interagit que fort peu, en se déplaçant dans la matière ordinaire sa probabilité d'interagir est très petite. Il faudrait une épaisseur d'une année lumière de plomb pour arrêter la moitié des neutrinos qui la traversent. Les détecteurs de neutrinos contiennent donc typiquement des centaines de tonnes d'un matériau construit de telle façon que quelques atomes par jour interagissent avec les neutrinos entrant. Dans une supernova qui s'effondre, la densité dans le noyau devient suffisamment élevée (1014grammes/cm³) pour que les neutrinos produits puissent être retenus un bref moment.
Il existe trois genres, ou saveurs de neutrinos :
- le neutrino électronique ou neutrino-électron νe,
- le neutrino muonique ou neutrino-muon νμ
- le neutrino tauique ou neutrino-tau ντ.
Ils sont appelés d'après le lepton qui leur est associé dans le modèle standard.
Des expériences récentes, notamment celle de Super-Kamiokande en 1998 (qui reçut le prix Nobel de physique 2002 à cette occasion) et celle menée à l'Observatoire de Neutrinos de Sudbury depuis 1999, ont montré que les neutrinos peuvent, par l'intermédiaire d'un phénomène appelé oscillation du neutrino, se transformer continuellement d'une forme de saveur en une autre. Ce phénomène n'est possible que si les neutrinos possèdent une masse et que celle-ci est différente pour chaque saveur. La découverte de ce phénomène à permis de fournir une solution au problème des neutrinos solaires.
Un autre problème en astrophysique qui concernait les neutrinos est celui de la matière sombre, la masse « manquante » de l'univers selon certaines théories. En effet, l'univers semble contenir beaucoup plus de matière que celle qui est détectable par le rayonnement qu'elle émet. Cette matière qui n'émet pas de lumière, d'où le terme matière sombre, est toutefois détectable par l'influence gravitationnelle qu'elle exerce sur la matière visible comme les étoiles et les galaxies, et, jusqu'à récemment, on pensait que si les neutrinos possédaient une masse ils pourraient peut-être constituer la matière sombre. Toutefois, selon les connaissances actuelles, la masse des neutrinos est bien trop petite pour que les neutrinos puissent contribuer à une fraction significative de l'hypothétique matière sombre.
D'après les connaissances actuelles, les neutrinos sont nés il y a environ 15 milliards d'années, peu après la naissance de l'univers. Depuis, l'univers n'a cessé de s'étendre, de se refroidir et les neutrinos ont fait leur chemin. Théoriquement, ils forment aujourd'hui un fond de rayonnement cosmique de température égale à 1,9 kelvin (-271,2 degrés Celsius). Les autres neutrinos que l'on trouve dans l'univers sont créés au cours de la vie des étoiles ou lors de l'explosion des supernovae.
La majeure partie de l'énergie dégagée lors de l'effondrement d'une supernova est rayonnée au loin sous la forme de neutrinos produits quand les protons et les électrons se combinent dans le noyau pour former des neutrons. Ces effondrements de supernova produisent d'immenses quantités de neutrinos. La première preuve expérimentale de ceci fut fournie en 1987, quand des neutrinos provenant de la supernova 1987a ont été détectés par les expériences japonaise et américaine Kamiokande et IMB.
[modifier] Détecteurs de neutrinos
Il y a plusieurs types de détecteurs de neutrinos. Chacun est composé d'une grande quantité de matériel situé dans une caverne souterraine conçue pour la protéger du rayonnement cosmique.
- Les détecteurs au chlore furent les premiers employés et se composent d'un réservoir rempli de tétrachlorure de carbone (CCl4). Dans ces détecteurs, un neutrino convertit un atome de chlore en un atome d'argon. Le fluide doit être purgé périodiquement avec du gaz hélium qui enlève l'argon. L'hélium doit alors être refroidi pour le séparer de l'argon. Ces détecteurs avaient le désavantage majeur qu'il leur était impossible de déterminer la direction du neutrino entrant. C'était le détecteur au chlore de Homestake, dans le Dakota du Sud, contenant 520 tonnes de liquide, qui détecta la première fois le déficit des neutrinos provenant du Soleil et qui conduisit au problème des neutrinos solaires.
- Les détecteurs au gallium sont semblables aux détecteurs au chlore mais sont plus sensibles aux neutrinos de faible énergie. Dans ces détecteurs, un neutrino convertit le gallium en germanium qui peut alors être détecté chimiquement. De nouveau, ce type de détecteur ne fournit aucune information sur la direction du neutrino.
- Les détecteurs à eau ordinaire, tels que Super-Kamiokande, contiennent un grand réservoir d'eau pure entouré par des détecteurs très sensibles à la lumière, des tubes photomultiplicateurs. Dans ces détecteurs, un neutrino transfère son énergie à un électron qui se déplace alors plus rapidement que la vitesse de la lumière dans ce milieu, mais plus lentement que la vitesse de la lumière dans le vide, comme le prévoit la théorie de la relativité. Ceci produit une « onde de choc optique » connue sous le nom de rayonnement Cherenkov qui peut être détectée par les tubes photomultiplicateurs. Les avantages de ce détecteur sont d'enregistrer le neutrino dès qu'il entre dans le détecteur, et la possibilité d'obtenir des informations sur la direction du neutrino. C'est ce type de détecteur qui a enregistré le « sursaut » de neutrinos de la supernova 1987a.
- Les détecteurs à eau lourde emploient trois types de réactions pour détecter les neutrinos : la même réaction que les détecteurs à eau légère, une réaction impliquant la collision d'un neutrino avec le neutron d'un noyau de deutérium, ce qui libère un électron, et une troisième réaction dans laquelle le neutrino casse un noyau de deutérium en proton et neutron sans lui-même changer de nature. Les résultats de ces réactions peuvent être détectés par des tubes photomultiplicateurs et des détecteurs de neutrons. Ce type de détecteur est en fonction dans l'Observatoire de Neutrinos de Sudbury.
[modifier] Expériences actuelles
En 2004, différentes expériences de physique des particules cherchent à améliorer les connaissances sur l'oscillation des neutrinos. Outre les neutrinos créés par les réactions nucléaires dans le Soleil et ceux venant de la désintégration beta dans les centrales nucléaires, les physiciens étudient également des neutrinos créés dans les accélérateurs de particules (par exemple, l'expérience japonaise K2K). L'avantage de ce type d'expérience est de contrôler le flux et le moment où les particules sont envoyées. De plus, on connaît leur énergie et la distance qu'elles parcourent entre leur production et leur détection. On peut ainsi se placer aux extremums des oscillations où la mesure des paramètres d'oscillation est la plus précise.
[modifier] Les télescopes à neutrinos
Notre ciel a toujours été observé à l'aide des photons à des énergies très différentes allant des ondes radios aux rayons gammas. L'utilisation d'une autre particule pour observer le ciel permettrait d'ouvrir une nouvelle fenêtre sur l'Univers. Le neutrino est pour cela un parfait candidat :
- elle est stable et ne risque pas de se désintégrer au cours de son parcours ;
- elle est neutre et n'est donc pas déviée par les champs magnétiques. Il est donc possible de localiser approximativement la direction de sa source.
- elle possède une très faible section efficace d'interaction et peut ainsi s'extirper des zones denses de l'univers comme les abords d'un trou noir ou le cœur des phénomènes cataclysmiques (il faut préciser que les photons que nous observons des objets célestes ne nous proviennent que de la surface des objets et non pas du cœur).
- elle n'interagit que par interaction faible et transporte ainsi des informations sur les phénomènes nucléaires des sources, contrairement au photon qui est issu de processus électromagnétiques.
Une nouvelle astronomie complémentaire est ainsi en train de se créer depuis une dizaine d'années.
Un des principes possibles pour un tel télescope est d'utiliser la Terre comme cible permettant d'arrêter les neutrinos astrophysiques. Lorsqu'un neutrino muonique traverse la Terre, il a une faible chance d'interagir et ainsi d'engendrer un muon. Ce muon, s'il a une énergie au delà d'une centaine de GeV, est aligné avec le neutrino et se propage sur une dizaine de kilomètres dans la Terre. S'il a été créé dans la croûte terrestre, il va pouvoir sortir de la Terre et se propager dans la mer où seraient installés les télescopes à neutrinos. Ce muon allant plus vite que la vitesse de la lumière dans l'eau, il engendre de la lumière Tcherenkov, l'équivalent pour la lumière du bang supersonique. Il s'agit d'un cône de lumière bleutée. Ce type de télescope à neutrinos est constitué d'un réseau tridimensionnel de détecteurs de photons (des photomultiplicateurs) qui permet de reconstruire le cône Tcherenkov, et donc la trajectoire du muon et du neutrino incident, et ainsi la position de la source dans le ciel. La résolution angulaire actuelle est de l'ordre du degré.
Ces télescopes à neutrinos sont déployés dans un grand volume d'eau liquide ou de glace pour que la lumière émise par le muon soit perceptible. Des dimensions de l'ordre du kilomètre cube pour avoir une sensibilité suffisante aux faibles flux cosmiques. Ils doivent être placés sous des kilomètres d'eau pour, d'une part, être dans l'obscurité absolue, et, d'autre part, pour avoir un blindage aux rayons cosmiques qui constituent le bruit de fond principal de l'expérience.
Les télescopes à neutrinos, ces immenses volumes situés au fonds des eaux et regardant sous nos pieds, constituent une étape majeure dans le développement de l'astrophysique des particules et devrait permettre de nouvelles découvertes en astrophysique, cosmologie, matière noire et oscillations de neutrinos.
[modifier] Les neutrinos au-delà du Modèle Standard
Depuis que l'on sait que les neutrinos ont une masse, les théoriciens ont développé de nombreuses théories dites "au-delà" du Modèle Standard afin d'expliquer cette masse. Un des modèle les plus prometteur est le modèle du "see-saw", ou "balançoire" en français. Dans ce modèle on introduit dans la théorie les neutrinos de chiralité droite (on étend donc le contenu en particules du Modèle Standard d'où l'appelation "au-delà") que l'on suppose très massifs (bien au-delà de l'échelle électrofaible). Cette dernière hypothèse est justifiées par le fait que l'on ne les ait jamais observés jusqu'à présent et par des considérations de symétrie. Ainsi, on arrive à expliquer la faible masse des neutrinos gauches, ceux que l'on observe jusqu'à présent. Il existe en effet un lien très fort entre la masse des neutrinos gauches et celle des neutrinos droits : elles sont inversement proportionnelles. Donc plus les neutrinos droits sont lourds, plus les neutrinos gauches sont légers. Ce modèle repose sur le fait que l'on considère les neutrinos comme des particules de Majorana, fait qui sera infirmé ou confirmé dans les prochaines années par l'expérience NEMO étudiant la double désintégration β sans neutrino. L'un des attraits de ce modèle est qu'il pourrait permettre d'expliquer l'antisymétrie matière/antimatière de notre Univers. En effet, on se demande toujours pourquoi l'univers contient-il de la matière, sans antimatière. Des processus issus de la désintégration des neutrinos droits dans des périodes où l'univers était très jeune permettent de comprendre ce phénomène. Les processus impliqués sont appelés la leptogénèse et la baryogénèse.
Aujourd'hui les conséquences physiques dus à la masse des neutrinos sont donc très vastes et forment un domaine de recherche très actif au sein de la communauté scientifique.
[modifier] Confusion courante
On entend parfois que les neutrinos se déplaceraient plus vite que la lumière. Cette phrase ne doit en aucun cas être interprètée comme une violation de la relativité restreinte, qui interdit de dépasser la vitesse de la lumière : en fait, la vitesse des neutrinos dans l'eau est supérieure à celle de la lumière dans l'eau.
[modifier] Liens externes
[pdf](en)Caractéristiques des neutrinos (Particle Data Group)
Particules | |
Particules élémentaires : | |
---|---|
Fermions : | quarks · leptons |
Leptons : | électron · muon · tauon · neutrinos |
Bosons de jauge : | photon · gluons · bosons W+, W- et Z0 |
Hypothétiques : | graviton · boson de Higgs |
Particules composites : | |
Hadrons : | baryons · mésons |
Baryons : | proton · neutron · hypérons |
Mésons : | pions · kaons |
Portail de la physique – Accédez aux articles de Wikipédia concernant la physique. |